Biodiversité des sols forestiers, un monde à découvrir !

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Support essentiel au développement de la vie sur terre, le sol est l’un des premiers maillons essentiels qui participe au façonnage des écosystèmes. Tandis que s’organise «la production primaire» à sa surface (matière organique végétale, issue de la photosynthèse), une diversité considérable d’espèces et d’interactions contribuent au maintien d’un équilibre biologique essentiel.

Mélézin aux Champets - © M. Corail - PNE

Parmi ces fonctions, la régulation et l’épuration des eaux, le stockage du carbone et le recyclage de la matière organique sont rendus possibles grâce à un foisonnement d’espèces. On estime ainsi que les sols abritent plus d’un quart de toutes les espèces vivant sur Terre !

Un nouveau protocole sur les litières forestières

Depuis 2020, le Parc national des Écrins a initié et mis en œuvre un nouveau protocole d’études portant sur la macrofaune des litières forestières. On entend par macrofaune tous les invertébrés du sol mesurant plus de 2 mm, c'est-à-dire ceux qui sont facilement visibles à l'œil nu.

Fourmi rousse - © D. Combrisson - PNE Coelotes - © M. Corail - PNE

Dans le cadre de cette étude, les différents organismes étudiés sont les coléoptères, les araignées, les fourmis, les diplopodes, les chilopodes, les isopodes et les escargots. Ils ont été inventoriés suivant u n protocole d’études spécifique nécessitant le tamisage du sol (tamis de Winkler avec une de grille de 1 cm puis un second tamisage à la grille de 4 mm).

Les 187 parcelles du protocole d’étude des litières forestière

Localisation des 187 parcelles du protocole d’étude des litières forestières
 

Au-delà du simple inventaire, cette étude a pour objectif de mieux cerner les facteurs environnementaux qui influencent et contribuent à la répartition des espèces étudiées.

Afin d’appréhender la diversité et l’abondance des différentes espèces, plusieurs paramètres biotiques (liés aux êtres vivants) et abiotiques (liés au milieu) ont été relevés systématiquement sur chacune des 187 stations. Parmi ceux-ci : l’altitude, l’orientation, la hauteur de litière, la pente moyenne et la rugosité du terrain, mais également le recouvrement au sol de différents éléments qui constituent autant de milieux de vie pour cette macrofaune (bois mort, mousse, pierre, litière…). Enfin, un appareil de mesure simple permet d’obtenir les valeurs approximatives du PH et de la température du sol.

Recherche d'invertébrés dans la litière du sol - © M.G. Nicolas - PNE  Recherche d'invertébrés dans la litière du sol - © M.G. Nicolas - PNE

Tamisage de litière et mesure du PH et de la température du sol

Au total, ce sont près d’une vingtaine de « variables environnementales » pour lesquelles les informations ont été renseignées sur site ou seront échantillonnées à partir de modèles numériques de terrain.

L’un des questionnements initiaux de cette étude est de comparer la diversité des espèces et leur abondance relative suivant l’ancienneté d’occupation forestière des terrains. Le plan d’échantillonnage des stations a donc été réalisé pour moitié à l’intérieur de forêts sur lesquelles la continuité d’occupation du sol est avérée depuis 1850 (soit la date de la carte d’état-major) et pour l’autre moitié des stations, des forêts dites récentes puisqu’elles n’apparaissent pas sur la carte de 1850.

Une chaîne de travail complexe a été mise en œuvre dans le cadre de cette étude où les agents de terrain ont du se former aux techniques de tamisage et de tri de litière. Au total, ce ne sont pas moins de 370 litres de litière fine tamisés à la grille de 4 mm qui ont été étudiés pendant ces deux années sur l’ensemble du parc.

Groupe invertébrés, tri et préparation des échantillons du protocole litière - © M. Coulon - PNE

Préparation des prélèvements et constitution des lots taxonomiques avant envoi

L’intérêt de cette étude est de pouvoir nommer à l’espèce, la plus grande majorité des individus prélevés. Pour cela, chaque prélèvement d’individu doit être correctement rattaché au « phylum » correspondant (les iules, gloméris et cloportes sont traités ensemble par exemple) et doit être soigneusement répertorié (date, code numérique de la station, coordonnées géographiques…).

Groupe invertébrés, tri et préparation des échantillons du protocole litière - © M. Coulon - PNE Groupe invertébrés, tri et préparation des échantillons du protocole litière - © M. Coulon - PNE

Dans un second temps, les déterminations à l’espèce vont être réalisées par les spécialistes taxonomiques dans la majorité des cas ou notées à la famille d’appartenance. L’abondance relative, correspondant au nombre d’individu d’une même espèce pour un litre de litière tamisé, est également renseigné.

De belles découvertes en perspective !

Le retour des premières déterminations issues de la campagne de 2020 apporte déjà son lot de surprises avec la découverte d’une nouvelle espèce de coléoptère pour la France. Connu en Autriche et en Allemagne, Plataraea elegans (G.Benick, 1934) appartient à la famille des staphylins qui sont en général des prédateurs d'insectes et d'autres invertébrés, vivant dans la litière de feuilles des forêts et des matières végétales en décomposition.

C’est dans la vallée du Couleau sur la commune de Saint-Clément-sur-Durance que ce prélèvement a été réalisé au sein d’une ancienne sapinière d’ubac.

Plusieurs partenariats sont actuellement en cours d’élaboration afin de réaliser l’analyse et la valorisation de ces données. Parmi les axes de recherche, les variables environnementales permettent d’expliquer les patrons de distribution :

  • des espèces (analyse des diversités et de l’abondance, indice de dissimilarité… ),
  • des fonctionnalités (réseaux trophiques par exemple)
  • des enjeux de conservation au travers d’une approche croisée entre la « patrimonialité » des espèces d’une part et leur répartition géographique d’autre part.

Les premiers résultats sont à suivre dans plusieurs mois. Nous vous tiendrons informés, c’est promis !

 

Analyse descriptive des orientations (à droite) et répartition altitudinale des stations en fonction des essences forestières dominantes (à gauche)

Cette étude a bénéficié du soutien financier de la GMF.