Balade géologique entre Réotier et Saint-Clément

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Du célèbre pli couché de Saint-Clément-sur-Durance à la fameuse fontaine pétrifiante de Réotier : des objets géologiques singuliers et la mémoire du passé inscrite dans le paysage.

2011-04-geol-reotierUne promenade géologique était proposée aux habitants de ces deux communes de l'Embrunais, le samedi 23 avril dernier. Didier Brugot, technicien de l'environnement au Parc national des Écrins a animé cette journée de terrain. Seulement trois personnes y ont participé. Même pour un si petit nombre de participants, le spectacle était au rendez-vous ! "C'est un avantage dont il faut profiter avec les objets géologiques qui sont certes différents d'hier et différents de demain mais que nous croisons sur notre chemin à un moment singulier" commente Didier Brugot.

Lorsque l'on observe les strates de roches plissées du célèbre pli couché de Saint-Clément-sur-Durance et le front laminé des couches empilées, charriées et boudinées de l'éperon rocheux de Réotier, nous avons devant les yeux les indices de l'action des gigantesques forces de compression qui déforment extrêmement lentement la partie superficielle de la sphère terrestre.

Le visage de la Terre, vieille de quatre milliards et demi d'années, conserve ici la mémoire du passé comme un vieil arbre garde la mémoire de sa croissance dans les cernes de son tronc.

Un modèle réduit de couches colorées de papier permet d'imiter cette longue évolution qui ploie et charrie les roches en reproduisant un plissement.

{morfeo 74}

La promenade s'est poursuivie jusqu'au pied de la fontaine pétrifiante de la Salce. Jadis, le voyageur parcourant la via Domitia, ému par le tuf en cours de création, jetait dans les vasques d'eau tiède une piécette de bronze à l'effigie d'un empereur romain ou à défaut une petite pierre, offrande à cette créature pétrifiée dans une attitude étrange sous une carapace blanche et ocre dégoulinante d'eau.

Au cours de son profond parcours souterrain le long de la faille de la Durance injectée de gypse, l'eau sous pression chauffe et se charge de minéraux par dissolution des roches. Lorsque qu'elle jaillit à 21°C à la fontaine pétrifiante, sa température et sa pression chute, entraînant le dégagement de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et la précipitation des minéraux en solution.

La formation de concrétion accroît peu à peu l'épaisseur du dépôt de travertin en emprisonnant les feuilles tombées et les fougères sèches de l'Adiantum capillus-veneris aux tiges fines et noires comme les cheveux de Vénus qui vivent sous les corniches ombragées des vasques où l'eau coule goutte-à-goutte.

Les dépôts actifs blancs ou ocres de la tufière vivante, favorisés par la présence d'algues microscopiques et de bactéries photosynthétiques, se distinguent alors des zones inactives grises de la tufière morte où l'eau ne ruisselle pas. Les eaux minéralisées descendent dans un chenal incisé sur le long appendice de tuf qui s'accroît à son extrémité et finit par se rompre sous le poids (1981, 2009).

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La fontaine pétrifiante en 2005, avec son bec. En 2010, le bec s'est effondré.

Faut-il diriger toute l'eau minéralisée sur le bec pétrifié pour en accroître plus rapidement la longueur ? Faut-il répartir les eaux par des ouvertures prévues sur l'ensemble de la tufière ? Autant de questions qui se posent dans l'objectif de conserver et de valoriser au mieux ce patrimoine géologique.