Un léger recul des séjours en aire d’adhésion
Grâce aux données Flux Vision obtenues via l’agence de développement des Hautes-Alpes, un nouvel indicateur permet d’estimer le nombre de touristes qui séjournent sur l’aire d’adhésion du parc national. Ainsi, du 1er juin au 30 août 2025, ce sont 3,56 millions de nuitées qui ont été enregistrées dans les communes du massif, un chiffre en léger retrait par rapport à 2024 (- 2,8 %). Sans surprise, le mois d’août reste le mois dominant ; il cumule 45 % des nuitées de l’été.
Une hausse de la fréquentation sur les sentiers à nuancer
Grâce à ses 27 écocompteurs, le Parc national dispose de données fiables pour quantifier le nombre de randonneurs qui sillonnent les sentiers des Écrins. Pendant l’été 2025, les écocompteurs ont ainsi recensé + 21 % de passages par rapport à 2024. Comment expliquer cette hausse à priori spectaculaire ? Pierrick Navizet, chef du service accueil-communication, nous donne quelques indices : « Même si le début de saison a été un peu compliqué sur le GR54 du côté de Vallouise, il y a eu peu d’aléas climatiques pendant l’été, et donc peu de dégâts sur les sentiers. Contrairement à l’été 2024, les randonneurs ont pu emprunter les sentiers du parc sans interruption. » C’est donc le caractère exceptionnel de l’été 2024 qui influe sur cette évolution ; si l’on compare les chiffres de 2023 et de 2025, la fréquentation sur les sentiers est globalement stable (+ 0,86 %).
Stable à court terme, mais toujours à la baisse sur le long terme. Sur les six sites de référence dans le massif, les sentiers enregistrent une baisse régulière de la fréquentation depuis 20 ans ; entre 2006 et 2023, le nombre de visiteurs y a chuté de 14,4 %. Le classement des sites les plus fréquentés varie d’une année sur l’autre, mais ce sont globalement les mêmes lieux qui drainent le public : en 2025, c’est le pré de Madame Carle qui arrive en tête, suivi de la Gravière (Villar-d’Arène), de la Danchère, de Dormillouse et du lac de la Douche.
Vallée par vallée, la situation est hétérogène. Les sentiers empruntés par le GR54 ou menant à un lac, une destination qui reste attractive, ont été plus parcourus en 2025 : la fréquentation est en nette hausse à Valsenestre (+ 41 %), à la Gravière (+ 15 %), au lac du Lauzon (+ 22 %) ou sur le plateau du Taillefer (+ 8 %). À l’inverse, la fréquentation de certains sites, dans l’Embrunais notamment, est en berne (- 23 % dans le vallon du Rabioux, - 8 % aux Gourniers). Dans le Vénéon, si la fréquentation au lac du Lauvitel est revenue au niveau de 2023, le haut de la vallée est toujours affecté par les problèmes d’accès routier et les dégâts à La Bérarde.
Passer la nuit en montagne : une expérience qui a la cote
Au diapason d’une tendance observée dans tous les massifs français (source FFCAM), la fréquentation des refuges des Écrins est en forte augmentation par rapport à l’an dernier, notamment en Vallouise (+ 26 %), en haute Romanche (+ 21 %) et dans le Valgaudemar (+ 16 %). La hausse est particulièrement marquée pour les refuges de haute montagne, qui ont profité d’une forte dynamique en début et fin de saison, notamment avec le ski de printemps et l’alpinisme. La vallée du Vénéon, marquée par les crues de 2024 et la fermeture du refuge de la Lavey pour travaux, fait figure d’exception, avec une fréquentation faible des refuges.
Pendant l’été 2025, les travaux d’une stagiaire du Parc national et de l’université Grenoble Alpes (Refuges sentinelles) ont permis d’en apprendre plus sur le bivouac dans les Écrins. Sur le même modèle qu’un stage réalisé en 2021, elle s’est intéressée à cinq sites de bivouac populaires : le lac du Lauvitel, le lac de la Muzelle, Vallonpierre, l’Alpe de Villar-d’Arène et le lac Lauzon. Le constat est net : en quatre ans, la fréquentation a été multipliée par deux. Lors des pics d’affluence, jusqu’à 215 tentes par nuit ont été recensées au lac de la Muzelle, 107 au lac du Lauvitel (sachant que la zone de bivouac y est restreinte).
