Le vendredi 9 décembre au soir, en courant le long du plan d'eau d'Embrun, Henri et Laurent Ripert observent un canard inhabituel en train de dormir sur une petite anse au calme formée par la Durance lorsqu'elle se jette dans le lac de Serre-Ponçon. C'est en rentrant chez eux le soir que le père et le fils, agents saisonniers du Parc national, déterminent l'oiseau grâce à une photo qu'ils ont prise... Le verdict tombe : il s'agit d'une macreuse brune (Melanitta fusca) !
Voir les observations de la macreuse brune sur Biodiv'Ecrins
La macreuse brune est un canard marin de grande taille avec une envergure, ailes déployées, de 90 cm à 1 mètre. C'est une espèce à répartition nordique, principalement de la péninsule scandinave, qui niche sur les lacs de la taïga, les cours d'eau de la toundra et les côtes rocheuses de la Baltique.
En France, la macreuse brune est présente uniquement en hivernage, principalement le long des côtes de la Manche, sur la facade atlantique et, dans une moindre mesure, en mer méditerranée. Les sites continentaux les plus réguliers sont la vallée du Rhin et le lac Léman.
Dans le Haut-Dauphiné, la macreuse brune a été observée une vingtaine de fois dans le Gapençais (la Saulce et Espinasses) de 1977 à 1985, la dernière observation de l'espèce date de mars 2008 à la baie Saint-Michel du lac de Serre-Ponçon, par Thierry Joubert...un ancien ouvrier du Parc national dans le Valgaudemar et ornithologue averti !
Avec son bec gros et conique, le régime alimentaire de la macreuse brune est assez varié : poissons, végétaux, crustacés et mollusques. L'oiseau plonge sous l'eau en effectuant un véritable saut, ailes déployées pour prélever sa nourriture.
Les apnées sont longues (régulièrement plus d'une minute), ce qui permet à la macreuse de couvrir de grandes distances sous l'eau (10 mètres et plus). Le potentiel de garde-manger est assez riche localement avec une importante population d'écrevisses américaines (Orconectes limosus) sur le plan d'eau d'Embrun qui fait le bonheur de la macreuse !
Les populations de moules zébrées (Dreissena polymorpha) présentes sur le lac de Serre-Ponçon constituent aussi une bonne source de nourriture que l'oiseau pourrait mettre à profit.
Un réseau d'observateurs de plus en plus aguerris
La réputation ornithologique de la queue du lac de Serre-Ponçon (dénommée la zone du Liou) auquel se rattache le plan d'eau d'Embrun n'est plus à faire !
Depuis plusieurs années, au printemps, le Parc national des Ecrins organise des sorties pour découvrir et observer les oiseaux migrateurs. Ces journées sont toujours un moment d'échange privilégié pour partager un intérêt commun pour l'observation des oiseaux.
Du débutant à l'observateur confirmé, chacun par ses questions ou sa connaissance vient enrichir le débat, susciter l'interrogation ou l'étonnement... Si, au final, ces sorties ne feront pas de vous un ornithologue professionnel, elles vous apportent des éléments de culture générale sur l'histoire et l'écologie des espèces ainsi qu'une "prise en main" pour la reconnaissance des oiseaux.
"Année après année, nous retrouvons régulièrement les mêmes observateurs" remarque Damien Combrisson, garde-moniteur dans l'Embrunais et animateur régulier de ces rendez-vous pour le public. "Certains jeunes débutants deviennent des observateurs confirmés. D'une manière générale, le niveau en ornithologie a énormement progressé ! C'est aussi le cas pour Henri et Laurent qui travaillent au Parc national des Ecrins pendant l'été. Par leur métier, ils ont développé un sens de l'observation qu'ils ont sû améliorer grâce à l'intérêt qu'ils portent à l'observation des oiseaux."
