On le sait, les mares, longtemps malmenées et asséchées, ont fortement décliné en France. Si les gestionnaires s'y intéressent aujourd'hui, mettant en œuvre la restauration ou même la création de ces milieux, il est apparu que leur biodiversité était encore mal connue et difficile à évaluer, car souvent réduite à la flore, les amphibiens et quelques groupes d'insectes comme les odonates (libellules).
C'est pourquoi des chercheurs se sont penchés sur les coléoptères aquatiques. Ces invertébrés offrent en effet une grande diversité d'espèces (près de 660) aux régimes alimentaires variés et colonisent de nombreux habitats. Ils sont souvent indicateurs des facteurs environnementaux et certains présentent de forts degrés de patrimonialité. Les chercheurs ont donc élaboré un indicateur composite, l'IcoCAM (Indicateur composite Coléoptères Aquatiques des Mares) et un protocole permettant de l'évaluer.
Cette méthode, si elle permet de mieux connaître la faune entomologique des mares, permet de mieux comprendre les peuplements de coléoptères aquatiques avec toutes leurs interactions. Avec l'appui d'autres indicateurs déjà existants, elle permet de mieux discerner le potentiel biologique de chaque mare et d'avoir un regard sur leur patrimonialité.
L'IcoCAM s'appuie sur 4 indices tels que la richesse en espèces de la mare, la rareté ou la spécialisation de certaines espèces, la richesse fonctionnelle de la mare (diversité des traits fonctionnels présente dans la communauté de coléoptères aquatiques).
En Rhône-Alpes, 105 mares ont bénéficié de ce suivi. Des prospections dans les mares du territoire du parc ne pouvaient qu'être la suite logique de ces études déjà menées.
Pendant 3 années, de 2019 à 2021, suivant le protocole mis en place, les agents du parc ont réalisé des prélèvements et renseigné des fiches de typologie de 15 mares, 4 en Isère et 11 dans les Hautes-Alpes, en lien avec cette méthodologie.
Les prélèvements ont été effectués deux fois par mare, l'une au printemps, l'une a l'automne, les espèces se succédant au fil des saisons. Les coléoptères aquatiques ont été déterminés par Rémy Saurat, expert entomologique (MyColéo) qui a fait l'analyse les résultats.
Récolte de coléoptères aquatiques au troubleau
Les résultats
31 espèces de coléoptères aquatiques ont été récoltés (adultes, la détermination des larves n'étant pas toujours possible).
3 espèces assez rares ont été identifiées, Dytiscus circumcinctus, Hydroporus foveolatus et Hydraena subimpressa ainsi que d'autres à distribution métropolitaine sporadique. La mare comprenant le plus d'espèces, neuf espèces, est une mare située sur la commune de Bourg- d'Oisans suivie de près par une mare sur Embrun et une sur Saint-Eusèbe-en-Champsaur (8 espèces).
Plusieurs mares ont pu ainsi être dotées d'un indice IcoCAM, qui est représenté sous forme de graphique radar. Les 4 indices composant l'IcoCAM sont représentés chacun par un axe constituant le graphique. Plus le graphique est déployé sur chaque axe, plus la mare présente un grand potentiel biologique.
Mare de Châteauroux-les-Alpes : seulement 5 taxons, donc une richesse spécifique peu élevée mais une rareté relative haute en raison de la présence d'une espèce remarquable : Halipus sibericus
Mare de Saint-Eusèbe-en-Champsaur : rareté relative haute en raison de la présence de deux espèces assez rares. Spécialisation des communautés élevée : traduit un cortège de coléoptères aquatiques observés en milieu riche en feuilles mortes et matière organique.
Cependant 8 mares, contenant moins de 5 espèces, n'ont pas été retenues pour les analyses IcoCAM, leurs résultats soumis à d'importantes fluctuations statistiques et donc non interprétables.
Les résultats pourraient paraître décevants mais apportent des informations écologiques nécessaires pour accéder à une classification des mares à l'échelle régionale. Il est plus facile, pour une meilleure gestion et pour des enjeux de conservation, de pouvoir s'appuyer sur un référentiel où sont identifiées plusieurs gammes de mares. D'autres mares pourraient être étudiées encore afin d'améliorer la robustesse du suivi IcoCAM.
Les coléoptères aquatiques
Les coléoptères aquatiques sont des insectes holométaboles : leur cycle comporte une métamorphose complète, passant d'une larve à l'état de nymphe puis d'adulte. Sur les 660 espèces de la faune française, 450 sont entièrement aquatiques, c'est-à-dire que tous les stades de vie se font dans l'eau, les autres passant une partie de leur vie sur terre.
Ils ont conservé une respiration aérienne et doivent remonter à la surface faire des réserves d'air. Certains sont d’excellents nageurs, comme les dytiques, d'autres plutôt marcheurs et s'agrippant aux plantes aquatiques. La plupart des larves sont carnivores alors que chez les adultes les régimes alimentaires sont diversifiés selon les familles.
Malgré cette vie aquatique, la plupart des adultes peuvent voler et ainsi coloniser de nouveaux sites si les conditions locales se dégradent. Ils sont en effet assez exigeant et ne vivent pour certains que dans des conditions particulières.