Les Écrins moins fréquentés en 2021

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Après un été 2020 où les Français ont (re)découvert la montagne et notamment le massif des Écrins, 2021 a marqué une petite rupture, avec un moindre engouement pour les sentiers du parc national. À noter toutefois : une situation contrastée selon les vallées et une météo maussade en juillet qui n’a pas été propice aux activités extérieures.

Randonneurs vers le lac de l'Eychauda © P. Saulay - PNE Fréquentation : des disparités spatiales et temporelles

La fréquentation a accusé une baisse l’été dernier sur la plupart des points de comptage du parc national. Pierrick Navizet, chef du service accueil-communication, nous livre quelques explications : « L’année 2020 avait été exceptionnelle en terme de fréquentation avec un pic qui nous ramenait à une fréquentation connue jusqu’au début des années 2000. Ce qui était remarquable, c’était l’arrivée d’un nouveau public peu aguerri à la randonnée en montagne et à la connaissance des espaces protégés. En 2021, la fréquentation du parc national a globalement reculée avec des contrastes entre vallées et entre juillet et août, mais la présence d’un public néophyte se confirme ».

Randonneurs à l'approche du refuge de Vallonpierre © T. Blais - PNE Si la Vallouise et le Briançonnais restent les destinations phares du massif avec une faible érosion du nombre de randonneurs, les sentiers méconnus du Valbonnais ont attiré de nouveaux adeptes en 2021 : à la clé, une belle augmentation de leur fréquentation par rapport à 2020 (+ 35 %). En Oisans, le lac Lauvitel a connu une fréquentation sensiblement en hausse et mieux maîtrisée, mais les randonneurs ont été moins nombreux sur le plateau du Taillefer (- 23 %) et à La Bérarde (- 16 %). Dans l’Embrunais, le hameau des Gourniers a connu un net infléchissement de sa fréquentation par rapport à 2020 (- 17 %). Dans le Champsaur, les visiteurs ont été moins nombreux à flâner ou randonner à Prapic qu’en 2020 (- 10 %) ; en revanche, leur nombre a augmenté de 18 % au Tourond. Les sentiers du Valgaudemar ont quant à eux connu la plus forte baisse par rapport à 2020 (- 32 à - 37 % selon le secteur) et un niveau de fréquentation inférieur à la moyenne des années 2010.

Comment le Parc national évalue t-il le nombre de randonneurs sur ses sentiers ?

Grâce à des écocompteurs installés au départ des sentiers, et relevés chaque automne par Stéphane D’Houwt, le technicien sentiers du Parc national. « Ce type de compteurs est déployé depuis 2006, nous explique t-il. Ils enregistrent heure par heure le passage des randonneurs et nous permettent de compiler les chiffres pour tout l’été. Nous avons ainsi une vision précise de la fréquentation des sentiers et de ses évolutions, ce qui nous permet de calibrer les besoins en aménagements comme les parkings ou les navettes. » 17 écocompteurs sont répartis à travers le parc national, soit sur les secteurs les plus fréquentés (pré de madame Carle, Dormillouse, lac de la Douche, Gioberney…), soit sur les secteurs où le Parc ne disposait d’aucune information sur la fréquentation (le Valbonnais par exemple). 2 nouveaux écocompteurs seront installés l’été prochain, à Valsenestre et dans la vallée du Rabioux.

Comme les années précédentes, c’est la fréquentation en cœur d’été qui affole les compteurs : 78 % des randonneurs qui ont emprunté un sentier équipé d’un écocompteur pendant l’été l’ont fait sur les mois de juillet et août. Le mois de septembre, avec seulement 10 % des randonneurs estivaux, est à la traîne malgré les très belles ambiances de fin de saison. Ce constat est d’ailleurs régulièrement confirmé par les hébergeurs interrogés par le Parc national chaque automne depuis 2017.

Bilan des moyens spécifiques mis en place en 2021

Chalet d'accueil à la Danchère © E. Icardo - PNESuite à la forte fréquentation de l’été 2020, le Parc national a déployé en 2021 des moyens spécifiques pour mieux informer les visiteurs, protéger les espaces les plus sensibles et favoriser la cohabitation entre toutes les activités. Certaines de ces mesures ont rencontré un franc succès.

