Les exotiques envahissantes

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arbre à papillons - M.Coulon - Parc national des Ecrins
Souvent jolies, parfois discrètes, elles se fondent dans le décor. Pourtant l'impact est réel et rapide, signant l'élimination des plantes autochtones. Difficile d'aller contre leur nature. Chacun de nous peut néanmoins apprendre à les reconnaître … et éviter d'en planter dans son jardin.

arbre à papillons - B.Nicollet - Parc national des Ecrins

Elles sont si jolies... La renouée de Bohême ou celle du Japon, l'arbre à papillons, l'ailante... Venues principalement d'Amérique et d'Asie, ces belles plantes exotiques, naturelles et pacifiques dans leur pays d'origine, deviennent de réelles exterminatrices une fois implantées ailleurs. Avec l’augmentation des déplacements humains et des échanges au XXème siècle, le rythme d’introductions de nouvelles espèces n’a pas cessé de croître en France et en Europe.

Qu’elles aient été introduites volontairement (pour l’agriculture, l’horticulture) ou de manière involontaire, ces espèces exotiques ne connaissent pas toutes le même destin. Au final, peu d’entre elles s’implantent dans la flore locale et une très faible proportion (1 % environ) finit par devenir envahissante.

Quand tel est le cas, leur prolifération dans des milieux naturels ou semi-naturels peut constituer une menace sur les écosystèmes et les espèces indigènes, avec des conséquences écologiques, économiques ou sanitaires négatives.

Un réseau de veille

Un agent du Parc national des Ecrins relève une station de solidage du Canada au bord de la Bonne -© Parc national des Écrins Un état des lieux est réalisé par les agents du Parc national sur le territoire des Ecrins pour repérer les zones de présence de ces espèces. C'est aussi grâce aux randonneurs et aux amoureux de la montagne qu'à ce jour on a une idée plus ou moins précise de la dispersion de ces "EEE" pour Espèces Exotiques Envahissantes Toutes les opportunités de repérer les invasives sont utiles.

Du côté de L'Argentière-la-Bessée et de Vallouise, en 2016, deux stagiaires en BTS GPN, ont réalisé un travail d’inventaire précis. A Montpellier où ils étaient étudiants, Thibaut Favier et Declan Mosdan, avaient l'habitude de croiser ces invasives de façon beaucoup plus massive. "Le climat sec des Hautes-Alpes les contient encore et les empêche de se propager".

Pour autant, en prospectant notamment les bords de rivières et quelques affluents, ils ont trouvé quelques foyers de belles vivaces envahissantes... En Oisans et en Valbonnais, des prospections spécifiques visent notamment à repérer l'arrivée de l'ambroisie, sujet de santé publique. Dès qu’il est encore possible d’agir (situation de « front »), les plantes sont arrachées manuellement. Lorsque nécessaire, les services techniques des collectivités locales sont également alertes et mis à contribution.  

Bunis d'orient - © M.Corail - Parc national des Ecrins renouée du Japon - La Chapelle en Valgaudemar- © O.Warluzelle - Parc national des Ecrins
Bunis d'Orient dans le Champsaur et renouée du Japon dans le Valgaudemar

Une propagation "efficace" et un impact sur la chaîne alimentaire

On trouve fréquemment ces espèces en zones humides, dans des sites récemment perturbés comme les zones de construction, les talus ou encore les friches laissées par d'anciennes exploitations agricoles. La propagation rapide de ces végétaux s'explique souvent par des systèmes racinaires composés de rhizomes, des tiges souterraines plus ou moins longues qui émettent chaque année des racines et des tiges aériennes. Elles gagnent ainsi en efficacité et en vitesse sur les espèces autochtones, s'approprient leurs habitats avec un impact direct sur toute la flore... et donc la faune d'un secteur. Les répercussions sont visibles sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. De par leur tempérament, ces plantes préfèrent les zones de transition (bordures de routes ou de zones humides). Elles ont donc un impact non pas sur une chaîne alimentaire mais sur plusieurs : c'est ce qu'on appelle un réseau trophique, soit plusieurs chaînes alimentaires reliées entre différents écosystèmes.
De plus, souvent surabondants, ces végétaux créent un trop plein de matière organique que les décomposeurs ne parviennent plus à gérer dans sa totalité. Dans le cas d'une zone humide, c'est ce que l'on appelle l'eutrophie : les eaux enrichies en matières organiques sont le siège d'une prolifération végétale et bactérienne qui entraîne une désoxygénation de l'eau... et l'extinction de toute vie.

