A 3 650 m d'altitude, en bordure occidentale du glacier Carré, une magnifique plante s'épanouit malgré la rudesse des lieux : il s'agit de la renoncule des glaciers (Ranunculus glacialis) – laquelle n'a jamais aussi bien porté son nom que localement !
Depuis 2015, le Parc national cherche à comprendre un peu mieux les conditions locales dans lesquelles vit cette espèce.
En plaçant à leur niveau des capteurs mesurant la température et la quantité de lumière reçue, il est possible de suivre les fluctuations d'enneigement et de températures nécessaires au cycle de vie de la plante.
Un "yoyo" thermique pour les indigènes du glacier Carré
"Les capteurs ont ainsi été placés en surface, à hauteur des fleurs, c'est à dire à environ 5 cm du sol. Les températures relevées ne traduisent donc pas les températures de l'air ambiant qui habituellement nous intéressent, mais bien celles que vit la plante " ajoute Cédric Dentant, botaniste au Parc national des Ecrins, à l'initiative de ce programme d'étude menée sur les plantes d'altitude. "Et les premiers résultats sont déjà riches d'information !" s'enthousiame cet amoureux des plantes et des sommets.
"Ainsi, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, les températures ne descendent pas à des niveaux extrêmes : le minima enregistré est de - 12°C en décembre 2016 et ce, en raison de l'absence de neige. Cette dernière est en effet un excellent isolant thermique : lorsque le manteau neigeux est d'épaisseur suffisante, la température reste autour de 0°C."
Les bourgeons de la plante restent ainsi à l'abri du gel pendant la période critique de l'hiver.
Les mesures montrent toutefois qu'en hiver 2016 et au printemps 2017, l'épaisseur de neige était trop faible pour que les températures restent stables (oscillation entre 0° et -7°C).
Hors enneigement, les amplitudes thermiques journalières vécues par les plantes à cette altitude sont bien plus importantes qu'on ne pourrait penser.
Par exemple, une amplitude thermique de +36° a été enregistrée le 7 août 2015 (+3°C à 7h du matin, +39°C à 14h). Et encore, l'exposition sud limite quelque peu ces amplitudes.
La renoncule du glacier Carré est en pleine forme
Sur le glacier Noir, une amplitude de +50°C a été mesurée pour une population de saxifrage fausse-mousse ! On trouve les mêmes amplitudes dans le désert du Sahara ! La différence est que, dans nos montagnes, ce type de "yoyo" thermique est saisonnier (principalement en août). Et les plantes de haute montagne y sont remarquablement adaptées.
Toutes ces mesures localisées (couverture neigeuse, températures maximales enregistrées, amplitudes maximales) permettent de mieux comprendre ce que vit la biodiversité d'altitude face aux changements climatiques. Et pour le coup, la renoncule du glacier Carré se porte à merveille. Depuis sa découverte il y a quelques années, la floraison de 2017 est assurément la plus spectaculaire.
Contrairement aux alpinistes qui ne font que poser leurs fesses le temps de mettre les crampons, la renoncule des glaciers, elle, reste à demeure au bord du précipice !
En somme, une petite fleur bien plus résistante que le plus résistant des humains.
Des renoncules sur la vire Amieux, en face nord de La Meije.
Et quelques échantillons de déchets ramassés sur la Meije à l'occasion du relevé des capteurs, et redescendus dans la vallée...