Une éthique de l'alpinisme dans le Parc national

-A A +A
Une " nouvelle " convention pour la pratique de l'alpinisme, de l'escalade et du canyoning va être signée, dimanche 22 juillet à La Bérarde. Les " règles " que se donnent ses signataires restent dans l'esprit du partenariat engagé depuis plus de vingt ans dans les Écrins sur ce sujet.

Vingt ans après la première " Convention escalade ", un nouveau document actualisé va être signé, dimanche 22 juillet. C'est à La Bérarde (Saint-Christophe-en-Oisans), haut-lieu de l'alpinisme dans le massif des Écrins et à l'occasion de la fête des guides, rendez-vous traditionnel et festif de l'été dans le Vénéon, que les partenaires de cette réflexion signeront la nouvelle convention " Alpinisme et escalade dans le Parc national des Écrins ".

Les " règles " que se donnent ses signataires restent dans l'esprit du partenariat engagé dès 1991. L'objectif : préserver le caractère sauvage du massif et les sites à enjeux écologiques mais aussi les voies " historiques " et une " éthique " de ces pratiques.

Le Massif des Ecrins est, de longue date, l'un des espaces alpins les plus parcourus par les alpinistes. L'histoire de l'alpinisme fait aujourd'hui partie intégrante du caractère du parc national des Ecrins.

Au XIXe siècle, l'objectif était simple : accéder à tous les sommets et le faire savoir.

Les alpinistes s'y employèrent en cherchant l'itinéraire le plus aisé. Les découvreurs obstinés d'espaces inconnus (Whymper, Coolidge), les scientifiques ou militaires, en charge d'une mission d'utilité publique (capitaine Durand) ont laissé récits et cartes et les voies libres pour l'émancipation des suivants qui recherchent toujours plus de difficultés pour être reconnus dans la société des alpinistes.

Celle-ci se structure en associations pour des projets collectifs : formation de leurs membres, création des compagnies des guides mais aussi inculquer une éthique basée sur l'effort et l'engagement personnel (STD, CAF, PLM,...). La montagne est équipée selon une démarche planifiée et concertée (refuges, sentiers, câbles,...) pour faciliter l'accès à la haute montagne. Les alpinistes agissant individuellement économisent quant à eux leurs moyens de progression et de sécurité en les récupérant au fur et à mesure de leur ascension car ils sont avant tout des amateurs. D'innombrables voies sont alors ouvertes sur les faces, les piliers et les couloirs. Mais ceux qui renouvellent ces itinéraires ne peuvent assurément compter que sur la description topographique sommaire des ouvreurs et parfois sur quelques témoignages attestant l'ouverture, somme toute quelques pitons.

L'arrivée de nouveaux matériels

Les années 1980 marquent un tournant. De nouveaux matériels tels que la cheville métallique à expansion fixée dans un trou réalisé avec un perforateur permettent de gravir en sécurité les falaises compactes, sans fissure. Ces ancrages assurant la protection du grimpeur restent à demeure. C'est l'escalade en falaise, placée au rang de discipline sportive à part entière. Elle se déroule préférentiellement sur des sites de proximité à une altitude moindre sur lesquels des enjeux environnementaux surviennent et s'accroissent avec l'augmentation des équipements et de la fréquentation. C'est particulièrement le cas sur les falaises entourant les hameaux d'Ailefroide et de la Bérarde, véritables spots pour l'exercice de l'escalade.

Les usages alors employés pour la pratique de l 'escalade sont transposés dans la pratique de l'alpinisme. C'est ainsi qu'une réflexion est menée entre représentants des pratiquants et gestionnaire de l'espaces.

... et des questions d'éthique

En août 1991 à La Bérarde, le Parc national des Écrins s'associe dans cette réflexion à Mountain Wilderness et à la Fédération des clubs alpins et de montagne autour d'une table ronde pour formuler la « Convention Escalade », avec l'espoir que l'éthique sera sauve en matière de pratique de l'alpinisme et la nature préservée parce que l'espace d'un parc national se doit d'être exemplaire.