Parmi les faits marquants de cette étude, ce sont majoritairement les hommes qui bivouaquent (68 %), et cette pratique mélange à la fois nouveaux adeptes (25 %) et bivouaqueurs expérimentés (41 %). Le bivouac reste fortement lié à l’itinérance : 70 % des personnes dormant en tente réalisent un circuit d’au moins deux étapes. Au sujet des canaux d’information, le bouche-à-oreille est la principale source d’information des bivouaqueurs. Le rôle des réseaux sociaux est donc à relativiser (seulement 16 % des personnes interrogées ont connu le site de bivouac par ce biais), sauf au lac du Lauvitel (32 %) et au lac de la Muzelle (25 %). Enfin, si les aires de bivouac (deux en Oisans) sont globalement respectées, 41 % des tentes comptabilisées pendant l’étude ont été installées avant 19 heures, malgré la réglementation l’interdisant.
Une fréquentation stable dans les maisons du Parc
Les sept maisons du Parc et les quatre points d’accueil saisonniers sont des lieux d’information incontournables pour les visiteurs du parc national des Écrins. Entre le 1er juin et le 30 août 2025, plus de 91 500 personnes y ont été accueillies. Si ce chiffre est en légère baisse par rapport à 2024, le chiffre d’affaires des boutiques est lui meilleur que celui de l’été précédent. Globalement stable sur les dernières années, la fréquentation des lieux d’accueil du Parc est toutefois nuancée d’une vallée à l’autre. Alors qu’en 2025, une forte hausse de l’affluence a été constatée au point d’accueil du pré de Madame Carle ainsi qu’aux maisons du Parc de Vallouise et d’Entraigues, la fréquentation d’autres lieux est à la baisse, comme les maisons du Parc de Châteauroux-les-Alpes, de La Chapelle-en-Valgaudemar, et les points d’accueil du Casset et du Lautaret dont les horaires d’accueil étaient réduits en 2025.
Sensibilisation et surveillance : deux missions estivales importantes
Les parcs nationaux français se distinguent d’autres espaces naturels par la réglementation qui protège la faune, la flore et les milieux, en cœur de parc. Pour faire connaître ces richesses naturelles et inciter à les préserver, les actions de sensibilisation se multiplient l’été dans les vallées des Écrins : rendez-vous avec un agent du Parc dans les lieux les plus fréquentés, sorties accompagnées, projections-causeries, ateliers pour les enfants...
Pour sensibiliser les randonneurs au rôle des chiens de protection des troupeaux et aux bons comportements à adopter, quatre médiatrices pastorales ont arpenté les alpages des Écrins cet été. À la clé, près de 4 500 personnes sensibilisées, et des échanges toujours autant appréciés. Pour la première fois cette année, plusieurs communautés de communes du massif ont établi des cartes de présence des troupeaux, affichées sur le terrain ou sur leur site web, avec des retours plutôt positifs des visiteurs. Pour généraliser et uniformiser cette information, des réflexions sont en cours avec le Département des Hautes-Alpes, la DDT (Direction Départementale des Territoires) et la Région Auvergne-Rhône-Alpes qui a déjà déployé sa propre application mobile.
En Oisans, le chalet d’information de la Danchère a repris du service. Installé depuis 2021 sur le parking de départ de la randonnée vers le lac du Lauvitel, il est animé par les agents saisonniers du Parc national, avec l’appui d’agents de la communauté de communes de l’Oisans. En 2025, il a une nouvelle fois prouvé son utilité : entre juillet et août, près de 1 800 personnes ont été sensibilisées et 42 infractions ont été prévenues (randonneurs accompagnés d’un chien dans l’immense majorité). Nouveauté en 2025 : le Parc national a rejoint le dispositif de la Garde régionale forestière, impulsé et financé par la Région Sud. Deux jeunes gardes ont ainsi étoffé les rangs du personnel saisonnier de l’Embrunais dans la forêt de Boscodon, avec comme mission principale, la prévention du risque d’incendie aux abords des espaces naturels protégés. Pendant leurs deux mois de médiation, ils ont sensibilisé et répondu aux questions de plus de 3 000 personnes.
