
Comment fonctionne le sol des prairies ? Comment utiliser au mieux le fumier pour les fertiliser ? Quand et comment pratiquer le chaulage ? Autant de notions concrètes, abordées avec Dominique Massenot, agronome indépendant lors d'une formation proposée récemment à l'Argentière-la-Bessée.
Le concours des prairies fleuries qui a eu lieu en juin dernier dans le secteur de la Vallouise a été l'occasion d'échanges entre les agriculteurs, les gestionnaires d'espaces naturels et les techniciens agricoles.
C'est lors des visites des parcelles par le jury que le souhait d'en savoir plus sur le fonctionnement des sols a été évoqué. Les prairies naturelles permanentes sont la clé de voute des systèmes fourragers de haute-montagne.
L'objectif partagé entre le formateur et les agriculteurs ou techniciens participants s'inscrit dans la recherche du meilleur équilibre agro-écologique possible.
Un sol fonctionne bien s'il est poreux
La journée a débuté dans une salle du Château Saint-Jean à L'Argentière-la-Bessée pour des apports théoriques. L'après-midi s'est poursuivie sur le terrain, à l'Argentière et à Vallouise, avec des mises en pratiques et des visites sur des parcelles.
Les agriculteurs se sont montrés très intéressés par cette formation et prêts à tester certains conseils.
Parmi les éléments qui ont été relevés, l'importance de la porosité du sol à 10-20 cm de profondeur a été mise en avant : cela facilite en effet le développement des micro-organismes et des racines (présence d'air, d'eau et pénétration des racines).
Plutôt que "raisonner" les besoins des plantes, mieux vaut nourrir les micro-organismes du sol a t-il été rappelé.
En effet, ce sont les micro-organismes (toujours présents mais plus ou moins actifs selon les sols) qui décomposent la matière organique du sol et qui fournissent à la plante les éléments nutritifs dont elle a besoin. Ce sont eux qu'il faut favoriser, en leur fournissant une « ration » adéquate : énergie et azote.
Pour éviter les pertes en éléments fertilisants,il est important de bâcher le tas de fumier ou le compost. Le lessivage par la pluie ou la neige peut entrainer des pertes des éléments fertilisants jusqu'à 70% de la valeur initiale d'un fumier ou d'un compost...
Privilégier le compost jeune et éviter le fumier « vieilli »
Le principal inconvénient du fumier frais réside dans les les pailles présentes qui ne se dégradent pas bien et se retrouvent dans le foin. Les pathogènes sont toujours présents. Quant au vieux fumier (6 mois et plus), entre le lessivage et la dégradation par les microbes du fumier, il ne reste plus rien à « manger » pour les micro-organismes du sol. L'aspect « terreau » bien noir est le signe que la matière organique est très stabilisée... mais elle sera alors difficilement dégradée par les micro-organismes du sol. De fait, contrairement à ce que l'on peut penser, la valeur fertilisante d'un tel produit reste limitée.
Dans le compost jeune, les pailles du fumier commencent à être dégradées. La cellulose redonne des sucres facilement accessibles aux micro-organismes du sol.
Il est monté en température, et les pathogènes présents dans le fumier ont été en grande partie éliminés.
Un fumier composté pendant environ 1 mois de façon homogène permet d'obtenir ce résultat.
Ce type de produit està privilégier pour accentuer l'activité biologique du sol et ainsi favoriser sa porosité.
POUR ALLER PLUS LOIN
Voici quelques conseils concrets résumés par Sébastien Guion, technicien à la chambre d'agriculture des Hautes-Alpes
Pour réussir son compost : après avoir sorti le fumier, il faut l'homogénéiser et l' « émietter » (un passage à l'épandeur est souhaitable). Le fumier doit être suffisamment humide (environ 70% d'humidité) pour qu'il se composte bien. Pour des fumiers très secs (chevaux, ou parfois brebis), il ne faut pas hésiter à l'humidifier (avec de l'eau ou mieux, du lisier).
Un (ou 2) retournement est suffisant pour faire monter le tas en température de façon homogène. Si les conditions sont bonnes, un mois est suffisant pour obtenir un compost de bonne qualité.
Pour vérifier que le compost est bien arrive au bon stade:
Les champignons : si des champignons apparaissent, c'est le signe que les glucides sont facilement disponibles ; attention, il ne faut pas trop attendre, les champignons consomment aussi des glucides !
Test de germination du cresson : prélevez un peu de compost, et plantez des graines de cresson. Si les graines germent dans les 3 jours et que les plantules qui se développent sont bien vertes, le compost est prêt à être épandu. En effet, les réserves de la graine de cresson sont vite épuisées, et à partir de ce moment, si la plantule se développe, c'est qu'elle puise dans son environnement pour se nourrir.
Pratiques culturales
Apporter du compost jeune au printemps
Au printemps : avant que l'herbe ne démarre, privilégier les apports de compost jeune.
Si fumier frais ou lisier =>pas de « sucres » disponibles, les micro-organismes à activité structurante du sol ne peuvent jouer leur rôle et l'azote apporté ne sera pas exploitable par les racines de graminées. Ces épandages favorisent les plantes qui sont peu sensibles au tassement (pissenlits) et les plantes à racines pivotantes (rumex).
Il est conseillé d'épandre environ 20-30U de N, soit environ 10T/ha de compost jeune. Mieux vaut un « peu mais souvent que trop d'un coup », sinon, l'azote percole dans le sol, se concentre en profondeur et favorise les plantes à racines pivotantes comme le rumex.
A l'automne : le fumier ou le lisier qui n'a pas pu être composté au printemps peut être épandu à cette période. Ces épandages interviennent à une période où l'activité microbienne est à son maximum. Ainsi, les micro-organismes du sol ont la capacité « d'encaisser » ces apports.
Des outils pour décompacter un sol tassé :
En parallèle des apports de composte jeune, un travail du sol peut être réalisé sur prairie permanente. L'objectifs de cette action est de « casser » le feutrage qui se forme en surface des prairies permanentes et d'aérer le sol.
Décompacteur : Acti-prairie Jurane, ... 15-20 cm de profondeur. Ne fait pas ressortir les cailloux
Sous-solage : trop profond
Exemple de décompacteur à prairie. Cet outil permet d'obtenir de bons résultats de décompactage sans dégrader la prairie. La forme des dents évite de faire ressortir les cailloux. Cet outil est particulièrement adapté dans les prairies naturelles.
Ce travail superficiel du sol est toléré par le cahier des charges de la PHAE2.
Le chaulage : une pratique a redécouvrir
Cette pratique améliore l'activité microbienne sur sols non calcaires. Sur sols acides, l'activité microbienne fonctionne mal. Le chaulage est une solution permettant de maintenir une activité microbienne.
Pour un chaulage d'entretien des sols non calcaires, apporter 2-3T/ha tous les 5 ans de sable calcaire (sable : environ 20€/tonne), ce qui représente l'équivalent de 400-500 kg/ha/an de carbonate de calcium. La difficulté réside dans le fait de trouver des produits du commerce bon marché et facilement épandables. Il faut pour cela se rapprocher des carrières de calcaire.
Test de terrain pour vérifier l'intérêt du chaulage :
Verser un peu d'acide sulfurique dilué (acide à batterie) sur une poignée de terre. S'il se produit une effervescence, le sol est calcaire et il ne faut surtout pas chauler. Si aucune effervescence n'est visible ou audible, le sol justifie d'un chaulage d'entretien.