Tétras lyres et skieurs : quelle cohabitation ?

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Espèce emblématique de la montagne, le tétras lyre est très sensible au dérangement l’hiver, notamment par les skieurs qui peuvent traverser son habitat, l’obligeant à fuir. Pour mieux connaître ses déplacements et les zones qu’il fréquente, le Parc national équipe depuis 2019 des oiseaux de balises GPS. Ces deux derniers printemps, un partenariat avec les stations de Serre-Chevalier (Briançonnais) et Puy-Saint-Vincent (Vallouise) a permis de renforcer le dispositif.

Tétras lyre en parade © Thierry Maillet - PNE Attention, fragile !

Tout comme le lagopède alpin ou la perdrix bartavelle, le tétras lyre est un oiseau de l’ordre des galliformes ; il vit en limite supérieure de la forêt, vers 2 000 mètres d'altitude. Menacé par la perte de ses habitats, le dérangement et la chasse notamment, ses effectifs en France tendent à diminuer depuis plusieurs décennies. L’hiver est pour lui la saison de tous les dangers : alors que les ressources alimentaires se font rares, il se réfugie dans des igloos creusés dans la neige poudreuse pour se protéger du froid, ne sortant que quelques heures par jour pour se nourrir. Malheureusement, cette neige poudreuse est également recherchée par les skieurs… Dérangé par leur passage, l’oiseau doit abandonner son abri, sacrifiant le peu d’énergie qui lui reste à cette période et compromettant ainsi sa survie.

Onze balises GPS posées ce printemps

Zone de tranquillité tétras-lyre : panneau informatif à l'arrivée du télésiège de Cibouit © Cyril Coursier - PNE Le Parc national et la station de Serre-Chevalier collaborent depuis quatre ans afin de diminuer le dérangement hivernal. En 2021, une zone de tranquillité a ainsi été créée sur la montagne de Cibouit, un secteur bien connu des skieurs hors-piste. L’hiver dernier, la station a également financé l’achat de trois balises GPS, posées sur les oiseaux (deux mâles et une poule) par les agents du Parc au mois de mai.

Du côté de Puy-Saint-Vincent, des zones de protection existent depuis une vingtaine d’années. Des incertitudes subsistant sur la localisation exacte des oiseaux, le Parc national a proposé à la station une étude plus poussée avec des balises GPS pour mieux connaître l’espèce sur la station et envisager une meilleure protection. Huit balises, dont cinq financées par la station, ont été posées l'année dernière et ce printemps (huit mâles). En Vallouise, ces nouveaux équipements viennent compléter les quatorze balises déjà posées par le Parc sur des tétras lyres dans le vallon du Fournel (entre 2019 et 2021) et à Freissinières (en 2022).

Tétras lyre en parade © Mireille Coulon - PNE

Pour équiper les tétras lyres d’une balise GPS, leur capture est nécessaire. Elle se fait au moyen de filets, installés chaque matin sur une place de chant. Les oiseaux, principalement des mâles, sont capturés en mai au moment des parades amoureuses. Plus nombreux sur les places de chant, ils sont également moins vigilants à cette période. Lorsqu’un oiseau est pris dans un filet, les agents du Parc dissimulés dans des affûts, interviennent rapidement pour le démailler, l’équipent d’une balise, puis le relâchent sur place.

Comment fonctionnent les balises GPS ?

Les trois balises GPS-GSM présentent un poids unitaire de 25 grammes seulement, et embarquent un petit panneau solaire assurant la longévité de la batterie. Elles sont programmées pour enregistrer une localisation toutes les heures, et envoient ces données à travers le réseau de téléphonie mobile jusqu’à un logiciel de cartographie. Pour exemple, la carte ci-dessous illustre les localisations des cinq oiseaux équipés à Puy-Saint-Vincent en mai 2025 avec le soutient de la station.

Les déplacements des cinq tétras lyres équipés grâce au soutient de la station de Puy-Saint-Vincent

Des données de géolocalisation précieuses

Tétras lyre en parade © Mireille Coulon - PNE De manière générale, les données recueillies par les balises permettent de mieux connaître les déplacements des oiseaux, les zones d’hivernage et d’estive, ainsi que les échanges éventuels avec d’autres noyaux de population. Concernant les stations de ski, elles permettront de confirmer (ou non) la présence de tétras lyres dans les zones de protection actuelles, d’évaluer leur efficacité, de les adapter si besoin, et de mieux communiquer auprès du public pour qu’elles soient respectées. Enfin, les balises étant équipées d’indicateurs d’activité-mortalité, la récupération rapide de l’émetteur permet parfois de connaître la cause de la mortalité des oiseaux (prédation, collision, pathologies diverses…).

Déjà des résultats dans le Champsaur

Le suivi des tétras lyres par GPS concerne également la vallée du Champsaur, où 23 oiseaux ont été équipés ces dernières années sur la place de chant de la Recula (Orcières). L’objectif : évaluer l’efficacité de la zone de tranquillité mise en place en 2018 pour réduire le dérangement par les skieurs de randonnée. Les données de localisation des oiseaux ont déjà fourni une bonne nouvelle : si les tétras lyres sont moins nombreux l’hiver à la Recula, il n’y a pas d’indication qu’ils quittent la zone par de grands vols, ce qui pourrait suggérer un dérangement.

Poule de tétras lyre © Robert Chevalier - PNE Parmi les 23 oiseaux équipés, on compte une seule poule, capturée en 2023 et surnommé Ancova. Les femelles ne paradant pas, elles se déplacent moins régulièrement sur les places de chant, rendant leur capture plus difficile que celle des mâles. Les données GPS d’Ancova sont donc une belle opportunité de connaître les milieux de nidification et d’élevage des poussins, et pourquoi pas les protéger s’ils sont situés sur un alpage en activité.