Les Écrins souvent visités par des voyageurs de passage
Parmi les êtres vivants qu’abrite le massif des Écrins, bon nombre y vivent à l’année : de la marmotte au mélèze en passant par la vipère ou les gentianes, ces espèces trouvent le gîte et le couvert dans ces paysages alpins. Il arrive parfois cependant que des visiteurs s’égarent dans les vallées des Écrins afin de réaliser une pause pendant leur trajet : ce sont les animaux que l’on nomme migrateurs. Bien sûr, les oiseaux nous viennent tout de suite à l’esprit, à l’image de cette mouette mélanocéphale (Ichthyaetus melanocephalus) ayant fait un arrêt au lac du Pavé l’année dernière sur sa route migratoire. Malheureusement pour elle, cette aire de repos à quelque 2 841 m d’altitude offre peu de nourriture pour faire le plein ! Plus que pour chercher des ressources, il s’agit souvent pour les oiseaux d’éviter les mauvaises conditions climatiques en l’air.
À l’inverse, il arrive parfois que des conditions météorologiques particulières amènent des visiteurs venus d’autres territoires, comme le papillon monarque (Danaus plexippus) rabattu par les tempêtes sur les côtes françaises depuis… le continent américain !
Des visiteurs peu adaptés au climat des Écrins
Parfois encore, l’arrivée d’espèces inhabituelles pour nos altitudes et nos latitudes n’a rien à voir avec des phénomènes naturels, mais bien avec les activités humaines. Depuis quelques années, un petit gecko, la tarente de Maurétanie, est observé ponctuellement aux quatre coins du massif des Écrins. Originaire des pourtours méditerranéens et peu adapté aux conditions climatiques de la montagne, on suppose que son arrivée est liée au transport humain.
C’est probablement le même cas de figure auquel a été confronté Guilhem Barneix, garde-moniteur du Briançonnais, le 22 juillet dernier au col du Lautaret. Au départ d’une tournée de surveillance, son attention est attirée par un petit papillon volant proche du sol. Il raconte : « Grâce à mon filet, j’ai attrapé l’insecte afin de le regarder de plus près. Je l’ai reconnu comme faisant partie de la famille des Crambidae qui compte plus de 270 espèces en France... Généralement, j’utilise la loupe binoculaire pour réaliser l’identification à partir des pièces génitales, mais dans ce cas précis, j’ai pris en photo le motif très particulier des ailes avant de relâcher le papillon. »
De retour au bureau, le travail d’identification a consisté à comparer les photos de l’individu rencontré avec des catalogues en lignes des espèces répertoriées en France. « La ressemblance est une chose, la répartition en est une autre ! commente Guilhem. Le candidat le plus ressemblant pour l’espèce observée était le Crambus ocellé (Euchromius ocellea), mais au regard des autres observations réalisées sur le territoire, c’était assez surprenant ! » En effet, sur une petite soixantaine de données recensées en France, les localisations se situent sur le pourtour côtier avec un maximum de données du côté méditerranéen. Jusque là répertoriée à une altitude maximale de 509 m, l’espèce réalise un bon significatif, avec cette observation au col du Lautaret à presque 2 040 m d’altitude !
Les déplacements humains en cause
S’il s’agit donc d’une première donnée pour le département des Hautes-Alpes, il est peu probable que ce papillon ait accompli son cycle de vie ici, et sa présence est sans doute à rechercher du côté humain. Comme souvent, les activités humaines (même involontaires) peuvent être responsables du transport d’espèces. Guilhem explique : « La saison touristique étant bien lancée, il est possible que ce papillon se soit retrouvé dans l’habitacle ou le coffre d’une voiture provenant du sud de la région, et qu’il ait terminé sa course sur le bord du parking où il a été trouvé. Il y a peu de chances qu’il s’établisse ici au vu de ses exigences écologiques, mais des espèces bien plus problématiques transitent sur les territoires à l’échelle mondiale et sont responsables d’invasions pouvant être très impactantes pour la santé humaine, l’équilibre des écosystèmes naturels ou bien encore pour l’économie. C’est exactement le cas du frelon asiatique, ramené en métropole accidentellement lors de transport de marchandises et qui affecte aujourd’hui les populations d’abeilles, les ruchers des apiculteurs et avec parfois même, un risque pour l’homme et les animaux domestiques ».
Ce papillon « touriste » n’est probablement pas une menace pour la faune locale, mais nous rappelle que l’homme peut aussi avoir des impacts insoupçonnés, par le simple fait de partir en vacances !