Scène 2 : Une biodiversité étonnante
Cette scène offre un tout autre autre visage : celui d’une biodiversité bien plus riche que ce que ne laisse percevoir notre regard. Parmi ces êtres vivants aux caractéristiques fascinantes, peuples premiers des parois et des sommets, se rencontre nombre de plantes à fleurs. Si beaucoup a déjà été dit à leur sujet, beaucoup reste à découvrir. Le Parc national des Écrins a ainsi contribué à la découverte et à la description pour la science de 3 nouvelles espèces poussant sur les plus hauts sommets alpins : l’androsace du Viso (Androsace vesulensis) est endémique du massif éponyme, le Mont Viso (France et Italie) ; l’androsace de Saussure (Androsace saussurei) – hommage au savant genevois qui le premier fit de la haute montagne son terrain d’expérience – est largement répandue du mont Blanc (France) au Grand Paradis (Italie), en passant par le Grand Combin (Suisse) ; enfin, last but not least, l’androsace du Dauphiné (Androsace delphinensis) est principalement présente dans le massif des Écrins.
Pour couronner le symbole de cette biodiversité insoupçonnée, les échantillons de référence (les « types ») servant à définir ces espèces ont tous été récoltés à plus de 3 500 mètres d’altitude : 3 841 m pour l’androsace du Viso (sommet du mont Viso) ; 3 500 m pour l’androsace de Saussure (au Rocher de l’heureux retour, en face nord du mont Blanc) ; 3 758 m pour l’androsace du Dauphiné (pic Coolidge). Et comme le conclut l’article scientifique paru dans Scientific Reports, journal de la prestigieuse revue Nature : « Il est temps de changer notre perception de ces écosystèmes qui sont bien plus un désert de connaissance que des déserts de vie ».
Ainsi se jouent les forces en présences de la montagne : la roche, la glace, la neige sortent de leur dynamique habituelle et une vie qui se montre bien plus imaginative que ce qui se lit dans nos poussiéreux livres de biologie... Une nouvelle scène peut se jouer, avec une espèce qui redécouvre qu’elle ne domine pas grand chose mais détruit beaucoup : l’humain.
Scène 3 : Voir autrement.
Doit-on se résigner à la catastrophe en cours ? Toute une mouvance au sein des guides de haute montagne propose activement une autre vision : celle d’aller différemment en montagne, de devenir des passeurs de transformation sociale par l’immersion au sein d’une nature fascinante. C’est un corps de métier que l’on n’attendrait pas sur ce terrain tant il a symbolisé au fil de son histoire des valeurs masculinistes et élitistes. Pourtant, il s’agit là d’un des collectifs les plus actifs pour repenser son présent, son devenir et sa relation au vivant.
Ainsi, les 27 et 28 mai dernier, entre le pré de Mme Carle (1 874 m) et le refuge des Écrins (3 170 m) (commune de Vallouise-Pelvoux), c’est un groupe d’une douzaine de guides des Écrins et d’ailleurs qui est venu partager ses expériences sur le changement climatique et rencontrer quelques espèces peuplant leur terrain d’exercice. Cette rencontre a été organisée par le Parc national des Écrins dans le cadre d’un programme européen (« Villages d’alpinisme ») dont la vocation est la revalorisation de la pratique de l’alpinisme dans notre territoire.
Et quoi de mieux que de travailler de concert pour un profond changement : ainsi Philippe Bourdeau (laboratoire Pacte), chercheur en géographie et spécialiste du métier de guides, et Brad Carlson (CREA Mont-Blanc), chercheur en écologie et guide à la compagnie de Chamonix, étaient également présents pour apporter leur savoir et réflexions tant sur l’évolution du métier que sur les éléments factuels du changement climatique.
Et si la botanique a été un des fils conducteurs de ces deux journées, l’androsace du Dauphiné a brillé de son absence… Elle se montrera à la scène finale : celle d’une humanité en paix avec le reste du vivant.