Une nouvelle espèce de mammifères pour le parc national des Ecrins

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Musaraigne étrusque - photo Francesco Grazioli and Andrea Santandrea
Le pachyure étrusque, une toute petite musaraigne insectivore, habituellement cantonnée au bassin méditerranéen, a été découvert sur deux sites différents de l'Embrunais. C'est l'un des plus petits mammifères au monde et sa présence à cette altitude est une nouveauté… voire un record.

C'est au mois de février qu'un premier individu a été trouvé par Damien Combrisson, garde-moniteur au Parc national des Ecrins, dans la cave d'une maison située sur la commune de Châteauroux-les-Alpes à 1100 mètres d'altitude, ce qui pourrait constituer le record d'altitude pour cette espèce en France !

Moins de deux semaines plus tard, une seconde musaraigne est trouvée dans une maison d'Embrun, à 1000 mètres d'altitude, par Michel Bouche, technicien du secteur de l'Embrunais.

Trop discret ou nouveau venu ?

L'étude de la dentition du premier spécimen permet de déterminer rapidement un pachyure étrusque. Les deux individus sont rapidement envoyés à Patrick Bayle, membre du conseil scientifique du Parc national des Calanques. Spécialiste reconnu notamment dans l'étude des restes osseux issus des pelotes de réjection, il confirme la détermination.

Musaraigne étrusque - photo Francesco Grazioli and Andrea Santandrea

« La difficulté de repérer le pachyure étrusque est évidement liée à sa petite taille » précise Damien Combrisson.  

« Dans les pelotes de réjection des rapaces, les restes osseux peuvent être altérés ou fortement dégradés. En tout cas,  la présence du pachyure souligne une nouvelle fois le formidable corridor écologique formé par la Durance qui permet de relier la faune de la Méditerranée à celle de la haute montagne. »

Parmi les animaux, le groupe des mammifères est réputé particulièrement bien connu. Aussi, la découverte du pachyure étrusque (Suncus etruscus) ou musaraigne étrusque, dans l'Embrunais, sur les communes de Châteauroux-les-Alpes et d'Embrun, est-elle particulièrement intéressante à relever (voir aussi l'encadré en pied d'article).

Musaraigne étrusque - photo Francesco Grazioli and Andrea Santandrea Trouver des images de ce micromammifère n'est pas simple non plus. Celles que nous utilisons dans cet article ont été réalisées par  Francesco Grazioli et Andrea Santandrea (droits réservés) qui nous ont autorisé à les utiliser gracieusement pour notre site internet. Nous les en remercions. En Romagne, la région d'Italie où ils habitent, cette musaraigne est répandue mais reste insaississable du fait de sa petite taille.
Une galerie d'images plus complète peut être visualisée sur leur site internet

Le plus petit mammifère au monde

Musaraigne étrusque - photo Francesco Grazioli and Andrea Santandrea  Le pachyure partage avec la chauve-souris bourdon de Thaïlande (Craseonycteris thonglongyai) la caractéristique d'être le plus petit et le plus léger mammifère connu au monde. La taille de ce lilliputien est compris entre 35 et 52 mm pour un poids qui n'excède pas 2,5 grammes au maximum.

L'aire de répartition du pachyure étrusque couvre le nord de l'Afrique, le sud de l'Europe et se prolonge en Asie jusqu'au sous-continent indien et au Yunnan en Chine (Wilson & Reeder, 1993). En France, elle est actuellement cantonnée à la zone méditerranéenne, remontant vers le nord les vallées de la Garonne et du Rhône (Fons, 1985). L'espèce n'avait jamais été observée auparavant dans les Hautes-Alpes.

L'apparence de ce micro-mammifère insectivore apparaît fort sympathique. Des yeux minuscules, de grandes oreilles roses et bien dégagées, une robe couleur gris souris sur le dos, un abdomen gris clair à blanc sale ainsi qu'un museau allongé sur lequel s'insèrent les moustaches qui s'affine et se termine par un groin où viennnent se loger les narines.

pachyure etrusque - © P. Orsini/Muséum Toulon Var

 

 

L'activité du pachyure se déroule essentiellement la nuit. Son odorat joue un rôle actif dans les déplacements et la recherche des proies.

D'un appétit féroce, la musaraigne étrusque mange chaque jour l'équivalent de deux fois son poids pour entretenir son métabolisme corporel si particulier lié à la miniaturisation extrême de l'animal. Ainsi, le rythme cardiaque est de 1200 battements par minute contre 70 battements chez l'homme au repos. A échelle comparable, le cœur est trois fois plus gros que celui de l'homme et permet d'entretenir un réseau élevé de globules rouges. Avec un tel rythme, le pachyure ne dort que deux heures par jour et ne vit que 16 mois en milieu naturel.

Un spécimen naturalisé peut être vu au Muséum d'histoire naturelle de Toulon et du Var (voir la photo ci-dessus, prise par Philippe Orsini, son ancien conservateur)

Ecoutez la Chronique nature sur la Musaraigne étrusque, enregistrée par la RAM avec Damien Combrisson, à la suite de cette découverte.

Lire aussi les informations rassemblées sur la musaraigne étrusque sur wikipedia
Un bel article sur cette espèce, dans "La Hulotte"  n° 100 (pp. 26-46) : "Deux grammes : la vie fabuleuse du  plus petit mammifère du monde", à consulter au centre de documentation du Parc national des Ecrins.

La connaissance, en évolution constante

La connaissance des espèces de faune et de flore occupant un territoire n'est jamais complète.

L'état des lieux des espèces en place correspond à une photographie qui permet de figer la dynamique et les processus d'évolution en cours dans un environnement naturel. Aussi, l'observation d'une nouvelle espèce dans un territoire donné peut être directement liée à un phénomène de colonisation naturelle (extension de l'aire de répartition) ou artificielle (introduction d'espèce par l'homme).

En dehors de ces évolutions constantes qui sont en jeu dans les milieux naturels, certains groupes taxonomiques sont moins bien connus que d'autres, du fait notamment des difficultés de détermination des espèces au sein de ces groupes.

Les gastéropodes pulmonés terrestres (le groupe des escargots et limaces) illustrent parfaitement les difficultés à acquérir des connaissances puisqu'une partie des identifications se fait par l'analyse de l'appareil génital des individus sous le microscope ou la loupe binoculaire.

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Enfin, le déploiement des nouvelles technologies portant notamment sur l'analyse génétique permet également d'enrichir les connaissances locales. Ce fut le cas pour le mulot alpestre (Apodemus alpicola) et la musaraigne du Valais (Sorex antinorii) dont les études génétiques conduites par Jean-Pierre Quéré du centre de biologie et de gestion des populations de Montpellier ont permis de révéler leur présence dans le parc national des Écrins en 2007.

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Pour en savoir plus, lire aussi Les observations du Parc national sont en ligne