Évolutions climatiques et ressource en eau
Comme tous les territoires habités, la montagne contribue aux émissions de gaz à effet de serre et donc au réchauffement climatique. Malgré une faible contribution par rapport aux grands espaces urbains, la montagne subit un changement climatique plus rapide et plus marqué qu’en plaine. La température de l’air a d’ores et déjà augmenté de près de 2°C dans les Alpes du Sud par rapport à l’ère préindustrielle (1900), alors que la hausse est d’environ 1°C à l’échelle mondiale.
Les impacts du changement climatique sur la ressource en eau sont déjà étudiés dans plusieurs territoires de moyenne montagne. Territoire habité de montagne mais aussi parc européen de la haute montagne pour ses sommets glaciaires, le parc national des Écrins est à son tour confronté aux enjeux de la ressource en eau. En 2022, le dernier glacier de la vallée du Champsaur aura disparu, finalisant le passage d’un régime hydrologique glaciaire à un régime nival. Ces évolutions hydrologiques sont suivies avec attention par le Parc national des Écrins qui constate une modification de la ressource en eau à tous les étages du parc national : glaciers, alpages, forêts, torrents, prairies de fauche, cultures, rivières...
Le conseil scientifique au cœur de la problématique eau
Le nombre de travaux et de projets en lien avec l’eau (captages, impluviums, assainissement des refuges, pico-centrales, reprises de torrent après crue…) tend à augmenter ces dernières années sur le territoire. Comme cela est prévu par la législation, le conseil scientifique est donc régulièrement amené à donner des avis pour ces travaux et activités en cœur de parc national.
Le rôle du conseil scientifique étant également de conduire des études sur des thématiques nouvelles ou importantes pour l’établissement, il a souhaité organiser une première réflexion sur l’eau dans le territoire des Écrins. Comme beaucoup d’acteurs travaillent déjà sur ce sujet, l’idée d’une rencontre « modeste » a été retenue : un colloque visant d’abord à regrouper et à partager des connaissances.
Des hypothèses confirmées par le colloque
Ce premier séminaire a confirmé quelques hypothèses qui avaient inspiré le démarrage d’une réflexion autour de l’eau au Parc national :
L’importance de la problématique eau dans le domaine de la recherche scientifique.
Les présentations de Météo France, d’EDF et d’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) ont montré la présence de différents modèles de quantification de la ressource en eau. Si de nombreux travaux ont déjà été conduits, on note toutefois une relative dispersion. Ainsi, certains travaux ou banques de données existants restent peu connus voire ignorés par beaucoup d’entre nous. Les outils présentés sont pourtant opérationnels et restent, par principe scientifique, perfectibles.
Plusieurs participants, dont le CESBIO (Centre d'études spatiales de la biosphère), ont souligné l’intérêt d’un parc national comme terrain d’application de méthodes déjà éprouvées ailleurs, en définissant des questions de recherche plus spécifiques à notre territoire. Il semble reconnu de tous les participants que la modélisation des flux d'eau sur le bassin de la Durance, mais aussi au niveau des sous-bassins à identifier, permettra d’anticiper les modalités de répartition de la ressource (énergie, culture, élevage, alimentation en eau potable, loisirs d’été, neige, etc.).
En matière de gestion et de gouvernance, une richesse et une diversité de travaux déjà réalisés par des institutions nationales, régionales et locales.
Les gestionnaires de l’eau ont pu faire part d’un recul déjà important sur certains programmes, tel que le réseau de mesures sur le Drac piloté par la CLEDA (communauté locale de l'eau du Drac amont) ou l’élaboration désormais régulière des PGRE (programmes de gestion de la ressource en eau) avec l’accompagnement de la DDT05. Le territoire des Écrins reste propice à des pratiques agricoles peu consommatrices en eau (par exemple, il est difficile de trouver une « machine » qui consomme moins d’eau qu’un mouton…), c’est pourquoi la notion d’adaptation à la ressource peut parfois sembler incongrue quand il s’agit de conserver des pratiques existantes.
Hubert Cochet (AgroParistech) a retracé l'histoire de ces pratiques autour des évolutions et des révolutions agricoles successives. L’essor de l'irrigation au fil des siècles, notamment par les canaux gravitaires, a bien façonné l'ensemble des systèmes agricoles des Hautes-Alpes. Nul doute que l'eau est et deviendra une variable encore plus essentielle dans le fonctionnement des systèmes d'exploitation agricole.
Les échanges ont montré que les difficultés d’accès à l’eau ne sont pas évidentes à prévoir ni à gérer. L’avenir des canaux d’irrigation gravitaire a été présenté sous un angle multi-usages (Aix-Marseille Université sur les canaux de Provence), pourquoi pas en complémentarité avec des retenues collinaires. La disponibilité en eau dans les alpages impacte la croissance de la végétation (INRAE), pouvant modifier les parcours d’estive et conduire à terme à un changement de gouvernance.
Le caractère exemplaire d’un parc national pour proposer un terrain de réflexions croisées autour de l’eau (environnement de haute montagne, diversité des activités humaines en particulier agricoles et pastorales).
Au delà du rôle facilitateur et support du Parc national, il ne faut pas sous-estimer la difficulté du « travailler ensemble » tant les objets, échelles spatiales et temporelles, entrées disciplinaires, méthodes de recherches et objectifs peuvent différer.
De plus, les enjeux désormais fortement imbriqués sur l'eau imposent de dépasser le seul cadre disciplinaire de telle ou telle équipe de recherche. Il conviendrait ainsi d’identifier des questions qui soient en mesure de faire avancer la connaissance pluridisciplinaire et apporter des outils opérationnels, utiles à tous.
Tous nos remerciements !
Pierre Commenville, directeur du Parc national des Écrins, se joint à Fabien Arnaud et Hubert Cochet, président et vice-président du conseil scientifique, pour adresser à tous les participants du séminaire un grand remerciement. Les conditions sanitaires ont comme souvent perturbé l'organisation, mais les nombreuses connexions en visioconf' ont permis des échanges de qualité avec la salle.
Nous adressons une mention spéciale aux présentateurs pour le temps qu'ils et elles ont consacré au séminaire. La qualité de leur interventions a été fortement apprécié. Un grand Merci à Isabelle Gouttevin (Centre d’études de la neige, Météo France), Guillaume Thirel (INRAE UMR Hydro), Frédéric Gottardi et Thibault Mathevet (EDF), Émilie Crouzat et Hermann Dodier (INRAE), Hubert Cochet (AgroParistech), Chantal Aspe et Marie Jacqué (Aix-Marseille Université), Bertrand Breilh (SAGE Drac amont), Marc Fiquet (DDT 05).
Vous retrouvez ci-dessous leur présentation en téléchargement.