Naturaliste, animateur, accompagnateur en montagne, ethnologue, formateur, conteur, auteur de livres... C'est ainsi qu'il se définit Louis Espinassous : "crapahuteur, coureur des bois dès l'enfance (...) je m'invente à 18 ans un métier qui n'existe pas : je serais éducateur nature". Le sens de ce métier d'éducateur-nature? "Fabriquer des souvenirs d'enfance", et c'est possible à tous les âges.

De l'enthousiasme et un grand bol d'énergie pour la cinquantaine de personnes, intervenants en éducation à l'environnement, réunis jeudi 24 septembre dernier à Embrun. Accompagnateurs en montagnes, animateurs nature, membres d'associations... cette conférence leur était proposée dans le cadre d'une rencontre-formation sur les pratiques pédagogiques autour de la nuit, organisée conjointement par le Réseau Education Environnement 05&Ecrins, le Parc naturel régional du Queyras et le Parc national des Écrins.

Apprivoiser la nuit

Dans une première partie portant sur des aspects biologiques et anthropologiques, Louis Espinassous explore les origines de nos peurs de la nuit. Où l'on apprend que l'homme, descendant de mammifères nocturnes, est devenu chasseur diurne et la proie nocturne de ses prédateurs. Il a donc cherché à se protéger de la nuit : vision, cycle du sommeil, élaboration de "murs" de protection. Murs physiques du logis, du village ou de la ville, ou murs immatériels avec le feu, la lumière, le bruit, ... Et de faire appel aux mythes fondateurs, qui développent dans la plupart des cultures l'aspect négatif de la nuit, associée aux ténèbres, à l'inconnu.

Louis Espinassous, mêlant le conte et la littérature à sa conférence, évoque ensuite Jean-Jacques Rousseau, premier auteur à avoir réhabilité la nuit dans "L'Emile". Puis suivent Jean Giono, Alphonse Daudet, ... La nuit est une "sur-nature", un désert à découvrir à portée de main. Quel que soit le lieu, il suffit pour cela de s'écarter des moments de fortes activités humaines.

En l'apprivoisant, il propose de goûter au bonheur de la nuit dehors, en abandonnant le combat contre les peurs qu'elle nous inspire. Pour cela, point de méthodes "chocs", ni de jeux guerriers, mais une découverte accompagnée, dans le confort et la confiance. La nuit est suffisamment puissante à elle seule sans qu'on aie besoin d'en rajouter. Les "murs" que l'on se fabrique pour s'en protéger peuvent devenir des passerelles, à manier pour emmener son public, adultes ou enfants, à savourer pleinement la nuit, "toute cette intensité d'être dans le seul plaisir d'être là" (Philippe Lebreton).

Question de rassurance...

Louis Espinassous évoque ensuite la notion de "rassurance", nécessaire pour que chacun puisse ranger ses armes contre la nuit (le rire ou les bavardages en font partie !). Bien équipé, dans un univers familier, encadré, aidé d'une petite lampe si la lune n'est pas présente, alors les sens de l'ouie et du toucher dérobent à celui de la vue son caractère impérialiste.

Quoique... par une nuit de pleine lune, quel bonheur de se rendre compte qu'il est possible aussi de distinguer la couleur d'une fleur ! Louis Espinassous parle aussi de la proximité avec les bêtes sauvages devenus familiers, qu'il nomme les "compagnons", le renard, la martre ou le crapaud. Mais attention ! L'aboiement d'un chevreuil ou le cri d'une chouette hulotte femelle peuvent surprendre qui ne les connaît pas... C'est d'abord l'inconnu qui effraie.

Apprendre à reconnaître les bruits de tel ou tel animal, c'est faire le cadeau de les rendre familiers. De même qu'apprendre à identifier la constellation de la Grande Ourse et l'étoile polaire, que l'on pourra retrouver partout.

À la fin de ces deux heures de conférence, moitié dite moitié contée, une seule envie : tester la magie de la nuit près de chez soi !

Pour en savoir plus sur cette rencontre-formation, lire l'article de présentation