Faune sauvage : quelle stratégie sanitaire dans les parcs nationaux ?

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Afin d’échanger sur les enjeux liés aux maladies de la faune sauvage et proposer des pistes d’intervention en matière de surveillance et de contrôle, le Parc national des écrins et l’Agence Française pour la Biodiversité organisent un séminaire dans le cadre de la stratégie sanitaire des parcs nationaux. Il regroupera, les 18 et 19 mai 2017 dans l'Embrunais, des experts nationaux et internationaux et des représentants des équipes techniques des Parcs nationaux français de métropole.

Capture bouquetin - 2013 Champsaur -  © R.Papet - Parc national des Ecrins "C’est pour créer une culture sanitaire commune que ce séminaire a été envisagé sous l’égide de l’Agence française pour la biodiversité" souligne Thierry Durand, directeur adjoint du Parc national des Ecrins.

"Il va être l'occasion de mettre en relation des experts de dimension internationale, les équipes techniques des Parcs nationaux et un panel de partenaires des Parcs, vétérinaires de faune sauvage et vétérinaires de laboratoires départementaux d’analyses et spécialistes de l’ONCFS... "

Quels sont les enjeux ? La propagation de maladies infectieuses tend à devenir de plus en plus prégnante, voire critique pour certaines espèces en danger. On sait désormais que l’émergence ou la ré-émergence de maladies constituent une forte menace potentielle pour la conservation de la biodiversité.

L’AFB et le réseau des Parcs nationaux qui lui est rattaché ont en effet souhaité organiser ce séminaire d’expertise pour répondre le plus concrètement possible à deux grandes questions :

  • comment parfaire la détection et la surveillance des maladies de la faune sauvage ?
  • quelles priorités de gestion dans un espace protégé ?

Deux tables rondes porteront plus spécifiquement sur l’épidémio-surveillance des maladies de la faune sauvage aux niveaux national et international et sur la prévention spécifique des dangers potentiels liés aux opérations de translocation et de ré-introductions d’espèces sauvages.

Chèvre et bouquetin -  © R.Chevalier - Parc national des Ecrins L’accompagnement scientifique de VetAgro Sup et la participation de représentants de l’unité sanitaire de la faune de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, garantit un positionnement transversal de cet événement. Le positionnement interministériel de la stratégie sanitaire est en effet une volonté forte des Parcs nationaux, dès lors que la gestion des crises sanitaires relève pour sa part de la compétence des ministères en charge de l’agriculture et de la santé.

Les résultats de ce séminaire permettront de donner les derniers ajustements au programme d’actions de la stratégie sanitaire dont la finalisation est attendue à l’entrée de l’été.

Des comités de suivi sanitaire seront mis en place dans les territoires, à l’image de ce qui a été initié dans les Parcs nationaux des Pyrénées et plus récemment du Mercantour. Ces comités de suivi, associant services de l’état et acteurs socio-professionnels, sont en effet des lieux privilégiés pour un suivi local et une appropriation des enjeux de la stratégie sanitaire, dans un esprit de dialogue et de transparence.

La méthode de travail promue par les Parcs nationaux a vocation a être coordonnée avec les autres réseaux de surveillance existants, dans une logique de mutualisation des outils et des procédures, d’économies d’échelles et de recherche d’efficience à laquelle les Parcs nationaux et l’Agence française pour la biodiversité sont très attachés.

Téléchargez en pied de page le communiqué de presse détaillé

Pour en savoir plus...

Dans les Ecrins, sur le sujet de la transmission des maladies, un travail de recherche et d'information a été réalisé en 2013

Lire : Entre faune et troupeaux, prévenir la transmission des maladies
voir le document réalisé : Ongulés sauvages et domestiques en alpages
 

Jeune bouquetin touché par la kératoconjonctivite - © Parc national des EcrinsEcouter aussi Les maladies de la faune sauvage

Chronique nature

La kérato-conjonctivite, une maladie de l’œil, a refait une apparition en 2015 après plusieurs années d'absence sur les populations de chamois du Queyras et du Briançonnais. Très contagieuse, la kérato-conjonctivite peut atteindre jusqu'à 90 % d'animaux d'une même espèce. Pour autant, comme l'explique Michel Bouche, technicien patrimoine dans le secteur de l'Embrunais et vétérinaire de formation, cette pathologie n'est pas nécessairement mortelle. 80 % des malades en guérissent seul et, en l'occurence, le meilleur remède est de ne pas intervenir.

Les maladies sont un phénomène normal, une composante de la dynamique de la faune sauvage. Il n'est a priori par nécessaire d'intervenir, hormis si l'espèce est en danger, si cela engendre des risques pour la santé humaine ou des conséquences graves pour l'économie agricole.

Capture bouquetin 2016 - © Eric Vannard - Parc national des Ecrins Connaître les raisons de la mortalité des bouquetins est l'un des objectifs importants du programme de capture et de marquage d'animaux dans les Ecrins.
De nombreuses maladies "émergentes" ont été identifiées et on retrouve les traces des agents pathogènes responsables dans les analyses sanguines. Bien qu'on connaisse encore mal la réalité et les conséquences de ces maladies chez le bouquetin, on note une forte interaction avec la faune domestique. Il est de plus en plus nécessaire de veiller au bon état sanitaire des troupeaux domestiques pour éviter à l'avenir la contamination de la faune sauvage et le risque d'apparition de "réservoirs " sauvages de maladies domestiques.
Pour en savoir plus, lire : Une maladie semble accroître la mortalité des bouquetins

Capture bouquetin 2016 - © C.Coursier - Parc national des Ecrins

C'est l'un des enseignements importants du programme de suivi télémétrique des bouquetins des Écrins : tous les animaux qui ont été autopsiés sont touchés par la maladie caséeuse, courante mais non mortelle chez les ovins domestiques bien alimentés. Les animaux sauvages touchés, eux, sont affaiblis et ne parviennent pas toujours à survivre à la période hivernale. Certaines pratiques pastorales en alpage peuvent réduire les risques de contamination.

A noter aussi que le programme Alcotra financé par l'Europe permettra de prolonger de trois ans cette expérience unique.

Mis en œuvre avec sept espaces naturels transfrontaliers, dont notamment les Parcs nationaux de la Vanoise et du Mercantour, ce programme à moyen terme permettra aussi d'aborder d'autres aspects, comme la génétique ou les échanges d'informations avec les autres gestionnaires.