Une plante assez rare dans les Alpes
C’est dans les sous-bois à une centaine de mètres de l’ancien hameau de Malaine que Fanny Giraud, alors chargée de mission Natura 2000 en Oisans, a découvert en mars 2020 un beau tapis de Leucojum vernum, plus connues sous le nom vernaculaire de nivéoles de printemps. Car cette belle plante recèle un paradoxe : difficile à détecter du fait de sa relative rareté dans les Alpes et de sa courte floraison qui ne dure qu’une semaine à 10 jours, elle se révèle abondante dans les lieux qu’elle affectionne. « On ne la trouve pas souvent, mais quand on la trouve, il y en a beaucoup ! », résume Cédric Dentant, botaniste au Parc national.
Une très belle station en Isère
Cette discrète fait l’objet de multiples attentions : espèce protégée partout en France, sa cueillette est interdite ; elle figure également sur la liste des espèces végétales prioritaires pour le Parc national des Écrins. Éric Ollieu, garde-moniteur en Oisans, explique : « Cette liste compte 165 espèces végétales protégées ou invasives - ce qui n’est pas le cas de la nivéole bien sûr. Toutes ces espèces font l’objet d’un effort particulier de prospection et de suivi par les agents du Parc. »
C’est donc dans le cadre de ce suivi que les gardes de l’Oisans sont retournés le 13 mars dernier sur le site de Malaine pour en savoir plus sur la station de nivéoles. « La station de Malaine est remarquable, commente Éric. Elle compte plus de 1 000 pieds. » Éric et ses collègues Séverine Magnolon et Nicolas Bertrand ont pu compter sur la floraison de la plante pour leur faciliter la tâche. En effet, une fois les petites clochettes blanches disparues, toute la plante est verte, se fondant à merveille dans son environnement.
Une autre espèce « sosie » également présente
En bordure des ruines du hameau, les agents du Parc ont également trouvé quelques touffes d’une espèce pouvant être confondue avec la nivéole du printemps. Il s’agit de Galanthus nivalis, le perce-neige, une espèce cultivée depuis des siècles. S’il est bien connu, son aire de répartition naturelle est difficile à préciser en France. En Isère, il est rare et très dispersé, et toutes les stations connues semblent être constituées de pieds « échappés » des jardins.
Les pieds de perce-neige présents à côté des ruines de Malaine mettent en évidence que lorsque ce hameau était occupé, cette plante était présente pour embellir les bordures de maison.
Quelques suppositions sur l’usage ornemental des plantes
Mélangés aux perce-neige, les agents du Parc ont également découvert quelques pieds de nivéoles. Cette présence en bordure de ruines est peu liée au hasard, comme l’explique Éric : « Il est très probable qu’ils soient issus de prélèvement réalisés à l’époque par les gens du hameau dans la station sauvage située à proximité ». Contrairement à l’usage médicinal et alimentaire des plantes, l’usage ornemental est très peu documenté. Cédric Dentant confirme : « On sait par exemple que le sabot de Vénus ou la reine des Alpes ont été beaucoup prélevés dans ce sens, mais il y a tout un lot d’espèces pour lesquelles on ne sait pas grand-chose. Il faut donc faire des hypothèses. »
La nivéole de printemps en quelques mots
La nivéole du printemps est une plante vivace à bulbe qui se rencontre dans les sous-bois frais de feuillus. Elle possède trois à quatre feuilles basales et une tige portant une unique fleur, en cloche ouverte, penchée. Celle-ci est composée de six tépales de même taille, blancs et tachés de vert ou de jaune à leur extrémité. La nivéole fleurit de manière précoce en mars et avril. Sa fleur attire les insectes butineurs grâce à l’arôme qu’elle dégage et les taches vert clair de ses tépales. Ces insectes récoltent du pollen et du nectar sécrété au fond de la fleur. Au passage, ils fécondent les fleurs qui se transformeront en une capsule verdâtre renfermant des graines. Après ouverture du fruit, ce sont les fourmis qui assurent la dissémination des graines. On appelle cela la myrmécochorie. En plus de cette reproduction sexuée, la nivéole se multiplie également de manière végétative par bulbilles pour coloniser l’espace.
Distinguer perce-neige et nivéole de printemps
À gauche, le perce-neige possède une fleur blanche à 6 tépales dont les 3 intérieurs sont plus courts et tachés de vert. À droite, la nivéole de printemps possède une fleur blanche à 6 tépales de même longueur, tachés de vert ou jaune à leur extrémité.