Mystère chez les sonneurs d’Embrun... Les crapauds à ventre jaune auraient t-ils choisi de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier ?
Sur le site de suivi de la population de sonneur à ventre jaune (Bombina variegata), autour des mares aménagées voilà plus de dix ans, l'estimation des effectifs de 2018 est inférieure à toutes celles des années précédentes.
En 2018, une nouvelle campagne de Capture-Marquage-Recapture a été réalisée sur les mares aménagées, afin d'estimer l'effectif de la population.
Pendant l’année 2018, la population de sonneurs a de nouveau bénéficié de toute l'attention des agents du Parc national dans le secteur de l'Embrunais, avec l'aide efficace de Nans Denis, volontaire en service civique.
Dix sessions de terrain, essentiellement nocturnes, ont été réalisées par des agents du secteur, accompagnés par le technicien de l'AFB et l'animatrice Natura 2000 du « steppique durancien ».
De 500 à 50 sonneurs en 10 ans
Tous les crapauds manipulés ont bénéficié d'une photographie de leur pattern ventral véritable « carte d'identité » et de la prise de mesures biométriques (poids et
taille).
L’ensemble des photographies de toutes les sessions a ensuite été analysé grâce à un logiciel de reconnaissance automatique. Ainsi, il est possible de reconstituer l'histoire de capture de chaque individu sur l'ensemble de la saison mais aussi depuis les premières années d'étude. Ces données permettent d'effectuer une analyse statistique pour évaluer l'effectif de la population.
D'une population estimée à plus de 500 individus entre 2006 et 2008, ils n'étaient plus qu'une centaine de crapauds à fréquenter les mares et leurs alentours en 2016.
Or, cette année, l'effectif est estimé à seulement 51 sonneurs et, qui plus est, aucun jeune crapaud n'a été capturé !
Pour Michel Bouche, technicien patrimoine du secteur, « plusieurs hypothèses sont possibles. Soit la population de sonneur est réellement en forte diminution, soit les crapauds fréquentent d'autres mares pour se reproduire et délaissent les mares aménagées. Une combinaison des deux hypothèses est également envisageable. »
Wanted !
Le crapaud sonneur à ventre jaune est un original chez les amphibiens. C'est une espèce longévive (il peut vivre plus d'une dizaine d'années), qui pond peu d’œufs en même temps et peut avoir plusieurs épisodes de pontes dans la saison.
Il est bien adapté à ses sites de reproduction favoris : il colonise des petites pièces d'eau plutôt stagnantes, peu végétalisées et bien ensoleillées. Ces points d'eau peuvent être temporaires : ornières, trous de sabots dans une prairie, nouvelles mares, ....
Les mares aménagées ne sont-elles plus suffisamment favorables pour la reproduction ?
Ces mares ont-elles essentiellement un rôle d’alimentation et d’autres sites de reproduction existent-ils sur la plaine ? Des données naturalistes ponctuelles de sonneurs existent sur la plaine du Roc...
Un comité de pilotage constitué par tous les partenaires concernés suit cette opération de génie écologique ayant permis la sauvegarde de cette espèce patrimoniale. Réuni le 15 novembre dernier, il a validé pour la saison prochaine la réalisation d'une prospection sur l'ensemble de la plaine du Roc afin d’identifier d'autres habitats potentiels pour les sonneurs ainsi que les zones fréquentées par les crapauds au cours de la saison de reproduction.
Une espèce vulnérable et en danger
Le sonneur à ventre jaune est une espèce endémique d’Europe centrale. Sa limite occidentale de répartition est en France.
La répartition de l’espèce a régressé au XXème siècle et la tendance est mauvaise en raison notamment de l’isolement de petits noyaux de populations.
L’espèce bénéficie d’une protection à l’échelle européenne (directive Habitats, convention de Berne) ainsi qu’une protection nationale par arrêté ministériel depuis 2007. Elle est inscrite comme « vulnérable » sur la liste rouge nationale et « en danger » sur la liste rouge des espèces en PACA, du fait du déclin des noyaux de populations (diminution des zones de présence et diminution des effectifs).
Du sauvetage au maintien de l'espèce
Pour mémoire, voilà 12 ans, la mare d'origine dans laquelle le sonneur à ventre jaune se reproduisait à Embrun était menacée par un remblai et diverses pollutions locales.
Le choix avait alors été fait de creuser des mares de substitution dans lesquelles les sonneurs pourraient venir se reproduire en toute tranquillité. Un effet d’aubaine qui explique vraisemblablement l’explosion des effectifs !
Ce petit amphibien étant une espèce pionnière qui occupe les milieux jeunes nouvellement créés, le renouvellement périodique des mares artificielles vieillissantes ou asséchées permettra peut-être de re-dynamiser et de pérenniser la population de la plaine sous le roc.
L’an dernier, les services techniques de la commune d'Embrun et les agents du secteur de l'Embrunais ont uni leurs efforts pour réaménager partiellement le site de reproduction : la bâche de l'une des mares a été changée, la clôture et le portillon ont été rénovés.
Cet automne, un « rajeunissement » des mares a été réalisé par les agents du Parc national du secteur de l'Embrunais.
Le site reste bien entendu accessible au public qui peut venir s'informer sur le sonneur à ventre jaune et sur l'opération de sauvetage dont il a pu bénéficier.
Des animations sont organisées régulièrement sur ce site, également favorable à la sensibilisation du public autour de cette espèce.
Lire aussi
Le ventre jaune des sonneurs, une marque individuelle - mai 2016
Ecouter la chronique nature > Le sonneur à ventre jaune : un petit crapaud rare et protégé - avril 2015
Dossier > La plaine des sonneurs - avril 2014
