Un raticide à l’origine de la mort d’un grand duc

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Fin 2021, c’est un hibou grand duc très affaibli que les gardes-moniteurs de l’Embrunais ont récupéré à Prunières. Mort après sa prise en charge, ce rapace protégé a été victime d’un empoisonnement indirect par des produits raticides. Nous appelons chacun à utiliser avec la plus grande modération ces produits qui n’affectent pas uniquement les rongeurs mais la chaîne alimentaire dans sa totalité...

Grand duc d'Europe © P. Saulay - PNE

Un sauvetage au dénouement malheureux

Dans le cadre de leurs missions, les gardes-moniteurs peuvent être appelés à récupérer des animaux sauvages blessés ou morts, en particulier lorsqu’il s’agit d’espèces protégées. Olivier Lefrançois, agent du Parc dans l’Embrunais, explique : « Ce genre de prise en charge arrive assez souvent. Quand l’animal est blessé, on s’arrange pour le transférer au centre de soins Aquila. En fonction de son état, il est soigné ou euthanasié. » En décembre 2021, Olivier et ses collègues ont été appelés à Prunières pour récupérer un hibou grand duc, une espèce protégée. Olivier raconte : « Il nous a tout de suite paru très léger, il n’avait pas du tout le poids d’un oiseau de ce gabarit-là. Avec l’aide d’un réseau de bénévoles, nous l’avons transféré au centre Aquila. Mais il est malheureusement mort en cours de route car il était trop faible. »

Prise en charge d'un rapace au centre Aquila © D. Vincent - PNE

Prise en charge d'un rapace au centre de soins pour la faune sauvage Aquila

Autopsie et analyses pour déterminer la cause de la mort

Dans ce cas de figure, le protocole classique prévoit une autopsie de l’animal. Comme l’explique Yoann Bunz, chargé de mission faune au Parc national, « toute espèce patrimoniale ou tout individu dont la mort paraît suspecte fait automatiquement l’objet d’une autopsie au laboratoire vétérinaire des Hautes-Alpes. On cherche à savoir si l’animal est mort naturellement, s’il a été empoisonné ou s’il est porteur d’une maladie émergente dans le parc national. Dans ce dernier cas, la mortalité d’animaux peut servir de signal d’alarme. » Concernant le grand duc de Prunières, l’autopsie n’a pas pu prouver d’autres raisons à sa mort que sa grande faiblesse et l’épuisement de ses réserves de graisse.

Pour aller plus loin, des analyses toxicologiques ont été réalisées dans un laboratoire lyonnais. Les résultats sont tombés fin 2022 : le hibou est mort empoisonné par ingestion de produits raticides.

Grand duc d'Europe © P. Saulay - PNE

De potentiels empoisonnements en cascade

Ce cas n’est malheureusement pas rare. Comme l’explique Olivier Lefrançois, « les produits destinés à l’éradication des petits rongeurs peuvent se retrouver dans toute la chaîne alimentaire. Certes, la souris en mourra peut-être, mais elle pourra ensuite être consommée par un renard, un rapace... C’est toute une chaîne alimentaire qui est alors empoisonnée indirectement, avec un phénomène d'accumulation pour le prédateur qui consomme de nombreuses proies. En utilisant ce type de poisons dans la nature et même en intérieur, on peut potentiellement détruire des espèces protégées comme ça a été le cas à Prunières. Celui-là est un cas parmi tant d'autres, il y a beaucoup d'animaux qui connaissent le même sort et que l'on ne retrouve pas. »

Les produits raticides doivent donc être utilisés avec la plus grande modération. Des alternatives comme le piégeage existent !