Bilan de l’été 2023, entre évolution de la fréquentation et changement climatique

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Randonnée à la bosse de Clapouse © T. Maillet - PNE
L’automne est arrivé dans les Écrins, et avec lui, le traditionnel temps des bilans de la saison estivale. Fréquentation, sentiers, maisons du Parc, refuges, évènements notables et grandes tendances : on fait le point sur un été 2023 marqué en montagne par un relatif repli de la fréquentation en cœur de Parc après la « période Covid », l'augmentation des visites en maisons de Parc, dans les refuges et la multiplication d’épisodes météo dévastateurs pour les accès.

Une fréquentation plutôt en baisse dans le cœur du parc

Randonneurs au pré de Mme. Carle © T. Maillet - PNE De manière globale, moins de visiteurs ont randonné dans le cœur du parc en 2023 qu’en 2022 : d’après les écocompteurs du Parc national, cette baisse atteint - 17 % à Dormillouse, - 6 % à la Danchère (accès au lac du Lauvitel), - 7,5 % au Gioberney et - 9 % aux Gourniers. Seul le site du Carrelet, accessible depuis le hameau de la Bérarde, a connu une hausse significative de sa fréquentation : + 18 % de visiteurs en 2023. Le sentier des Crevasses, qui part du col du Lautaret, et le pré de Mme. Carle ont quant à eux connu une certaine stabilité.

L'analyse des tendances à moyen et long terme montre que la fréquentation pédestre a nettement reculée, notamment depuis 2020 et l’effet post-confinement, avec par exemple - 41,5 % de visiteurs au lac Lauzon ou - 30 % au Carrelet et à Dormillouse. La tendance se confirme également entre 2006 et 2023 (- 47 % au pré de Mme. Carle, - 30 % à Dormillouse et au Carrelet), sauf sur les sites du Lauvitel (+ 5%) et des Crevasses (+ 20 %) dont la fréquentation est à la hausse.

Randonneurs sur le GR54 © T. Maillet - PNE Le fait marquant de la fréquentation estivale concerne l’aire d’adhésion du parc national : la fréquentation mesurée par tous les écocompteurs est à la hausse, de + 2,3 % au Poursollet (sentier d’accès au plateau du Taillefer) à + 5,9 % au pont de l’Alpe (Le Monêtier-les-Bains) et + 16,4 % au Chazelet sur le GR54.

Qui sont les visiteurs du cœur du parc national ?

Pendant l’été 2023, les agents du Parc national ont poursuivi les enquêtes de terrain lancées en 2022 sur quatre sites : le lac du Lauvitel, l’alpe de Villar-d’Arène, le col du Lautaret et le lac de la Douche. L’objectif restait le même : mieux connaître les visiteurs du parc tout en identifiant les particularités de chaque site, pour in fine améliorer la protection de ces lieux et adapter l’accueil du public si besoin. Après étude des résultats, quelques tendances se dégagent au niveau des quatre sites :

  • La relative proximité géographique des visiteurs. 8 à 15 % des personnes interrogées habitent l’Isère ou les Hautes-Alpes, et un tiers supplémentaire habitent la région Auvergne-Rhône-Alpes ou Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les habitants des Écrins sont minoritaires, en particulier sur la période juillet-août, où les vacanciers représentent la grande majorité des visiteurs.
  • Les motivations pour randonner dans le parc. Près de la moitié des répondants recherchent la beauté des paysages. L’activité sportive (20 %), la découverte du patrimoine naturel (14 %) et la recherche du calme et de la tranquillité (10 %) sont les autres principales sources de motivation.
  • Une connaissance de la réglementation qui reste mitigée. 46 % des visiteurs déclarent bien connaître les règles en cœur de parc. 29 % déclarent les connaître partiellement (en citant souvent des sujets qui ne sont en réalité pas réglementés!), et 23,5 % des personnes interrogées sont ignorantes de la réglementation.
  • Une expérience de la montagne variable selon les sites. Aux lacs du Lauvitel et de la Douche, les visiteurs se déclarent majoritairement pas ou peu expérimentés (respectivement 65 et 57 %), alors qu’ils sont minoritaires à l’alpe de Villar-d’Arène (41 %) et au col du Lautaret (47 %).

Forte fréquentation au lac du Lauvitel début août © E. Icardo - PNE

Des comportements inadaptés qui persistent et une prévention renforcée sur le terrain

Cette inexpérience ressort également du bilan dressé par les chefs de secteurs vallée par vallée. Dans le Champsaur, le Valgaudemar, l’Oisans et le Briançonnais, la baignade et les activités nautiques sont en recrudescence dans les lacs de montagne, malgré les risques pour les pratiquants et les écosystèmes. Ce sujet a plus que jamais été d’actualité en 2023, avec la prise d’arrêtés municipaux par les communes du plateau d’Emparis pour interdire la baignade.

Les principales infractions commises et verbalisées cet été concernent les chiens, le bivouac, les feux et les drones. Il est à noter que la proximité des lacs concentre malheureusement les infractions.

