Petit bilan de santé du chamois dans les Écrins

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Chamois entre Roche Robert et Roche Colombe © C. Coursier - PNE
Considéré comme une espèce sentinelle dans les Écrins, le chamois est suivi de près par les équipes du Parc national afin de détecter d’éventuelles maladies émergentes. En complément de suivis visuels, des prélèvements sanguins sont réalisés à l’automne sur les chamois tués à la chasse des ACCA (associations communales de chasse agréées) du territoire. À la clé, des informations précieuses sur les pathologies qui circulent chez ces ongulés.

Des maladies aux conséquences réelles

Chamois atteint de kératite à Valestrèche © M. Corail - PNE Dans notre massif où le pastoralisme est très répandu, les contacts entre la faune sauvage et les troupeaux sont courants. De ce fait, les maladies des animaux domestiques n’épargnent malheureusement pas les ongulés sauvages, et réciproquement. Si la brucellose est la maladie la plus connue, d’autres pathologies comme la salmonellose, la chlamydiose ou la pestivirose peuvent également contaminer les chamois. Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée, nous en dit plus sur leurs conséquences : « Quand les maladies passent de la faune domestique à la faune sauvage, elles peuvent affecter durablement la dynamique des populations de chamois et de bouquetins. À l’inverse, un transfert de maladies de la faune sauvage vers les troupeaux peut entraîner de nombreuses répercussions économiques, comme l’abattage forcé de troupeaux, la contamination du lait interdisant la vente ou une baisse de la reproduction des animaux, voire même de santé publique. En effet, certains pathogènes sont transmissibles à l’homme. »

C’est donc pour détecter l’apparition de ces maladies le plus tôt possible et identifier les éventuels réservoirs de pathogènes au sein des populations de chamois des Écrins qu’un programme de surveillance sanitaire est déployé à l’échelle du parc.

Un taux de recrutement faible dans les Écrins

Garde-moniteur en suivi sanitaire chamois dans le vallon de Londonnière © D. Vincent - PNE Chaque année, trois campagnes de suivi visuel sont organisées à travers le massif. Ce sont en moyenne 2 000 chamois par an qui sont observés finement par les agents du Parc, à la longue vue ou aux jumelles, afin d’une part de détecter tout symptôme visible (atteinte oculaire, toux, boiterie, problèmes cutanés...) et d’autre part d’évaluer la structure de la population. D’après ces observations, il apparaît que 1,5 % des individus observés présentent des signes pouvant être reliés à diverses maladies.

Mais ce sont surtout les estimations des taux de reproduction (nombre de cabris moyen par femelle) et de recrutement (taux des jeunes survivant jusqu'à l'âge de première reproduction) qui semblent particulièrement faibles. Proche de 0,15, le taux de recrutement apparaît ainsi « à peine suffisant pour équilibrer la mortalité adulte et le prélèvement cynégétique », constate Michel Bouche, vétérinaire et technicien fraîchement retraité du Parc national.

La pestivirose comme explication possible

Prélèvement sanguin sur chamois abattu © R. Papet - PNE Autre action du suivi sanitaire de l’espèce, les agents du Parc ont réalisé à l’automne 2022 des prélèvements sanguins auprès de 22 chamois abattus dans les ACCA du Monêtier-les-Bains et d’Orcières. Ces prélèvements se font dans le sinus rétro-orbital des animaux, ce qui demande une certaine technicité… Les résultats de ce suivi sérologique montrent une évolution à la hausse de la pestivirose dans les populations de chamois des Écrins. Yoann Bunz nuance toutefois : « Cette pathologie est moins inquiétante pour les troupeaux domestiques que d’autres, comme la brucellose. Néanmoins, elle est susceptible de provoquer des avortements, de la mortalité néonatale et des retards de croissance. Cela pourrait expliquer la baisse du taux de reproduction chez les chamois et provoquer à terme un risque de baisse des effectifs. »

Ces résultats ont été présentés pendant l’été aux deux sociétés de chasse, début juillet à Orcières et fin août au Monêtier-les-Bains à l’occasion de l’assemblée générale de l’ACCA. Cet automne, ces deux ACCA seront de nouveau sollicitées pour des prélèvements sanguins. L’année prochaine, les prélèvements seront réalisés sur deux nouvelles ACCA du territoire où se posent des questions sur l’état de santé du chamois.