Ainsi, le 14 février 1992, la Fédération française de la Montagne et de l'Escalade, le Club alpin français, Mountain Wilderness, la Compagnie des guides, les maires, l'Office national des Forêts, le mnistère de la Jeunesse et des Sports, le Parc national des Écrins et l'association des élus des collectivités territoriales du parc conviennent-ils d'une convention définissant ce qu'ils souhaitent en matière de pratique de l'alpinisme et de l'escalade.

2012-07-conv-escal-1992
Février 1992, la première " convention escalade " du Parc national des Écrins, en présence du président du Conseil d'administration Roland Martin et du directeur du  Parc national des Écrins, Philippe Traub.

A l'aube de l'approbation de la charte et à l'expérience des 20 ans de partenariat avec ces instances signataires, il était nécessaire de revisiter le contenu de cette convention et de définir les modalités de réglementation des pratiques.

2012-07-invit-conv-escalade

Un nouveau partenaire, le syndicat national des gardiens de refuges et de gîtes d'étape se joint aux signataires.

Les principes de cette nouvelle convention :

- respecter la trajectoire historique de l'alpinisme dans le massif sans en dénaturer ce qui détermine son essence et ses valeurs d'ordre éthique.

- préserver des espaces de haute valeur écologique, paysagère et culturelle de façon à les transmettre aux générations futures ;

- préserver de vastes espaces de vie sauvage dépourvus d'équipements sportifs ou de loisirs de façon à permettre à l'Homme un contact avec la nature ni transformée ni adaptée pour sa présence ;

- considérer que, même si l'escalade, l'alpinisme et par extension le canyonisme s'exercent le plus souvent en harmonie avec les éléments naturels, il convient en circonstances particulières de réguler la fréquentation et de réglementer les aménagements.

2012-07-grimpeur-dessinLa mise en œuvre préconisée dans la convention :

- Adopter un zonage des falaises de proximité (moins d'une ½ h de marche d'un accès en véhicule terrestre), distinguant celles sur lesquelles des équipements permettent l'escalade dans une relative sécurité et celles sur lesquelles l'absence d'équipement permet de réduire la fréquentation et de préserver les milieux, les espèces naturelles sensibles et la quiétude des lieux. Cette disposition est prise dans le cadre d'un arrêté du directeur en date du 29 novembre 2011.

- Adopter le régime d'autorisation de nouveaux équipements sur ces falaises et dans les canyons. Disposition également prise dans le même arrêté.

- Préserver le caractère sauvage de la haute montagne et respecter l'histoire de l'alpinisme en évitant la dénaturation des voies anciennes et en limitant les installations d'aide à la progression aux cas nécessitant un équipement de sécurité au motif d'un changement manifeste de la configuration du relief (retrait glaciaire, éboulement).

- Les interventions constituant des travaux au sens du code de l'environnement sont soumises à l'autorisation du directeur du Parc national. Il s'agit notamment des câbles, échelles fixées à demeure, passerelles et marche-pieds métalliques.

- Orienter les équipements d'escalade dans les falaises de proximité situées en aire optimale d'adhésion afin de protéger du dérangement les espèces sensibles.

- Toutes les interventions envisagées dans ces domaines font l'objet d'une consultation pour avis d'un comité de pilotage dans lequel sont représentés tous les signataires tenant compte des principes énoncés ci-dessus.

Les signataires de cette convention :

Le directeur du Parc national des Ecrins, Bertrand Galtier - Le président de la Fédération française de la montagne et de l'escalade, Pierre You - Le président de la Compagnie des guides Oisans-Ecrins, Abdou Martin - Le président du Syndicat national des gardiens de refuges et gîtes d'étapes, Jean-Claude Araman - Le président de la Fédération des clubs alpins et de montagne, Georges Elzière - Le président de Mountain Wilderness, Frédi Meignan- Le président de l'Association des élus des collectivités territoriales du parc national des Ecrins, Bernard Héritier - La directrice de l'agence 05 ou le directeur de l'agence 38 de l'Office national des forêts - Le directeur régional PACA ou RA du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports.

 

Lire aussi  : Nouvel équipement à la brèche de la Meije - juin 2012

L'itinéraire a été nettoyé et un aménagement de sécurité a été installé par les guides de la compagnie Oisans-Ecrins pour passer la brèche de la Meije. Une intervention encadrée par la convention Escalade dans le Parc national des Écrins.