
Un effet de seuil ?
En montagne, le dérèglement climatique se traduit par une hausse globale des températures, qui affecte notamment la capacité des végétaux à stocker le carbone. Cette problématique est au cœur des travaux de Max Mallen-Cooper, docteur à l’Université suédoise des sciences agricoles. Comme il l’explique lui-même, « en gros, cette enquête vise à découvrir l'avenir du stockage du carbone dans les écosystèmes de montagne ». Car Max suspecte que la relation entre la hausse des températures et la séquestration du carbone n’est pas linéaire. C’est pour cette raison que l’étude est nommée Seuil (Threshold en anglais). En clair, l’un de ses questionnements principaux est le suivant : la capacité de stockage des écosystèmes de montagne s’effondre-t-elle passé un certain seuil de réchauffement ?
Dévoiler le fonctionnement des écosystèmes à différentes températures
Pour répondre à cette question, Max et ses étudiants ont posé capteurs et matériels deux étés consécutifs dans la réserve intégrale du Lauvitel, avec un focus sur les pelouses d’altitude et les forêts. Max raconte : « Dans le cadre de cette mission, nous avons marché jusqu’à la limite de la végétation (et de la santé cardiaque) et effectué une variété de mesures liées au carbone, notamment la photosynthèse des plantes et des échantillons de feuilles et de sol. Nous avons ensuite répété ces mesures à différentes altitudes pour dévoiler le fonctionnement de la végétation et du sol à différentes températures. C’est ce gradient de températures qui nous permettra de prédire l'avenir du stockage du carbone dans ces écosystèmes. »
Localisation des placettes de travail de Max dans le vallon du Lauvitel le long du gradient d’altitude
Cette chambre posée sur les végétaux permet des mesures en temps réel de l’aptitude des végétaux à retenir le carbone lorsque les conditions de luminosité et de température varient.
Lors de leur visite entre le 17 et le 19 juillet 2024, ils ont pu compter sur le soutien de Richard Bonet, François Couilloud et Cédric Dentant, respectivement chef du service scientifique au Parc national, conservateur de la réserve et botaniste, venus renforcer l’équipe en contribuant à l’acheminement du matériel, à l’identification des espèces végétales présentes sur les placettes de travail et à la prise de notes.
Plusieurs pays et massifs scrutés
Le travail de Max ne s’arrête pas à l’Oisans, bien au contraire. « La partie importante de notre projet est que nous avons répété exactement le même protocole dans six pays à travers le monde (Australie, Argentine, États-Unis, Suède, Japon, France) et pour chacun, sur trois montagnes différentes. De cette façon, nous pouvons comparer les résultats du Lauvitel avec d'autres montagnes des Alpes et du monde. » L’idée est donc de détecter ces fameux seuils de stockage le long de gradients de température en altitude et en latitude, qui préfigurent ainsi les conditions climatiques à venir.
Quelques résultats préliminaires
Les conclusions de l’étude ne sont pas encore connues, mais Max nous livre quelques résultats préliminaires. « Il y a beaucoup plus de carbone stocké dans le sol du Lauvitel que dans d'autres montagnes des Alpes françaises, mais la quantité est similaire à celle des autres montagnes du monde. Une caractéristique distincte du Lauvitel est les mégaphorbiaies dans la zone alpine inférieure (juste au-dessus de la limite des arbres), qui sont composées de hautes plantes herbacées. Cette végétation est extrêmement productive et constitue un puissant puits de carbone, ce qui est assez rare pour les environnements alpins à l’échelle mondiale et important à conserver dans le contexte de l’atténuation du changement climatique. »