Une espèce exotique de moule découverte à Serre-Ponçon

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Début février 2023, à la faveur de l’étiage hivernal, un agent du Parc national découvre sur les berges du lac de Serre-Ponçon des essaims de moules quagga, une espèce exotique envahissante. Il s’agit d’une première en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Face aux risques importants d’essaimage, une stratégie sanitaire devra être mise en place pour limiter sa colonisation dans la région.

Une moule d’eau douce originaire de la mer Noire

Essaims de moules quagga au lac de Serre-Ponçon © D. Combrisson - PNE C’est au cours de l’inventaire des mollusques continentaux du parc national des Écrins que Damien Combrisson a fait cette surprenante observation, le 6 février dernier. La moule quagga est un bivalve de la famille des Dreissenidés, vivant dans les cours d’eau, les lacs et les réservoirs d'eau douce. Originaire du delta du Dniepr en Ukraine, la moule quagga colonise progressivement les fleuves et canaux européens et nord-américains depuis une centaine d’années. Signalée pour la première fois en France en 2010 dans la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, elle a continué sa progression vers le sud, jusqu’à être observée à Montpellier (2018) et dans le lac du Bourget (2019). Si la découverte du 6 février 2023 est la première observation avérée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, on estime que la moule quagga est implantée à Serre-Ponçon depuis 2018 ou 2019, au regard de la taille des spécimens observés.

Quand une espèce envahissante en supplante une autre…

La moule quagga n’est pas la première espèce exotique à avoir posé sa coque dans le lac de Serre-Ponçon : sa cousine, la moule zébrée, est présente dans le plan d’eau depuis 2011. Et fait notable, cette espèce qui est déjà considérée comme virulente est en train de se faire supplanter par la moule quagga… Damien Combrisson explique : « Si les deux moules sont des espèces proches, la moule quagga a une tolérance écologique meilleure que la zébrée, notamment au niveau de la profondeur et de la température de l’eau où elle peut vivre et se reproduire. » Son potentiel d’expansion est donc démultiplié.

Moule zébrée à gauche et quagga à droite © D. Combrisson - PNE

Moule zébrée à gauche et quagga à droite

Des mutations pour les écosystèmes autochtones

Essaim de moules quagga au lac de Serre-Ponçon © D. Combrisson - PNE Comme toute espèce exotique envahissante, la moule quagga menace l’équilibre écologique des cours et plans d’eau qu’elle colonise. Au lac de Serre-Ponçon, elle entre directement en compétition avec les deux espèces locales d’anodontes présentes. Ces grosses moules, considérés comme vulnérables dans la Liste rouge de l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature), peuvent ainsi se faire coloniser par les moules quagga qui ont la capacité à se fixer sur leur coquille grâce à leur byssus (ensemble des filaments adhésifs qui permettent de se fixer). Comme l’explique Damien Combrisson, « cela peut affecter le bon fonctionnement des anodontes, en les empêchant de se déplacer, de se nourrir ou de respirer. On parle alors d’encrassement biologique, avec un vrai risque de disparition pour ces deux espèces autochtones ».

Plus indirectement, les Dreissenidés sont considérées comme des espèces ingénieures, c’est-à-dire qu’elles sont capables de modifier en profondeur les milieux qu’elles colonisent. Comme la moule zébrée, la moule quagga filtre énormément d’eau, consommant à cette occasion de grandes quantités de phytoplancton et de particules en suspension, et modifie de fait la transparence de l’eau et la quantité de nourriture disponible.

Anodonte des rivières © D. Combrisson - PNE

Anodonte des rivières, l'une des 2 espèces autochtones du lac de Serre-Ponçon

Objectif : limiter la propagation de la moule quagga

Comme le rappelle Damien Combrisson, « il est largement trop tard pour se débarrasser de la moule quagga. Une fois que l’espèce est implantée, il n’y a plus de moyen de lutte ». Petit espoir pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : si les larves du mollusque sont probablement déjà présentes dans la Durance en aval du barrage, il y a un grand enjeu à protéger les rivières et les plans d’eau non connectés.

Lac de Serre-Ponçon © M. Coulon - PNE En effet, la forte dispersion de la moule quagga est favorisée par les activités humaines : adulte, elle peut se fixer sur la coque des bateaux ; à l’état larvaire, elle peut survivre dans les moteurs, où il reste souvent de l’eau, même mis à sec. Pour empêcher l’essaimage accidentel de la moule, en particulier depuis le lac de Serre-Ponçon très fréquenté l’été, des mesures de gestion sanitaire doivent être mises en place, comme la sensibilisation du public, le nettoyage obligatoire des bateaux ou des contrôles réguliers. Au niveau local, cette stratégie sera mise en place par le syndicat mixte d'aménagement et de développement de Serre-Ponçon (SMADESEP), l’Office français de la biodiversité (OFB), le Parc national et le Conservatoire du littoral. Elle sera également relayée à l’échelle régionale par l’Agence régionale pour la biodiversité et l’environnement (ARBE).

Pour en savoir plus

Consulter l'article scientifique publié par Damien Combrisson.