Bouquetin des Cerces : l'hiver meurtrier

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La population est amputée du quart de ses membres. Les plus faibles, principalement des cabris et de vieux animaux n'ont pas vu le printemps. Le cinquantième hiver de la plus ancienne colonie réintroduite en France aura été tristement mémorable.

En hiver la neige ne fait pas le bonheur de tous... Cette année les conditions climatiques ont été très difficiles pour les ongulés sauvages et en particulier pour la population de bouquetins du massif des Cerces.

L'hiver, les bouquetins « marchent à l'économie d'énergie ». Pour eux, le but est d'atteindre le printemps grâce aux réserves accumulées pendant les belles saisons. Les animaux descendent dans les vallées, se cantonnent aux barres rocheuses ou sur les croupes ventées où la neige reste le moins longtemps et limitent leurs déplacements au maximum.

« Cet hiver, les conditions météo ont été particulières » précise Eric Vannard, garde moniteur du Parc national des Écrins dans le secteur du Briançonnais et responsable du suivi de cette population.
« La neige, la pluie et les grands froids ont couvert toutes les pentes d'une carapace de neige durcie. Même les pentes ventées habituellement déneigées sont restées couvertes de neige jusqu'à la mi-avril ! »
La survie des bouquetins tient alors aux réserves qu'ils ont pu constituer pendant l'été mais aussi à l'automne. Juste avant l'hiver, c'est le petit plus qui peut augmenter les chances de survie.
Le partenariat entre la commune, le parc national et le monde agricole est déterminant pour une gestion équilibrée des ressources en herbe dans les alpages.

 

Des inquitétudes pour l'avenir

Cet hiver de nombreux bouquetins n'ont pas survécu et près de 50 bouquetins ont été retrouvés morts. Les animaux retrouvés entiers et frais ont été descendus pour analyse au laboratoire départemental vétérinaire de Gap où aucune pathologie n'a été mise en évidence. Les autopsies ont révélée des états d'épuisement.
L'effet cumulé d'un manque de ressource en herbe à l'automne et d'un hiver particulièrement difficile explique cette hécatombe.

« En 20 ans, c'est le deuxième hiver où l'on voit les bouquetins contraints à manger les branches des pins ! » souligne Eric Vannard..

2010-ibex-cerces-comptVendredi 30 avril, le comptage réalisé chaque année, a confirmé les observations de l'hiver : 230 bouquetins ont ainsi été dénombrés sur une population estimée à 300 en 2008. Un quart de la population n'a pas survécu : principalement les plus faibles, cabris et animaux les plus vieux. Sept cabris ont été observés contre une quarantaine habituellement et une vingtaine de mâles de plus de 8 ans a disparu.

On peut raisonnablement s'inquiéter de la survie de la population. Un deuxième hiver identique avec des ressources en herbe qui ne sont pas disponibles à l'automne pourrait être catastrophique.

Résultat du comptage du 30 avril 2010 :
230 bouquetins dénombrés dont 108 étagnes, 7 cabris, 20 éterles et éterlous, 92 mâles dont 29 de plus de 8 ans

 

Hiver 2010 dans les Cerces : un bouquetin gratte la neige pour trouver de quoi subsister - Vidéo Cyril Coursier - Parc national des Écrins

Rappel historique et réglementaire

La population de bouquetins des Cerces est issue de la première réintroduction en France en 1959 et 1960.

Le Bouquetin des Alpes est un animal protégé par arrêté ministériel du 23 avril 2007.
A ce titre :
- La destruction du bouquetin est interdite,
- la détention ou le transport de tout ou partie de l'animal sont interdits,
- la destruction, l'altération ou la dégradation des sites de reproduction ou de repos sont interdits.

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