C’est le cas du chalet d’information installé pour la première fois cet été à la Danchère, le point de départ du très fréquenté lac Lauvitel (Oisans). Ce site magnifique continue d’être plébiscité par les randonneurs : plus de 36 000 visiteurs pendant l’été 2021 (+ 16 % par rapport à 2020), soit près de 300 personnes par jour en moyenne ! La mise en place d’un point d’accueil temporaire a eu des effets immédiats et concrets : plus de 3 200 visiteurs ont été sensibilisés, une cinquantaine d’infractions ont été prévenues et les habitants de la Danchère ont renoué avec une certaine sérénité dans le hameau.

Prévention sur la réglementation en cœur de parc, animations de découverte et de sensibilisation à la nature et aux patrimoines... : les 8 recrues venues prêter main forte aux gardes-moniteurs pendant l’été 2021 n’ont également pas chômé. Côté pastoralisme, les 2 médiatrices pastorales recrutées sont intervenues en cœur de parc sur des sentiers très fréquentés traversant des alpages avec chiens de protection. Elles ont ainsi sensibilisé au moins 3 300 randonneurs au pastoralisme et aux comportements à adopter face aux chiens. Même si les lieux et les périodes de leurs interventions doivent encore être affinées (il s’agissait d’une expérimentation), leur action a été très appréciée des randonneurs et des bergers.

Animation nature au lac Lauvitel © E. Icardo - PNE À noter que la communauté de communes de l’Oisans a recruté pour l’été 2021 2 maraudeurs saisonniers pour sensibiliser les randonneurs en Oisans. Ils ont travaillé de manière coordonnée avec les gardes-moniteurs de l’Oisans pour compléter la présence sur le terrain, comme à la Danchère.

Des campagnes de sensibilisation qui ont bien marché

En 2021, le Parc national s’est appuyé sur ses partenaires pour proposer 3 campagnes à large échelle pour sensibiliser à l’amont des visites à la fragilité des espaces naturels.

La campagne sur les refuges menée avec la FFCAM et les Parcs nationaux de montagne sur les réseaux sociaux a permis de toucher plus de 400 000 personnes. Parmi les messages diffusés pendant l’été, des conseils pour préparer sa visite en refuge et les bonnes pratiques pour préserver l’environnement et les ressources naturelles en montagne.

La campagne « On a tous besoin de nature » a été menée à travers la Région Sud pour inciter les visiteurs des espaces naturels à découvrir respectueusement ces lieux. Le Parc national a relayé ces messages à l’échelle de son territoire sur ses réseaux sociaux, touchant plus de 721 000 personnes. Au niveau régional, on estime que ce sont près d’1,9 million de personnes qui ont été touchées.

Autre outil déployé l’été dernier, la campagne humoristique sur la réglementation en cœur de parc national a été déclinée sur les réseaux sociaux des Parcs des Écrins, de la Vanoise, du Mercantour et des Pyrénées et en format dépliant diffusé dans les lieux d’accueil.

Un été encore marqué par le contexte sanitaire

En 2020, fermeture des frontières oblige, la part des visiteurs étrangers avait énormément chuté, mais avait été bien contrebalancée par l’augmentation du nombre de visiteurs français. En 2021, le profil des visiteurs a commencé à se rééquilibrer avec le retour de la clientèle belge et néerlandaise, les 2 nationalités étrangères qui fréquentent le plus le parc national l’été. « Mais tous les visiteurs étrangers ne sont pas revenus, précise Mathias Magen, chargé de mission tourisme au Parc national. Au niveau global, il est très difficile de tirer des conclusions ou des tendances depuis 2 étés. Après la grosse cassure de 2020, la clientèle a fortement évolué et on ne sait pas dire comment cela s’inscrira dans le temps. »

Visiteurs à la maison du Parc d'Entraigues © E. Icardo - PNE La fréquentation des maisons du Parc national a également été affectée par les contraintes sanitaires, en particulier au mois d’août où les animations en intérieur et l’accès aux expositions sont devenus impossibles. Les 12 points d’accueil permanents et saisonniers du Parc national ont toutefois poursuivi leur mission d’information des visiteurs et ont accueilli plus de 49 000 personnes en juillet et août 2021 (60 000 en 2020).

