Cabanes pastorales : du neuf dans les alpages !

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Cabane pastorale de Vallonpierre © F. Sabatier - PNE
Profiter du plan France relance pour améliorer les conditions de vie des bergers en alpage en construisant et rénovant des cabanes pastorales, le tout avant la fin 2023 comme fixé par le plan : le défi était de taille pour le Parc national. Mais a été relevé ! Retour sur cette opération initiée en 2020 et suivie de trois années bien occupées...

Le massif encore sous-équipé en cabanes

Montée du troupeau à l'alpage de Peyre Arguet © T. Maillet - PNE L’idée de l’opération est partie d’un constat simple : les alpages des Écrins sont en retard dans l’équipement en cabanes. Muriel Della-Vedova, chargée de mission agriculture au Parc national, raconte : « Déjà bien avant le retour du loup dans le massif, le mauvais état de certaines cabanes, le manque de confort d’autres et leur besoin de mise aux normes avaient été signalés. L’absence de cabanes dans certains quartiers faisait aussi partie de ce constat. » Cette situation déjà préoccupante est devenue encore plus problématique avec l’arrivée du loup. Pour limiter la prédation, les troupeaux jusque là à l’arrage (c’est-à-dire en liberté avec uniquement des visites régulières) sont désormais gardés par des bergers et des aides-bergers, qui doivent pouvoir vivre sur place en alpage.

Que fait et ne fait pas le Parc national en matière de cabanes ?

Troupeau à Réallon © M. Coulon - PNE À l’exception de la réserve intégrale du Lauvitel, le Parc national des Écrins n’est propriétaire d’aucun terrain en montagne, même en cœur de parc. Les alpages appartiennent soit à des propriétaires privés, soit à des communes, soit à l’État (terrains domaniaux gérés par l’ONF). Ce sont les propriétaires qui ont la charge sur leurs alpages de construire et rénover les cabanes pastorales. Ces cabanes sont louées aux éleveurs (souvent regroupés en groupements pastoraux) avec l’alpage, et mises ensuite à disposition des bergers.

Le Parc national n’est donc pas propriétaire de cabanes pastorales. En coopération avec le CERPAM (centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée) ou la FAI (fédération des alpages de l’Isère), son rôle est d’accompagner les communes et les groupements pastoraux dans le recensement de leurs besoins, leurs diagnostics pastoraux ou la conception des cabanes. Face au retour du loup et au manque de cabanes, le Parc national propose également aux éleveurs des abris héliportables d’urgence (douze aujourd’hui), prêtés pendant l’été pour héberger les bergers dans les secteurs les moins dotés. Cette mesure d’accompagnement est provisoire, le temps que les cabanes nécessaires soient construites. Une vingtaine d’alpages des Écrins en bénéficie en moyenne chaque année.

Troupeau de brebis © M. Coulon - PNE

Fin 2020, une belle opportunité s’est présentée avec le plan France relance. Sur le million et demi d’euros reçu de l’État et de l’Europe, le Parc national a choisi d’en dédier la moitié aux cabanes pastorales, « pour accélérer la dynamique aux côtés de communes et de groupements pastoraux volontaires et répondre à des besoins urgents », explique Isabelle Vidal, cheffe du service aménagement. Mais c’est une opération ponctuelle, car le Parc n’a pas vocation à se substituer aux propriétaires. »

Des ambitions clairement affichées

Chantier de la cabane des Pales © F. Sabatier - PNE Le cahier des charges a été clair dès le départ : le Parc national souhaitait construire ou rénover des cabanes pérennes, avec un niveau de confort et d’équipements qui réponde aux besoins actuels des bergers (cabanes isolées, bien chauffées, avec eau chaude et toilettes sèches, logement de deux personnes). Frédéric Sabatier complète : « Nous avons voulu des cabanes respectueuses de l’environnement, en bois, avec des matériaux d’isolation naturels, des terrassements et des fondations limités et sans béton. » Côté financement, le Parc national s’est engagé à prendre en charge 80 % du montant des travaux (via les crédits France relance), les 20 % restants devant être assumés par les propriétaires et/ou les éleveurs locataires de l’alpage (souvent constitués en groupements pastoraux).

Ces bases posées, le Parc national a lancé début 2021 un appel à projet auprès des groupements pastoraux et des communes du massif.

Une sélection de projets mûrs...

Chantier de la cabane des Clots © Cabinet Pilon Sur les quatorze projets déposés, sept ont été sélectionnés. Plusieurs critères ont été pris en compte dans ce choix, comme l’adhésion de la commune à la charte du Parc, la situation de l’alpage - en cœur de parc obligatoirement -, l’absence de cabane à proximité, la bonne gestion pastorale et environnementale de l’alpage, ou la maturité du projet. Ce dernier point s’est avéré crucial, tous les travaux devant être menés en deux ans selon les règles du plan France relance. « Les communes ou les groupements pastoraux devaient avoir avancé sur la faisabilité de la cabane, avoir une idée de sa localisation et être sûrs qu’il y ait de l’eau à proximité », précise Muriel Della-Vedova.

