Sans rouler, les pierres amassent les mousses...

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Un programme est engagé avec une équipe de scientifiques pour mieux comprendre le fonctionnement et les évolutions de certaines mousses, spécialisées dans les habitats rocheux. L'occasion d'enrichir la connaissance du Parc national sur un groupe biologique méconnu.

Comprendre la vie en montagne est l'un des piliers de l'action scientifique du Parc national. Si de nombreux travaux ont été réalisés sur la grande faune (chamois, bouquetins) et les plantes emblématiques (chardon bleu, sabot de Vénus), il existe encore des domaines du vivant fort méconnus : c'est le cas de la majorité des insectes, des microorganismes, des lichens et... des mousses. C'est sur cette question des mousses qu'un programme de recherche a été initié par le Parc national des Écrins et une équipe de l'IMBE (Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Ecologie marine et continentale).
"L'objectif de ce travail est de comprendre comment évolue un milieu typique de nos montagnes (les escarpements rocheux siliceux) et une partie de sa végétation spécifique formée par les mousses dites saxicoles qui se développent dans les rochers"
résume Cédric Dentant, botaniste au Parc national des Écrins et chargé de ce suivi.

Chercheurs en cours de prélèvement d'échantillons et d'analyse du cortège saxicole.

Plusieurs questions scientifiques sont posées :

- comment évoluent la température et le taux d'humidité atmosphérique autour de ces escarpements au cours des saisons et au cours des années ? Quel lien avec le réchauffement climatique ?
- les mousses – ou du moins, certaines d'entre elles – développent-elles des mécanismes d'adaptation à ces variations micro-climatiques ? Le cas échéant, lesquels ?
- quel rôle joue l'altitude ?

Des capteurs et des échantillons

Pour mieux comprendre cette problématique d'ensemble, il est nécessaire de récolter des données à la fois biologiques et physiques. Dès ce printemps, et malgré la neige (!), une équipe constituée de membres du Parc national et de l'IMBE a mis en place des capteurs sur trois transects altitudinaux variant entre 1250 et 2250 m : à Champoléon (le long de la montée aux lacs de Crupillouse), à Molines-en-Champsaur (sur l'adret du Pic de la Festoule) et à la Chapelle-en-Valgaudemar (le long de la montée au refuge de l'Olan).

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Des capteurs de température sont mis en place à même la paroi et enveloppés dans de l'aluminium pour les protéger. La taille d'un capteur équivaut à une pièce de 1 euro, une petite étiquette est placée temporairement à proximité afin de pouvoir le retrouver et récupérer les données enregistrées. Le trouverez-vous ?

Sur chacun de ces transects, des échantillons de mousses ont été prélevés en vue de déterminer en laboratoire leurs mécanismes de réponse à la lumière et à la déshydratation.

"Ce travail permet donc à la fois d'étudier le fonctionnement écologique de ces cortèges végétaux, mais également d'enrichir la connaissance du Parc national sur un groupe biologique méconnu" ajoute Cédric Dentant. "L'un des objectifs est de pouvoir, dès l'année prochaine, poursuivre cette étude via une thèse de doctorat".

Ce programme s'inscrit sur du long terme et vient compléter les études menées par le Parc national avec le monde de la recherche sur l'adaptation de la végétation à l'altitude et sur ses possibles réponses face aux évolutions climatiques...

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Certaines mousses sont spécialisées dans les habitats rocheux, comme Grimmia ovalis (à gauche) et Grimmia alpestris (à droite)

Pour en savoir plus, lire aussi :

La recherche aux sommets - août 2010
Savez-vous qu'il y a des fleurs sur les plus hauts sommets des Écrins ? C'est en quête de compréhension de l'histoire de ces plantes particulièrement courageuses et obstinées, qu'un travail de recherche est mené entre le Parc et le Laboratoire d'écologie alpine.

Botanique et génétique en cordée - août 2011
Botanistes et chercheurs continuent de s'accrocher aux parois des Écrins pour mieux comprendre comment certaines espèces ont affronté les glaciations. Cette année, c'est en Oisans, dans le cirque du Soreiller qu'ils ont traqué les plantes en coussins.

2012-05-couv-echo36-150Télécharger le journal du Parc dont le dossier est consacré aux suivis réalisés dans les Écrins, pour comprendre les changements et anticiper.

Au-delà de la veille réalisée par les agents du Parc national, les contributions apportées à différents programmes de suivis doivent permettre d'appréhender les évolutions climatiques.... et celles des pratiques humaines. Dans le souci de mieux s'y adapter.

icon Lécho des Écrins n°36 (4.43 MB)