Le point par vallée
C’est le trio de gypaètes de Malaval qui a été le plus précoce cette année, avec une ponte estimée le 21 décembre 2024. « Ce n’est pas étonnant que ce soient les premiers à enclencher la reproduction, explique Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée. Ce sont les premiers qui se sont installés dans le massif, ils ont donc plus d’expérience dans ce domaine. Ils ont d’ailleurs plusieurs années de reproductions réussies derrière eux. » Cette année, le trio a choisi l’aire de Rif de Mantel, en rive gauche de la Romanche sous le glacier de Mont-de-Lans. C’est d’ailleurs là où est né Emparis en 2019, à ce jour le seul gypaéton des Écrins équipé d’une balise GPS.
Du côté du Vénéon, le changement de femelle dans le couple l’été dernier n’a pas affecté la reproduction : la nouvelle femelle du couple, Altitude, équipée d’une balise GPS, a pondu aux alentours du 6 janvier 2025. L’aire choisie est la même que les autres années, à proximité du hameau de Lanchâtra. Les observations de terrain, remontées des agents du Parc et des bénévoles, ont d’autant plus de valeur que le suivi du couple a été compliqué en début d’hiver, la route d’accès au Vénéon étant coupée en journée.
Quelques jours plus tard, c’est le couple de gypaètes du Grand Clot qui a pris le relai, avec une ponte estimée au 11 janvier. Fraîchement installé en haute Romanche (fin d’automne 2024), ce couple est composé de Simay, un mâle équipé d’une balise GPS, et d’une femelle reconnaissable visuellement grâce à sa queue fourchue. Parmi les nids qu’ils ont fréquenté ces derniers mois, ils ont finalement jeté leur dévolu sur l’aire appelée Maison blanche, nouvellement découverte sous le glacier de la Girose.
La dernière ponte a eu lieu dans le Valgaudemar, autour du 15 janvier. Le couple du Bourg a choisi cette année une nouvelle aire, toujours en rive gauche mais un tout petit peu plus haut dans la vallée. « Par rapport à l’an dernier, la ponte a eu lieu presque un mois plus tôt, commente Yoann Bunz. Là encore, l’expérience a probablement porté ses fruits. » Et ce, malgré le remplacement de l’un des individus du couple depuis la saison dernière.
Une excellente nouvelle pour la dynamique de l’espèce
Pour le moment, tous les signaux sont donc au vert. « L’année dernière, nous avons eu pour la première fois dans les Écrins trois reproductions, toutes menées à leur terme, rappelle Yoann. Cette année, quatre sont en cours. C’est donc une excellente nouvelle pour la dynamique de recolonisation de l’espèce ! »
Les durées d’incubation des précédentes reproductions suivies dans les Écrins permettent d’estimer les dates d’éclosion : entre sept et huit semaines après la ponte, soit entre le 10 février et le 10 mars prochains.
Objectif : préserver la tranquillité des oiseaux
À l’éclairage de ces nouvelles informations, les cartes des zones de sensibilité majeure (ZSM), ces périmètres qui protègent la tranquillité des gypaètes barbus pendant leur reproduction, ont été mises à jour. Jusqu’au 1er mars, toutes les aires « historiques » restent activées, car « si d’ici là, la reproduction échoue, les gypaètes sont susceptibles d’enclencher une ponte de remplacement, pourquoi pas en changeant d’aire », explique Yoann. Après le 1er mars, seules les aires qui sont effectivement le théâtre d’une reproduction feront l’objet d’une ZSM.
En parallèle, les professionnels et les pratiquants de la montagne dans les vallées concernées ont été informés de ces différentes reproductions et des enjeux liés. L’objectif : éviter au maximum les activités pouvant affecter la tranquillité des rapaces dans leur zone de reproduction (cascade de glace, speed riding, vol libre, survols motorisés…).
Le suivi fin de la reproduction des gypaètes barbus est rendu possible grâce au travail des agents du Parc national, mais également grâce à l’investissement d’un réseau assidu de bénévoles, dont les membres de l’association Envergures Alpines.