Deux prairies des Écrins au concours national

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L'exubérance des fleurs de la parcelle de Jean-Michel Juge, éleveur à La Grave et l'originalité des espèces recensées sur celle de Marie-Cécile Faure, exploitante à Villar d'Arène, ont séduit le jury. Ces deux prairies fleuries d'altitude représenteront les Écrins au concours agricole national.
Campanules, sainfoins, sauges, centaurées... Fleuries ou non, les différentes espèces recensées par les experts du jury  comptent pour le classement final du concours agricole national des prairies fleuries.
Dans les adrets de la Grave et Villar d'Arène, ce jeudi 1er juillet, un petit groupe d'un genre très particulier a visité dix parcelles fleuries sous le regard des glaciers de la Meije.
 
Ecologue, botaniste, spécialiste des espèces méllifères (celles prisées par les abeilles), représentant de l'État et des chambres d'agricultures des Hautes-Alpes et de l'Isère : les membres du jury local des prairies fleuries n'ont pas chômé. En présence de l'agriculteur, dont les modes d'exploitations comptent aussi pour le classement final, ils ont expertisé chaque parcelle candidate en recensant les espèces présentes et en les classant dans différentes catégories.
 

Objectif du jour, distinguer la parcelle présentant le meilleur équilibre entre les qualités écologiques (diversité), fourragères (présence de légumineuses et graminées notamment) et méllifères. L'une n'excluant pas l'autre, bien au contraire.

Fin de matinée, à Valfroide, 1925 mètres d'altitude. La prairie de Jean-Michel Juge est éblouissante de couleurs. En peu de temps, les experts comptabilisent 62 espèces végétales différentes... et ils sont à peu près certains d'en avoir oublié quelques unes. Une telle diversité fera l'unanimité.

Cette prairie représentera les Écrins au concours national avec l'une des parcelles de Marie-Cécile Faure, située au col du Lautaret qui s'est distinguée pour l'originalité des espèces présentes... conjuguée à une bonne qualité fourragère.

C'est le maintien de la fauche qui favorise cette diversité : les botanistes, écologues et techniciens agricoles ne cessent de le répéter. Plusieurs éleveurs du canton font perdurer cette pratique contraignante... tout en sachant que l'achat du foin serait globalement plus "rentable". Les aides européennes et de l'État dans le cadre des mesures agri-environnementales "compensent" (et récompensent !) en partie ce travail utile bien au-delà de la seule activité agricole. Pour autant, ici, tous les éleveurs achètent du foin "à l'extérieur" pour pouvoir nourrir leurs bêtes.

Après les campagnols...

Proposée par le Parc national des Écrins pour ce concours national, la participation des paysans de la haute-Romanche est d'autant plus louable qu'ils subissent depuis plusieurs années de virulentes attaques de campagnols. Quand elles sont labourées par les rongeurs, les parcelles ne produisent plus. Ici, pas un éleveur n'y a échappé. Certains ont dû acheter la totalité de leurs stocks de fourrage... Pourtant, la capacité de régénération des prairies naturelles s'avère impressionnante. Là où, voilà deux ans, le sol était totalement à nu, des stocks de graines enfouis dans la terre ont permis de retrouver une belle diversité... Il y manque encore certaines légumineuses, comme le sainfoin, qui pourraient pourtant revenir également.

Le fenouil des Alpes qui pousse sur sa parcelle de Valfroide donne t-elle du goût aux fromages produits par Jean-Michel Juge ? Rien n'est moins sûr. Quand il viendra faucher au mois d'août, la qualité fourragère indéniable de ce foin aura considérablement baissé... et il ne le donnera pas à manger à ses laitières. Questions de pratiques. On fauche toujours en commençant par le bas...

Continuer à faucher là ? Jean-Michel Juge "ne demande pas mieux" mais il se demande si, dans 15 ans, d'autres que lui continueront...  Déjà, bien des prairies de fauche ne sont plus fauchées et, au mieux, pâturées.

Ce concours national est l'occasion de reconnaître, faire connaître et valoriser ce travail aux yeux de tous, y compris des milieux agricoles nationaux et des décideurs des politiques agricoles. Aujourd'hui, dans des zones de montagne comme celles de la haute-Romanche, le maintien de la fauche est un idéal, mieux encore, c'est la diversité des pratiques agricoles qu'il est important de conserver... Et pour cela, il faut des agriculteurs qui puissent en vivre.

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Le maire de La Grave, Jean-Pierre Sevrez, voit dans ce concours l'occasion de faire connaître l'importance des prairies de fauche dont la valeur est importante "à plusieurs niveaux, pour l'agriculture, sur le plan écologique, de l'esthétique des paysages et donc pour l'activité touristique également".

Les résultats du concours "prairies fleuries" dans le Parc national des Écrins

1- Jean-Michel Juge pour sa prairie situé à 1925 mètres d'altitude à Valfroide (La Grave). Il est éleveur de chèvres et de vaches laitières et producteur de fromages. Le siège de son exploitation est à situé à Ventelon (La Grave).

2- Marie-Cécile Faure pour sa prairie située au Lautaret (alt 1950 m). Elle est productrice bovins-génisses et ovins-viande. Le siège de son exploitation est à Villar d'Arène.

Voici donc les deux éleveurs dont les prairies vont concourir au niveau national. A noter que les deux parcelles sont situées sur des sites Natura 2000 des Écrins... ce qui ne constituait pas un critère dans la grille d'analyse du concours.

Le jury a ensuite décerné un prix "local" pour la qualité et le nombre d'espèces mellifères à la prairie de Jean-Jacques Sionnet, éleveur ovins-viande aux Terrasses (La Grave) et à celle de Eric Ferrier, éleveur bovins-génisses au lieu dit "le coin" (La Grave).

Le jury a tenu compte, dans l'évaluation des prairies, des grandes différences de floraison suivant l'altitude ou l'exposition. Il a souhaité saluer la participation des éleveurs de Villar d'Arène à ce concours, compte tenu des pullulations de campagnols qui les pénalisent.

 

Ont également participé à ce concours :
- Daniel Bouillet, éleveur bovins-génisses aux Terrasses qui a présenté une parcelle sur les rivets (vallée de la Buffe)
- André Faure, éleveur bovins-génisses aux cours (villar) qui a présenté sa seule parcelle encore à ce jour épargnée par les campagnols.
- Michel Albert, éleveur bovins-génisses et ovins-viande à Villar d'arène qui a présenté une parcelle aux jouvencelles (Villar d'Arène).

Pour en savoir plus sur le concours, lire l'article Les prairies de la haute-Romanche au concours national

Les parcelles les plus riches sont des parcelles d'altitude élevée. Il y a eu de longues discussions entre le jury et les éleveurs sur la valeur  et la qualité de ces prairies en ce début juillet... alors que lorsqu'ils les récoltent, plus tard dans l'été, elles constituent un fourrage assez médiocre.

Deux reportages télévisés ont été réalisés à l'occasion du passage du jury dans les Écrins.
Le reportage de France 2, réalisé par Benoit Gadrey et Philippe Fivet a été diffusé au journal de 13h le 2 juillet.
France 3 Provence Alpes a également réalisé un reportage signé de Paul-Serge Miara et François Bombard.