Préserver le pastoralisme dans le Parc national

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La préservation des espaces pastoraux compte aussi dans les missions de l'établissement public. Son directeur et le président du Conseil d'administration expliquent les circonstances qui ont conduit à organiser une opération d'effarouchement du prédateur, qui ne peut être qu'exceptionnelle.

C'est sans arme qu'une tentative d'effarouchement sonore du prédateur a été réalisée le 10 juillet dernier. Cette opération a suscité une forte émotion, de la part notamment des associations de protection de la nature. Les réactions sont compréhensibles et elles ont été entendues.

Cette opération visait à éloigner le prédateur de zones d'alpage qui ne concernent qu'une infime partie du cœur du Parc national. Elle reste exceptionnelle et liée à des circonstances particulières. Le directeur du Parc national et le président du Conseil d'administration rappellent que les fondements et les missions dont est responsable le Parc national, portent également sur le pastoralisme.

De nouvelles mesures d'urgence vont être mises en œuvre, avec notamment l'installation de cabanes d'alpages supplémentaires.

Alpage de la Lavine, Valgaudemar © B.Guidoni

"La feuille de route de l'établissement est fixée par la charte du Parc national, adoptée par décret en Conseil d'État, après avis favorable du CNPN (Conseil national de protection de la nature).

La charte comprend une « carte des vocations », qui définit les vocations dominantes du territoire du parc national. La zone dans laquelle a eu lieu l'effarouchement est classée en « montagne pastorale ». Cela signifie que, en ces lieux, l'activité pastorale est bien constitutive de la vocation du Parc national. Selon la charte, dans ces espaces, « la reconnaissance de la place du pastoralisme dans le maintien des grands paysages et des espaces ouverts à forte fréquentation touristique est une priorité et représente l'une des conditions de pérennité de la vocation pastorale de certains secteurs de moyenne altitude ».

Là s'applique l'objectif 6 de la charte, à savoir le « renforcement de la gestion des ressources agro-pastorales et forestières ». Il est précisé que « la bonne gestion pastorale (pour éviter l'érosion, la perte de valeur pastorale...) est au centre des préoccupations de l'établissement public, des communes et des partenaires techniques et institutionnels ». Le texte définit des mesures portant notamment sur la divagation des troupeaux, la maîtrise des risques sanitaires, la réduction des surfaces de pelouses dégradées par le pastoralisme, les cabanes d'alpage...

Pastoralisme Valgaudemar - © L.Imberdis -¨Parc national des Ecrins

L'une des mesures est « l'aide à la prévention des dommages dus aux grand prédateurs ». En résumé, selon la charte, le pastoralisme participe à l'équilibre des milieux de ces alpages depuis des générations. La mission de préservation dont est responsable le Parc national porte donc aussi sur certaines formes de pastoralisme.

Par ailleurs l'alpage est une composante essentielle de l'agriculture de montagne. Il offre aux petites exploitations une ressource en herbe qui permet de nourrir les troupeaux pendant 3 mois. Cette ressource ne pourrait pas être compensée sur ces exploitations par d'autres surfaces, les terrains utilisés pour les stocks fourragers permettant à peine de fournir suffisamment de fourrage pour les 6 mois d'hiver. Ainsi, ces petites exploitations seraient menacées si elles n'utilisaient plus les alpages et, dans une vallée comme le Valgaudemar avec très peu d'activité, leur disparition serait très dommageable sur le plan humain, culturel et historique.
Le Parc se doit aussi de prendre ce critère en compte. Cette activité engendre également des effets sur la biodiversité et les paysages : maintien de milieux ouverts et d'une mosaïque de milieux, maintien de la fauche des prairies naturelles, entretien des canaux d'irrigation avec toutes les espèces ou cortèges d'espèces liés à ces habitats, pas d'utilisation de pesticides...

Des circonstances particulières et une opération exceptionnelle

altDepuis le 1er juillet 2014, des attaques répétées, presque quotidiennes, ont été observées sur les alpages des Pales et de La Lavine, dans le cœur du parc national des Écrins.

Les dégâts ont été considérables : au total, près de 150 brebis sont soit mortes, soit disparues.

Les éleveurs touchés sont de la vallée du Valgaudemar ou de la vallée voisine du Champsaur. Les alpages concernés sont gardés. Ils font l'objet de mesures agro-environnementales, visant une gestion pastorale de qualité et la préservation d'espèces menacées comme le tétras lyre.

