Les lacs alpins sont d'origine glaciaire, ils ont été creusés par l'avancée des glaciers au Quaternaire. Ces lacs sont restés longtemps vierges jusqu'aux premiers alevinages de poissons en raison notamment de l'absence de connexion naturelle avec le reste du réseau hydrographie (présence de cascades, d'éboulis rocheux...).
Les premières expériences d'empoissonnement de certains lacs alpins avec des ombles chevalier, assez faciles à transporter, pourraient être assez anciennes.
"À l'époque, en 1500 déjà, sous les ordres de l'Empereur Maximilien, on apportait des poissons dans les lacs d'altitude. L'objectif était semble-t-il de contenir les carences alimentaires afin notamment de nourrir les bergers" explique David Doucende, chargé de mission à la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes.
Pourtant, c'est essentiellement avec le développement de la pêche de loisirs ("halieutisme") que cette pratique s'est développée. Les alevins étaient transportés à dos d'hommes ou de mulets. Plus tard, et aujourd'hui encore, l'hélicoptère a permis d'aleviner des lacs à haute altitude.
Un des premiers alevinages connus au sein du Parc des Ecrins a été celui du lac Lauvitel (Bourg d'Oisans, Isère, 1495 m d'altitude) en 1770, il s'agissait de truites.
"Pour grandir et atteindre la taille de capture autorisée dans un lac d'altitude, soit au moins 20 cm, quatre années sont nécessaires à des alevins de 4 à 6 cm... dans des conditions très difficiles" précise David Doucende. Pendant longtemps, la "tradition" voulait que l'on empoissonne les lacs à l'automne. Les études ont montré que la survie des alevins est bien plus facile au printemps (voire en début d'été), quand l'activité biologique est la plus intense. Malgré tout, la mortalité dépasse les 50%. La régulation naturelle qui s'opère permet aux alevins de s'adapter à ces conditions de milieux : nourriture, températures, etc...
Ainsi que le rappelle David Doucende, "le processus écologique d'un lac est difficile à maîtriser. Les lâchers de poissons ne doivent pas le mettre en péril. Il en va de notre responsabilité".
Il insiste donc sur les notions d'alevinage raisonné (8 lacs alevinés dans les Hautes-Alpes par rapport à la cinquantaine de lacs d'altitudes recensés), de garantie sanitaire des individus introduits, de préservation des espèces autochtones et de réversibilité de ces opérations. Une démarche primordiale dans un Parc national, également justifiée ailleurs.
Par exemple, le Triton alpestre, un batracien rare, ne supporte pas la concurrence avec les salmonidés. Cette espèce autochtone fait l'objet de mesure de protection. Elle survit dans certains petits lacs qui n'ont jamais été alevinés.
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L'omble chevalier, emblématique de la pêche en lac de montagne, est très vorace ! Et s'il parvient à se reproduire, ce n'est pas toujours sans impact sur le milieu ni sur l'espèce elle-même. Selon les lacs, la truite fario sera à privilégier. Elle ne parvient pas à se reproduire, mais sa croissance est plus rapide sans pour autant exploiter toutes les ressources.
Réalisées au départ dans quelques lacs du parc national, les études hydrobiologiques sont aujourd'hui nombreuses... Toutes montrent leur faible productivité biologique et leurs capacités limitées pour nourrir d'importantes populations de poissons.
Ces études ont permis d'optimiser les alevinages en améliorant la connaissance de ces milieux afin de pouvoir avoir des éléments de discussion solides pour une gestion raisonnée.
Elles permettent en effet, en tenant compte des caractéristiques du lac (forme, profondeur, potentiel biologique...) d'établir les capacités d'accueil et de croissance de poissons : type d'espèce, stade des alevins, densité appropriés...
Les pêcheurs "locaux" sont les premiers à rejoindre les lacs de montagne, dès leur ouverture (fin juin). Ensuite, cette activité est devenue un produit touristique réellement attractif. Son organisation pourrait même engendrer des retombées économiques non négligeables.
Contrairement à la chasse, la pêche n'a pas été interdite à la création des parc nationaux. Il est essentiel qu'elle garantisse sa compatibilité avec les objectifs de protection du patrimoine et soit respectueuse du milieu naturel.
La mise en œuvre d'une gestion piscicole planifiée et raisonnée des lacs d'altitude se justifie donc plus que jamais.
Les amateurs de pêche sont invités à contacter les associations locales ou la fédération de chaque département pour connaître les conditions et sites de pratique.
Fédération Hautes-Alpes : tél. 04 92 53 54 71 et www.unpf.fr/05
Fédération Isère : tél. 04 76 44 28 39 et www.peche-isere.com