La plus haute colonie de France
Le site d’Entre-les-Aigues a fait l’objet dernièrement d’un réaménagement par la commune avec le soutien technique du Parc national : une ancienne maison du hameau a été restaurée en 2020 pour accueillir un point d’accueil avec salle hors-sac et toilettes. Pour achever le projet, il était prévu de détruire le dernier bâtiment restant à l’abandon. Mais c’était sans compter sur les visites chaque année d’hôtes très spéciaux : une centaine de petits rhinolophes, des chauves-souris venant mettre bas et élever leurs petits entre les mois de mai et de septembre.
Comme l’explique Alice Bordes, stagiaire au Parc national, « à 1 620 mètres d’altitude, c’est la plus haute colonie de France, et peut-être la deuxième plus haute d’Europe. Quand la colonie a été découverte en 2015, elle comptait une trentaine d’individus. Elle est en constante progression depuis. Ces dernières années, on est autour d’une centaine de chauves-souris adultes, avec un pic cet été à 122 adultes ! » Un effectif important, composé quasiment que de femelles, complété par la naissance de 51 petits cette année.
Comme toutes les chauves-souris, les petits rhinolophes sont très fidèles à leur site de mise bas. C’est clairement le cas à Entre-les-Aigues, où leur présence est avérée depuis au moins 7 ans. « Ils ont leurs habitudes ici, commente Alice, même si ils défient toutes les règles habituelles ! Normalement, ils n’aiment pas les fluctuations de température, alors qu’ici, on a 14 degrés de différence entre le jour et la nuit dans le bâtiment en août. Pendant les heures les plus froides, ils se regroupent pour se réchauffer alors qu’habituellement, ce sont des espèces qui vivent dispersées ou en essaims lâches. Dans l’église de Vallouise par exemple, on trouve la même espèce, mais il fait plus chaud dans les combles et on a moins de regroupements. »
Une amélioration thermique à prévoir
Comme toutes les espèces de chauves-souris, le petit rhinolophe, ainsi que son habitat, sont protégés aux niveaux national et européen. Impossible donc de détruire le bâtiment désaffecté où la colonie a trouvé refuge. Après la découverte des petits rhinolophes à Entre-les-Aigues en 2015, un gîte de remplacement a été aménagé dans le bâtiment reconstruit. L’objectif : inciter les chauves-souris à déménager d’elles-mêmes. Peine perdue jusque là, il ne semble pas être assez attractif pour l’instant…
Pour tenter de le mettre au goût de nos petits rhinolophes, Alice Bordes, stagiaire au Parc national, a travaillé tout l’été pour mieux comprendre le fonctionnement de la colonie et réfléchir à l’amélioration du nouveau gîte. Pose de caméras infrarouges (pour limiter le dérangement) et de capteurs pour mesurer la température et l’humidité dans les deux bâtiments, suivi et comptage 2 ou 3 fois par semaine au moment des mises bas, visite d’architectes spécialisés dans la thermique du bâtiment : les enseignements ont été nombreux.
« Dans le gîte actuel, le toit en béton armé garde bien la chaleur, explique Alice. Elle s’accumule la journée et elle est restituée la nuit. Mais dans le nouveau gîte, même si la température est très stable, il fait trop froid. » La clé d’un déménagement naturel pourrait donc passer par des aménagements thermiques du bâtiment, par exemple en coulant une dalle de béton sur la mezzanine qui accueille le gîte pour mieux conserver la chaleur. Ces travaux, aujourd’hui en réflexion, devront être réalisés en concertation avec la commune et le Groupe Chiroptères de Provence.
Des altitudes de plus en plus peuplées ?
Ce cas, isolé aujourd’hui à des altitudes pareilles, pourrait être moins rare dans le futur avec les effets du réchauffement climatique. Même si les hivers restent rigoureux en montagne, les petits rhinolophes ont une arme secrète dans leur poche : la capacité à moduler la durée de leur gestation en fonction de la durée du froid pendant l’hiver et le printemps. « Quand il fait froid, les femelles se mettent en léthargie quelques heures dans la journée, et la gestation est mise en pause », précise Alice. Cette année, la douceur exceptionnelle du début d’année a conduit à une mise bas précoce à Entre-les-Aigues : le 11 juillet très précisément, alors qu’elle survient fin juillet ou début août habituellement.





