Chaque année, en novembre, l'air porte au loin l'odeur du fameux pain bouilli cuit au four de Villar d'Arène.
"La tradition du pain bouilli perdure et c'est toujours un moment très fort dans la vie des faranchins. Pendant très longtemps, la fabrication de ce pain a été vitale pour la survie du village (les écrits les plus anciens que l'on ait retrouvés datent de 1450). A l'époque, le bois était si rare que les habitants devaient en partie chauffer le four avec du fumier . Le "po bulli" a traversé les siècles jusqu'au début des années 1970 puis, parce qu'il n'était plus vital, le four, assez délabré et qui devenait difficile à chauffer, n'a plus été utilisé pendant une dizaine d'années.
A l'initiative de Jean-Marie CLOT, personnage emblématique de Villar d'Arène revenu prendre sa retraite dans son village natal, et de Alain BIGNON qui venait d'acheter une vieille bâtisse, devenue plus tard le gîte de La Brêche, une association a été créée afin de relancer cette tradition séculaire et de restaurer le four. Le Parc et ses agents en poste à Villar d'Arène se sont fortement impliqués dans cette aventure.
Il n'a pas été difficile de relancer la fabrication du pain boulli, les faranchins aiment ce pain si particulier, les visiteurs eux, s'étonnent qu'il soit consommable . Il faut avoir été élevé à ce pain pour comprendre ! Pour preuve, je n'aime pas ce pain et mes enfants qui sont nés ici me demandent, chaque année, de leur en réserver un.
Bien entendu, il y a maintenant beaucoup mois de fournées qu'autrefois (4 ou 5) contre une quinzaine au 19ème siècle, mais ce nombre n'a pas varié depuis 30 ans et c'est environ 3 tonnes de farine de seigle qui sont travaillées chaque année le troisième week-end de novembre."
Une fournée nécessite près de 500 kg de farine de seigle, levain compris. Cette farine est travaillée dans un grand pétrin en mélèze avec des seaux d"eau bouillante, les "seillées" d'où le nom de pain bouilli. Pendant une vingtaine d'heures, de la préparation du levain au défournage en passant par le pétrissage, la levée, le façonnage et l'enfournage, une quinzaine de personnes s'active afin de réaliser le pain "à l'ancienne". Le four vouté de pierres ayant été très longuement chauffé, il est ensuite libéré de la braise. Les pains, appelés "tourtes" cuisent pendant sept heures puis sont défournés et entreposés au "paradis", pièce située au-dessus du four où ils refroidissent.
"En marge de ce pain si particulier et à la fin des fournées pour profiter de la chauffe, il y maintenant des fournées de ce que l'on appelle ici "le pain de ménage" qui lui n'a rien de particulier et qui se sont mises en place depuis que le four a été restauré. Le Parc national des Ecrins a financé, en partie, cette restauration.
Depuis 25 ans , Il y a chaque année une "fournée du Parc" où l'on fait environ 120 pains au levain ... et celui-ci , je trouve qu'il est vraiment bon !" Récit d'Eric Vannard, garde-moniteur au Parc national des Ecrins.
A la sortie du four du "po boulli", tout le monde goûte la fournée en faisant "gouchette" : un morceau de pain est trempé dans la gnôle puis flambé avant d'être englouti encore enflammé
A lire
Au centre de documentation du Parc national des Ecrins :
- Le pain boulli, extrait du BT n° 1057, Ed. PEMF, 1994
- L'Alpe, revue, Ed Glénat Musée Dauphinois, n° 61 : Parc national des Ecrins : Des natures et des hommes, 2013



