Le 23 mai dernier, une équipe de chercheurs se rend au chalet du Lauvitel par le GR 54 pour compléter l’inventaire de la réserve intégrale. Benoît Dodelin (coléoptériste) arrête le groupe composé d’Alice Michaud (arachnologue) , Jérôme Forêt et Régis Vuillot du Parc national des Ecrins.
Un champignon couvre une branche morte de saule. Phellinopsis conchata est un polypore assez fréquent qui décompose le bois mort.
Ce champignon accueille parfois le plus petit coléoptère d’Europe pour lequel il sert d’abri et de nourriture. Benoît sort sa loupe et Bingo ! découvre quelques individus de Baranowskiella ehnstromi cachés dans les pores du champignons.
Comment voir un animal aussi fin qu'un cheveu ?
Et voici toute l’équipe penchée sur le morceau de bois pour y observer le petit animal.
Il faut dire qu’il faut un peu de patience et de bons yeux pour ce coléoptère qui ne mesure que 0,46 mm de long, et qui est aussi large qu’un cheveu.
"Il est au top de la miniaturisation" comme l’explique Benoît. Avec Baranowskiella, on touche au « plus petit possible ». À tel point que les organes sont simplifiés à l’extrême avec par exemple un seul ovaire, l’absence de muscle stomacal, un système nerveux réduit, pas de trachée respiratoire… C’est la taille des réserves de l’oeuf qui impose la limite inférieure de taille pour les coléoptères. Seules quelques guèpes parasites arrivent à réduire encore plus leur taille corporelle (vers 0,3 mm) en supprimant ces réserves qui seront prises dans l’œuf parasité.
Baranowskiella a été découverte pour la première fois en Suède en 1988 mais n’a été décrite qu’en 1997. Jusqu’à présent, ce type de coléoptère n’était connu que de régions tropicales ! Sa découverte a aussi permis d’expliquer d’où provenaient les traces de découpe observées par les mycologues au fond des tubes de ce champignon : il s’agissait des traces de repas des Baranowskiella ayant mangé les spores.
En France, jusqu’à peu, Baranowskiella n’était connue que des départements de la Moselle au Haut-Rhin. En 2015, Benoît Dodelin, Bernard Rivoire et Rémy Saurat (mycologues) publient leurs découvertes en Isère (Chartreuse et Vercors) et dans le sud du Jura, venant ainsi préciser la distribution de cette espèce plus au sud. Depuis elle a aussi été trouvée en Île-de-France, près de Lyon et dans l’Ubaye. La découverte au Lauvitel est la première pour les Ecrins et constitue donc la seconde région la plus au sud de son aire de distribution connue à ce jour.
Voir la répartition de l'espèce sur le site de l'Inventaire national du patrimoine naturel
Plus d’information
- Dodelin B, Rivoire B, Saurat R (2015) Baranowskiella ehnstromi Sörensson, présent en France dans les Préalpes du nord et le sud du Jura (Coleoptera, Ptiliidae). Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon 84: 93–99.
Dodelin B. Saurat R., Rivoire B. (2019) Nouveautés chez Baranowskiella ehnstromi (Ptilidae) de 2015 à 2018.
En savoir plus sur la Réserve intégrale de Lauvitel : un outil scientifique
Lire aussi Coléoptères : charançons, scarabées, coccinelles...