L’impact de la météo et du réchauffement climatique

Au-delà des conséquences « ponctuelles » liées au contexte Covid, d’autres éléments restent déterminants pour la fréquentation du massif des Écrins. C’est évidemment le cas de la météo, et le temps maussade de juillet 2021 est en bien la preuve… Même si la montagne est traditionnellement plus fréquentée en août qu’en juillet, ce déséquilibre a été particulièrement fort en 2021 dans les Écrins. Sur les sentiers équipés d’écocompteurs, la fréquentation a été bien en-deça des chiffres des 3 dernières années pour le mois de juillet, et elle a connue un fort rebond au mois d’août (+ 43 %).

Toutes les vallées du parc national ont ainsi noté une alternance entre forte affluence certains week-ends ensoleillés et périodes plus calmes.

Randonneurs au glacier Blanc © M. Coulon - PNE Moins évident car avec un impact moins instantané, le réchauffement climatique joue également un rôle sur la fréquentation de certains sites des Écrins. Le pré de Madame Carle en Vallouise en est l’exemple le plus criant : sa très forte fréquentation du début des années 2000 est en régression, semble t-il au rythme du recul inéluctable du glacier Blanc. Le temps de marche pour pouvoir contempler le glacier étant considérablement rallongé, les visiteurs se font moins nombreux qu’il y a 20 ans. Entre 2011 et 2021, le site a ainsi perdu près de 11 000 visiteurs.

Focus sur l’itinérance

Montée au bivouac © C. Coursier - PNE De nombreux parcours en itinérance à pied, à VTT ou à cheval ont été développés ces dernières années par le Parc national. « Et bonne nouvelle, nous apprend Mathias Magen, ils ont trouvé leurs adeptes, même les plus récents. » Côté randonnée, si le mythique GR 54 reste le plus fréquenté, les autres tours locaux marchent bien aussi, avec à la clé, une meilleure répartition des randonneurs sur le massif.

Autre tendance qui s’est poursuivie pendant l’été 2021 : l’essor de la pratique du VTT et surtout du VTTAE en aire d’adhésion du parc national. « C’est une tendance nationale qui se concrétise dans les Écrins, commente Mathias. Les offres d’itinérance à 2 roues proposées par le Parc national trouvent bien leur clientèle, ce qui est confirmé par les hébergeurs qui accueillent plus de VTTistes ».

Bivouac sous le col de la Valette © T. Maillet - PNE Pour rester du côté des hébergements, le type de clientèle accueillie en itinérance reste stable depuis plusieurs années : ce sont principalement des groupes d’amis, des couples et des personnes seules. Viennent ensuite les groupes accompagnés et les familles avec enfants. Une donnée inédite en 2020 s’est toutefois confirmée l’été dernier. Un nouveau type de randonneurs, jeunes et sans réelle culture montagnarde, découvre la montagne via l’itinérance. Mathias explique : « Ils pratiquent le bivouac mais sans autonomie totale. Ils recherchent auprès des refuges ou d’autres hébergements en vallée certains services ou un certain confort, comme une bière en fin de journée, un repas ou un petit-déjeuner, un accès aux sanitaires... Cette tendance est bien sûr très positive pour les refuges car il s’agit d’une nouvelle clientèle, mais elle est diffuse et désorganise un peu les activités. Par exemple, les gens ne sont souvent pas calés sur les horaires standards des refuges ».

Quid de l’été prochain ?

En 2022, les moyens spécifiques déployés en 2021 seront reconduits (prévention sur le terrain, outils et campagnes de sensibilisation des visiteurs). Un des nouveaux enjeux sera de renforcer les collaborations avec les offices de tourisme du territoire, le comité régional du tourisme de la Région Sud et les autres Parcs nationaux pour améliorer la diffusion des messages, notamment auprès des visiteurs néophytes de la montagne.