La configuration des lieux liée à sa géologie (massif cristallin avec des dénivelés importants, des passages étroits, une succession de petits vallons, des barres rocheuses omniprésentes et un éloignement des zones habitées), a plusieurs conséquences :

  • d'une part, les dégâts liés aux dérangements des animaux du troupeau sont amplifiés par l'acuité des risques de décrochage;
  • d'autre part, il est très difficile de surveiller l'ensemble du troupeau, celui-ci pouvant être difficilement regroupé dans un périmètre restreint. L'une des attaques a d'ailleurs eu lieu alors que deux personnes étaient à proximité. Les déplacements fréquents de l'ensemble du troupeau y sont délicats voire impossibles au risque de dégrader les pelouses fragiles.

Les constats de dégâts ont conduit à la conclusion qu'un ou plusieurs loups étaient installés sur le terrain, avec une forte probabilité qu'ils s'y maintiennent, compte-tenu de la présence de nombreux troupeaux alentours.

Renforcer la protection des troupeaux

Conformément aux missions rappelées ci-dessus, il est apparu nécessaire de renforcer rapidement la protection des troupeaux.

cabane héliportable © Parc national des Ecrins Une première mesure d'urgence a été prise le 5 juillet : deux cabanes héliportables ont été installées sur un alpage attaqué et sur un alpage potentiellement menacé, afin de renforcer les possibilités de présence du berger au plus près du troupeau (les cabanes existantes étant pour certaines trop éloignées). Cette mesure est prévue par la charte (« Mise à disposition de cabanes héliportables afin de répondre aux besoins urgents et ponctuels de surveillance des troupeaux »).

La deuxième mesure a été de tenter d'éloigner le ou les prédateurs d'une zone d'alpages qui ne représente qu'une infirme partie du parc national.
En conformité avec la mission « d'aide à la prévention des dommages dus aux grands prédateurs », l'action du parc national n'avait pas d'autre objectif que cet éloignement. La direction estime que l'opération du 10 juillet ne pouvait être qu'exceptionnelle.

Sur le plan réglementaire, dans le cœur du parc national des Écrins, les opérations d'effarouchement de prédateurs sont en effet possibles, dans les conditions fixées par l'arrêté ministériel du 15 mai 2013 (article 10 III) et par le décret 2009-448 du 21 avril 2009 (article 3 IV). Ces textes ont été respectés. En particulier, aucune arme n'a été introduite dans le cœur et les dispositifs d'effarouchement sonores utilisés sont conformes à la réglementation applicable.

De nouvelles mesures d'urgence sont en préparation et seront mises en œuvre dans les tout prochains jours, notamment l'installation de nouvelles cabanes d'alpages.

Conformément à la mission qui lui a été assignée, le Parc national des Écrins poursuivra ses actions de préservation du cœur du parc national et d'appui à la bonne gestion des alpages. Il est à l'écoute de toutes celles et tous ceux qui souhaitent apporter leur contribution de façon constructive hors de tout esprit polémique.

Pour en savoir plus sur la question des alpages :

alpages-pnxTélécharger Alpages et estives dans cinq parcs nationaux de montagne

Ce document met en avant le travail d'état des lieux mené dans le cadre de la préparation des chartes des parcs nationaux des Cévennes, des Écrins, du Mercantour, des Pyrénées et de la Vanoise.

Il a été rédigé collectivement par les cinq parcs nationaux métropolitains de montagne, Parcs nationaux de France et les services pastoraux.

La plaquette présente :
* les paysages de ces espaces pâturés d'altitude
* les équilibres complexes entre pastoralisme et milieux naturels riches en biodiversité.
* l'importance quantitative des unités pastorales d'altitude, leur statut, les gestionnaires et l'origine des animaux qui les pâturent (flux de transhumance)
* les usages et la conduite des troupeaux sur les alpages et estives
* la contribution de ces espaces et pratiques à la qualité et typicité des produits
* les actions concertées menées pour concilier enjeux environnementaux et pastoraux

Alpages sentinelles : un espace de dialogue

Voir le compte-rendu de la dernière journée d'échanges entre les partenaires de ce programme à Châteauroux-les-Alpes
altToujours mobilisés pour les alpages ! Avril 2014
L'intérêt pour les échanges et pour les informations récoltées sur les neuf "alpages sentinelles" des Écrins ne faiblit pas. Le bilan de l'année 2013 a été l'occasion de mieux connaître l'alpage du Distroit lors de la réunion annuelle des partenaires de ce programme à Châteauroux-les-Alpes.

Télécharger L'écho des Ecrins n°32 - automne 2009 -  Alpages : terres d'alliance