Si la sensibilisation et la pédagogie sont au cœur des missions des gardes-moniteurs, elles ne suffisent pas toujours à empêcher les infractions (chiens, feux, bivouac, déchets...). Celles-ci sont détectées grâce à des tournées de surveillance régulières et des journées de contrôles renforcées par l’OFB ou la Gendarmerie, et certaines d’entre elles donnent lieu à des contraventions. En 2025, le nombre de contraventions a été multiplié par quatre : 191 infractions ont fait l’objet d’un PV électronique entre mai et septembre, contre une cinquantaine les années précédentes. Plusieurs facteurs entrent en jeu, comme l’explique Samuel Sempé, directeur adjoint du Parc national : « Cette explosion du nombre de contraventions est l’effet conjugué d’une évolution des outils, de nouveaux publics en montagne, dont certains irrespectueux de la réglementation, et de la volonté de l’établissement de davantage constater les infractions pour enrayer ces comportements. »
Quelques pistes pour mieux gérer la fréquentation dans le bas Vénéon
Depuis quelques années, le lac Lauvitel et plus récemment celui de la Muzelle cristallisent les problèmes liés à la fréquentation (infractions, incivilités...). Pour dresser le bilan de l’été et évoquer les améliorations possibles, une réunion de travail a rassemblé en septembre les acteurs impliqués dans la gestion de la fréquentation (communes du Bourg-d’Oisans, des Deux-Alpes et de Saint-Christophe-en-Oisans, communauté de communes de l’Oisans, Oisans Tourisme, gardiens de refuge, secours en montagne, Gendarmerie et Parc national). Cinq pistes d’actions ont été identifiées :
- Améliorer l’information sur site en revoyant entièrement la signalétique, notamment entre la Danchère et le lac du Lauvitel : matérialisation de l’entrée en cœur de parc, tri et relocalisation des nombreux panneaux, priorisation des messages, meilleure matérialisation de la zone de bivouac.
- Perfectionner le dispositif de médiation : surveillance en binômes, meilleure coordination avec les médiateurs de la communauté de communes, présence accrue au lac de la Muzelle.
- Maintenir l’effort en matière de police en 2026 et mieux le partager avec les autres forces de police, avec une systématisation de la demande d’appui de la Gendarmerie dans les situations difficiles de contrôle.
- Mieux gérer et réguler les pratiques et les flux de visiteurs. Pour le bivouac, cela passera par une meilleure matérialisation et signalisation des zones voire à l’instauration de quotas. En matière de baignade, des travaux scientifiques sont en cours pour mesurer les effets sur les milieux et notamment sur la qualité d’eau avant d’envisager une régulation de cette pratique. Enfin, pour améliorer la gestion du stationnement à la Danchère, la commune envisage de rendre le stationnement payant, mais aussi de créer un parking de délestage aux Ougiers, le hameau en contrebas.
- Parfaire le suivi de la fréquentation : installation d’un écocompteur sur le sentier d’accès au lac de la Muzelle au printemps 2026, poursuite du suivi du bivouac et de la baignade sur les deux lacs pour voir si les mesures mises en œuvre ont des effets positifs.
Baignade dans les lacs de montagne : des impacts à approfondir
En place depuis deux étés, le projet PLOUF, coordonné par le réseau Lacs sentinelles, vise à mieux connaître le public qui fréquente les lacs de montagne et les éventuels effets de la baignade sur ces écosystèmes fragiles. Les premiers résultats des deux volets du projet, l’un sociologique, l’autre chimique, sont tombés cet automne.
Les enquêtes sociologiques ont mis en évidence une sur-représentation des catégories socioprofessionnelles supérieures dans le public qui fréquente les lacs. Si les « nouveaux publics » sont les plus visibles (du fait de leur méconnaissance de la réglementation ou du grand nombre de questions posées), ils sont minoritaires : seul 1,2 % des personnes interrogées fréquente la montagne depuis moins d’un an. La présence d’un lac reste un élément important voir incontournable dans le choix d’une randonnée (57 % des personnes interrogées). Au sujet de la fréquentation, moins de 20 % des randonneurs ressentent une gêne liée à l’affluence autour d’un lac, et moins de 1 % sont très gênés.
Du côté des analyses chimiques, certaines substances ont été détectées dans les zones de baignade, notamment des filtres UV présents dans les crèmes solaires. Mais comme il s’agit des tout premiers résultats, il est encore trop tôt pour établir si ces substances ont un impact délétère sur les lacs. Affaire à suivre cet hiver.
La plupart des études citées dans cet article sont réalisées dans le cadre du projet BiodvTourAlps (n°20140) financé par l'Union européenne dans le cadre du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) et du programme territorial de coopération transfrontalière Interreg VI-A France-Italie ALCOTRA 2021-2027.



