Où en est le lézard ocellé dans les Écrins ?

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Ce gros lézard vert aux ocelles bleus (le plus grand d’Europe) est une espèce méditerranéenne dont une poignée d’individus seulement peuple l’extrême sud du massif des Écrins. En déclin dans toute la France du fait de la fragmentation et de la destruction des milieux favorables, il est suivi de près par les agents du Parc. Qui continuent également d’enquêter sur le mystère des lézards ocellés découverts sur l’îlot Saint-Michel, en plein lac de Serre-Ponçon.

Différents suivis scientifiques depuis 2022

Pas facile d’observer ce gros et beau lézard dans les Écrins, n’est-ce pas ? Et pour cause, la seule population connue à ce jour se situe au sud du massif, en bordure du lac de Serre-Ponçon, à la limite de l’aire de répartition de ce reptile méditerranéen. « C’est une espèce peu courante chez nous, confirme Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée au Parc national. En plus du fait qu’elle soit protégée, c’est très intéressant de suivre cette population un peu à la limite de son aire de répartition, pour voir si elle se maintient, si elle se développe, surtout dans le contexte de réchauffement climatique. »

Le suivi scientifique du lézard ocellé est réalisé par les agents de l’Embrunais sur la base de lauzes numérotées et soulevées plusieurs fois dans la saison. Yoann Bunz nous en dit un peu plus : « Les lézards sont ce que l’on appelle des ectothermes : ils ne régulent pas eux-même leur température interne et ont besoin d’un apport de chaleur extérieur. En installant des grandes lauzes, on créée des abris particulièrement favorables : les lauzes protègent les lézards des incidences directes du soleil et des prédateurs, et elles stockent la chaleur et la diffusent. En relevant régulièrement le réseau de lauzes, on peut ainsi suivre la population. »

Le Parc national des Écrins s’intègre également dans les actions du plan national d’actions sur le lézard ocellé, coordonné au niveau régional par le conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur. À ce titre, les agents répètent chaque année depuis 2022 le même protocole scientifique, standardisé à l’échelle des régions PACA et Occitanie. « Le territoire a été découpé en placettes de 100 m par 100 m, explique Yoann. Six placettes ont ainsi été retenues dans le secteur de Prunières. Pour chacune de ces mailles, la prospection dure 30 minutes. Depuis l’extérieur de la maille, on recherche d’abord, à l’aide de jumelles, des individus éventuellement visibles, puis on déambule à l’intérieur de la maille à la recherche d’individus ou d’indices de présence. Cette opération est répétée trois fois pour chaque maille au cours de la saison. » Toutes les observations réalisées alimentent les données nationales et permettent notamment d’actualiser l’aire de répartition du lézard ocellé.

Quid des lézards ocellés de l’îlot Saint-Michel ?

En 2022, nous vous informions de l’intéressante découverte de trois lézards ocellés sur l’îlot Saint-Michel, au large de Prunières. La question était alors de comprendre l’origine de ces individus : étaient-ils arrivés « à pieds secs » à la faveur de l’étiage du lac ou s’agissait-il de descendants de lézards piégés par la mise en eau du lac en 1961 ? Trois ans plus tard, le mystère reste entier. Seules des études génétiques permettront de trancher la question. En effet, si la seconde hypothèse était la bonne, une différence génétique sera déjà visible entre les individus des coteaux de Prunières et ceux de l’îlot, potentiellement isolés depuis plus de 60 ans.

Les crottes récoltées en 2022 n’ayant pas livré de résultats concluants, des captures* pour prélèvements génétiques ont été organisées en mai 2025… avec quelques surprises à la clé. Yoann Bunz raconte : « Les captures ont été bien plus efficaces qu’imaginé, car les lézards de l’îlot voient très peu d’humains donc sont peu farouches. Et aussi probablement car ils sont nombreux ! Nous avons capturé cinq individus, mais nous en avons observé une vingtaine. Si on extrapole à l’hectare, la densité de population est bien plus élevée que celle des autres populations connues en France. C’est une bonne surprise, sachant qu’on ne savait même pas si il resterait des individus vivants dans le cas d’une population non viable. » Les résultats des prélèvements seront connus dans le meilleur des cas fin 2026. Affaire à suivre !

* Captures réalisées dans un cadre scientifique, autorisées par arrêté préfectoral.