... Mais à mener dans un temps réduit

Après avoir recruté l’architecte (le cabinet Pilon) pour concevoir les cabanes et suivre les travaux, le Parc national a signé une convention pour chaque cabane avec la commune, le groupement pastoral ou l’ONF. L’objectif : se faire déléguer la maîtrise d’ouvrage des projets. Frédéric Sabatier explique : « Cela nous a permis de prendre en charge l’opération de A à Z, et surtout, d’être en capacité de réaliser sept cabanes dans le temps contraint du plan, soit deux ans. Il faut savoir qu’habituellement, un seul projet de cabane, de la conception à la livraison, prend environ 4 ans ! »

Réception de la cabane de Vallonpierre avec le directeur du Parc et le maire de la commune © F. Sabatier - PNE Réception de la cabane de Vallonpierre avec les bergers, le directeur du Parc et le maire de la commune © F. Sabatier - PNE

Place aux chantiers !

Une fois ces formalités réglées, architecte et équipe du Parc national ont rencontré communes, groupements pastoraux et bergers pendant l’été 2021 pour affiner les projets de cabanes : discussions sur les besoins des bergers, visites de terrain pour déterminer l’emplacement exact de la future cabane ou de l'extension dans le cas d’un agrandissement.

Après la validation définitive des projets, l’obtention des permis de construire, la consultation et le recrutement des entreprises pour les travaux, le premier chantier a pu débuter à l’automne 2022 sur les hauteurs du lac Lauzon (Valgaudemar). Pour les autres cabanes, les travaux ont été étalés de juillet à septembre 2023. « Comme nous sommes en montagne, la fenêtre de tir pour les chantiers était assez courte, explique Frédéric. Cela a nécessité un vrai engagement des entreprises, du maître d’œuvre et du maître d’ouvrage pendant cette phase intense. Les chantiers étaient courts, généralement deux semaines, mais difficiles, en lien avec les conditions de travail en montagne et la charge des entreprises, notamment une qui a enchaîné trois chantiers. »

Réception de la cabane de Cumina avec le Premier adjoint de la commune et l'architecte © F. Sabatier - PNE Réception de la cabane de Cumina © F. Sabatier - PNE

Petit bilan de l’opération

Les projets ayant été définitivement bouclés en décembre 2023, l’heure est venue de dresser le bilan de ces deux années bien chargées. Même si tout ne s’est pas toujours passé exactement comme prévu, « les résultats sont à la hauteur des objectifs et des ambitions de départ, commente Frédéric, avec des réalisations de qualité qui répondent aux besoins des bergers. Autre point de satisfaction : pour la quasi totalité des chantiers, ce sont des entreprises locales qui se sont mobilisées pour la réussite des projets. »

Chantier de la cabane du Lauzon © F. Sabatier - PNE Petit bémol de l’opération : le septième projet de cabane sur l’alpage de la Mariande (Oisans) a dû être abandonné faute de budget suffisant et surtout d’entreprise pour réaliser les travaux. « Le recrutement des entreprises a été compliqué, confirme Frédéric. Le premier tour de notre appel d’offre a même été infructueux. Sur ces petits chantiers d’altitude, peu d’entreprises répondent. C’est peut-être lié aux conditions d’isolement, qui demandent un vrai engagement de la part des artisans et des ouvriers. »

Quoiqu’il en soit, le plan France relance a été une formidable opportunité a plus d’un égard, comme l’explique Frédéric. « France relance nous a permis de porter six projets sur un temps très court, c’est énorme. Le fait qu’on maîtrise tout nous a aussi permis de bien respecter notre charte architecturale, de consulter l’ensemble des acteurs et de faire des cabanes et des rénovations y compris sur des terrains domaniaux qui relèvent de l’ONF en temps normal. Trois cabanes sont dans ce cas : les Pales, le Lauzon, les Pisses, pour lesquelles les groupements pastoraux ont apporté l’autofinancement. »

Et maintenant ?

Après cette période exceptionnelle ont repris les missions plus ordinaires du Parc national en matière d’aménagement des alpages, c’est-à-dire l’accompagnement des communes dans leurs projets. Du côté de l’alpage de la Mariande, les discussions se poursuivent avec l’association foncière pastorale de Saint-Christophe-en-Oisans et la Fédération des alpages de l’Isère. D’autres projets sont également en cours de réflexion en Oisans (alpage de l’Embernard), dans le Valgaudemar (alpages de Gioberney - site du Vaccivier - et de Rochimont - site des Six Cabanes) et dans l’Embrunais (alpage de la Vieille Selle - site de Reyna).

Fiche d’identité par cabane