Les forêts sur écoute !

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Mésange noire © Mireille Coulon - PNE
Depuis un an, trois forêts des Écrins font l’objet d’une attention toute particulière. Des enregistreurs sonores capturent quotidiennement tous les bruits des sous-bois : chants d’oiseaux, cris de mammifères, mais aussi bruits liés aux activités humaines. Au delà d’une meilleure connaissance de la biodiversité forestière, ce projet permettra de quantifier la pollution sonore qui affecte ces milieux.

Découvrir les paysages sonores des forêts

Bec croisé des sapins © Damien - Combrisson - PNEDe la pollution sonore dans un espace protégé ? La chose peut paraître surprenante mais c’est pourtant l’un des constats à l’origine du projet Sonosylva créé par l’Office français de la biodiversité et le Muséum national d’histoire naturelle. D’ici 2026, des enregistreurs sonores posés dans une centaine de forêts françaises permettront d’en savoir plus. Comme l’explique Julien Guilloux, chargé de mission eau et forêt au Parc national des Écrins, « l’idée du projet est de dresser un état des lieux de la biodiversité des forêts, mais aussi d’identifier et d’estimer les nuisances sonores liées aux activités humaines, tout ça grâce au son. Cela permettra de disposer d’un paysage sonore, c’est-à-dire d’un environnement acoustique, par forêt. »

Combien de chants d’oiseaux différents trouve-t-on dans la forêt ? Y entend-on des brames d’animaux ? D’une forêt à l’autre, la composition acoustique des animaux est-elle similaire ? Par rapport à ce bruit naturel, quel volume représente le bruit lié aux activités humaines (déplacements motorisés, travaux forestiers, survols par hélicoptère, chasse...) ? Voici quelques unes des questions auxquelles devrait permettre de répondre le projet Sonosylva grâce à l’écoacoustique.

Dans les Écrins, trois forêts aux caractéristiques différentes

Enregistreur sonore à proximité de Confolens © Julien Guilloux Pour cela, le projet bénéficie du relai de gestionnaires d’espaces protégés partout en France, Corse comprise. L’objectif : représenter toutes les forêts françaises. Au total, ce sont 103 enregistreurs sonores qui ont été posés début 2024, pour trois ans. Julien Guilloux nous en dit un peu plus : « Les enregistreurs ont été installés à au moins 400 mètres des lisières de la forêt, sur des arbres au diamètre pas trop important pour capter les sons à 360°. Ils sont programmés pour se déclencher pendant une minute tous les quarts d’heure, un jour sur deux, de mars à octobre. »

Dans les Écrins, trois enregistreurs ont été installés dans des types de forêts représentatifs du massif : un à Confolens (Valbonnais, hêtraie-sapinière), un à Chaillol (Champsaur, mélézin), un à Embrun (pinède). « Le site de Confolens est situé en cœur de parc, contrairement aux deux autres, précise Julien. L’enregistreur d’Embrun est localisé sur les pentes très chaudes du mont Guillaume. Quant à celui de Chaillol, nous l’avons installé sur une zone déjà étudiée par le Parc dans le cadre du dispositif ORCHAMP. Pour ces deux derniers sites, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’ONF pour s’assurer que des coupes forestières n’auraient pas lieu à proximité pendant les trois années d’enregistrement. »

Grimpereau des bois © Pascal Saulay - CC BY NC ND

Un projet scientifique accompagné d’un volet sensibilisation

Gélinotte des bois © Jean Guillet - PNE En 2024, ce sont déjà 25 700 enregistrements qui ont été collectés par les agents du Parc national. Ces données ont été transmises au Muséum national d’histoire naturelle et seront analysées avec celles des autres territoires au terme du projet. Le Muséum escompte ainsi récupérer un million de fichiers audios, soit plus de 18 000 heures d’enregistrement !

Si le projet entre dans un plan de suivi de la biodiversité terrestre en France, il comporte également un volet sensibilisation. Comme l’explique Julien, « il s’agit d’encourager le grand public à prêter attention aux bruits de la forêt, mais aussi de faire prendre conscience de l’ampleur de la pollution sonore. Même en montagne, il est difficile aujourd’hui de trouver un endroit sans bruit d’origine humaine. » La pollution sonore est devenue un problème environnemental majeur qui affecte les humains mais aussi la faune et la flore. En perturbant la physiologie et le comportement de certains oiseaux ou insectes par exemple, elle a des conséquences néfastes sur leur reproduction et donc, par ricochet, sur celle des espèces végétales.