Médiatrice pastorale au lac du Fangeas © T. Maillet - PNE Mis en place en 2021, le dispositif de médiation pastorale fonctionne toujours très bien et est très apprécié des visiteurs. Les trois médiatrices déployées du Briançonnais au Valgaudemar en passant par l’Embrunais sensibilisent les randonneurs à la présence des chiens de protection des troupeaux et les aident à comprendre les comportements à adopter en cas de rencontre. Le recrutement de gardes saisonniers et de services civiques par le Parc national complété par certaines collectivités pour les médiateurs (Communauté de communes de l’Oisans, Mairie du Monêtier-les-Bains...) permet également de renforcer les actions de sensibilisation auprès des visiteurs sur les sentiers et de prévenir des infractions en haute saison.

Les maisons du Parc ont la cote

Accueil à la maison du Parc du Valgaudemar © D. Vincent - PNE Les sept maisons du Parc et les cinq points d’info saisonniers ont accueilli 79 550 visiteurs pendant l’été, ce qui représente une hausse de 32 % en moyenne par rapport à 2022. Les vallées de la Vallouise et du Briançonnais ont boosté les chiffres de la fréquentation, avec des pics à + 88 % de visiteurs au point d’info du pré de Mme. Carle et + 84 % à la maison du Parc de Briançon. Les lieux d’accueil du Champsaur (+ 20 % au Pont-du-Fossé et + 19 % à Prapic) et du Valgaudemar (+ 9 %) ont également tiré leur épingle du jeu.

Cette forte hausse du nombre de visiteurs masque toutefois une réalité plus nuancée : les étés 2020, 2021 et 2022 ont été marqués par le contexte « Covid », avec une fréquentation en recul ; le niveau de fréquentation en 2023 est semblable à 2019, l’année avant l’épidémie.

Des phénomènes météo de plus en plus destructeurs

L’actualité de l’été 2023 dans les Écrins a malheureusement été marquée par de gros dégâts dans la plupart des vallées du parc. Parmi les plus notables, la lave torrentielle qui a ravagé le vallon des Étançons (Oisans) dans la nuit du 29 juillet, le gros écroulement dans le vallon du Sélé (Vallouise) le 21 août et les orages et inondations du 27 août qui ont détruit de nombreuses passerelles et rendu temporairement impossible l’accès à certains villages, sites et refuges dans l’Oisans, le Valgaudemar et la Vallouise. Du côté du Valgaudemar, la route d’accès au site du Gioberney et le GR54 ont pu être ouverts à temps pour la saison estivale grâce aux gros travaux menés par le Département des Hautes-Alpes après l’éboulement du mois de janvier.

Dégâts dans le vallon des Étançons © P.H. Peyret - PNE Dégâts dans le vallon des Étançons © P.H. Peyret - PNE

Les intempéries du 20 octobre ont accéléré les dégradations constatées pendant l’été. Les sites de Dormillouse et d’Entre-les-Aigues et leurs accès se sont ajoutés à la liste des lieux fortement affectés en 2023.

Crue au Pré de madame Carle suite à la tempête Aline © T. Maillet - PNE

Au-delà des dégâts immédiats constatés après ces évènements météo, le terrain en montagne évolue en profondeur, ce qui nécessitera pour le Parc national de réfléchir au type de passerelles installées et à la gestion des sentiers face aux risques naturels. Le cumul des conséquences des intempéries de l'été et de celles de l'automne fait d'ors et déjà peser des incertitudes sur la capacité à re ouvrir certains sentiers dès le début de saison estivale 2024. Les diagnostics de travaux à réaliser, la recherche de moyens et les échanges avec les collectivités et les socioprofessionnels ont démarés et se poursuivront jusqu'au printemps prochain pour trouver les meilleures solutions.

Les refuges des Écrins, entre optimisme et inquiétude

Les refuges du massif ont réalisé une très belle saison estivale, avec une augmentation du nombre de nuitées de 13,9 % par rapport à 2022 (données de la Fédération française des clubs alpins et de montagne). Avec plus de 53 000 nuitées comptabilisées en 2023, il s’agit d’une année record pour les Écrins malgré les perturbations liées aux intempéries.

Éboulement dans le vallon du Sélé © T. Maillet - PNE L’autre fait marquant de cette année est moins réjouissant : la fermeture de cinq refuges à travers le massif tout ou partie de l’été, la Pilatte (depuis 2021 à cause des risques d'effondrement de son socle rocheux), le Châtelleret (après la lave torrentielle du 29 juillet 2023), la Selle (à partir du 17 août faute d’eau potable), le Pelvoux et le Sélé (après l’écroulement rocheux au-dessus du sentier d’accès le 21 août). Conjuguées aux évènements météo abordés plus haut, ces fermetures ont affecté certaines randonnées itinérantes qui n’ont pas pu être réalisables dans les conditions habituelles en tout début de saison ou pendant une partie de l’été (GR 54, Tour du Vieux-Chaillol, Refuges en Valgaudemar, Tour de la Bérarde).