Que faire ?

Les plantes exotiques envahissantes profitent des perturbations brutales sur les milieux comme les coupures à blanc, les drainages ou encore les mises en jachère sans entretien.

Ambroisie © C.Coursier - Parc national des Ecrins Plusieurs conventions internationales, la réglementation européenne ainsi qu'une stratégie nationale prennent en compte la problématique des espèces exotiques envahissantes (prévention, interventions, communication...)

Les Départements et certaines collectivités mènent des actions pour tenter d'éradiquer les invasives les plus gênantes, comme l'ambroisie dont le pollen est particulièrement allergène.

A plus petite échelle, de simples gestes "citoyens" peuvent contribuer à la réduction ou éviter la contamination par ces plantes envahissantes.

Détermination plantes envahissantes Oisans - oct 2017 © Parc national des Écrins
En octobre 2017, en Oisans et en Valbonnais, séance de détermination avant des prospections à la recherche des plantes envahissantes.

Pour commencer, il faut apprendre à reconnaître ces plantes, éviter de les acheter ou de les planter. On peut aussi en arracher lorsqu'on les aperçoit mais il faut se renseigner sur le meilleur moyen de les enlever, de les stocker et, éventuellement, les remplacer par des espèces indigènes.

En tout cas, il est primordial de ne pas jeter les pieds arrachés dans la nature. Ces plantes étant très coriaces, elles repartiraient et créeraient de nouvelles stations sauvages. Les agents des différents secteurs du Parc national peuvent être vos interlocuteurs pour vous aider à reconnaître une invasive. Si chacun prend conscience du risque, il peut ainsi agir aux côtés des collectivités. Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour la biodiversité !

Pour en savoir plus :

Espèces exotiques envahissantes

www.ambroisie.info

Plante envahissante ?

On appelle plante invasive ou envahissante, une plante exotique introduite par l’homme (volontairement ou non) en dehors de son aire géographique naturelle. Grâce à ses propres capacités de reproduction, elle envahit son milieu d’accueil au détriment des espèces locales et provoque ainsi d’importants dérèglements écologiques. L’introduction d’espèces exotiques envahissantes est l’une des causes majeures d’atteinte à la biodiversité au niveau international. Le risque est particulièrement marqué dans les milieux insulaires. Il existe une “stratégie nationale” (mars 2017) relative à ces espèces qui vise à protéger les écosystèmes.

Ailante - ©  Bernard Nicollet - Parc national des Ecrins Parmi les 37 espèces recensés sur la liste européenne, on peut signaler notamment :

  • le solidage géant (Solidago gigantea),
  • l'aster à feuilles de saule (Symphyotrichum x salignum),
  • l'arbre à papillon (Buddleja davidii),
  • l’impatiente de l’Himalaya (Impatiens glandulifera)
  • l'ambroisie à feuille d'armoise (Ambrosia artemisiifolia),
  • le bunis d'Orient (Bunias orientalis)
  • la renouée de Bohême (Reynoutria x bohemica)
  • la renouée du Japon ((Reynoutria japonica)
  • l'ailante (Ailanthus altissima) => photo à droite
    ...

Eradications localisées

La renouée du Japon est une grande herbacée très vigoureuse de 1 à 3 m de haut, aux tiges rougeâtres. Originaire d’Asie, elle est introduite en Europe au milieu du XIXème comme plante ornementale, mellifère et fixatrice de dunes. Vous l’avez certainement rencontrée sur les rives d’un cours d’eau ou dans une zone un peu humide, milieux qu’elle affectionne particulièrement et où elle s’épanouit en larges fourrés denses.

Dans le Valgaudemar, la renouée du Japon se développe de manière importante le long des berges de la Séveraisse, favorisée par les crues. En 2011, dans le cadre d'un projet européen, le Département des Hautes-Alpes a tenté d'éliminer l'invasive. Sans succès. Parallèlement, une action a été menée sur un massif de renouée du Japon situé près de la Maison du parc de La Chapelle-en-Valgaudemar.

action contre renouée du Japon - La Chapelle en Valgaudemar 2012 - © Parc national des Ecrins

Après la coupe des premières pousses de printemps, une bâche plastique noire a été mise en place en vue de priver la plante de lumière. Celle-ci était soulevée tous les 15 jours pour couper les repousses, puis enlevée avant les premières neiges pour être installée à nouveau au printemps suivant. Les repousses coupées étaient stockées et séchées sur des palettes puis brûlées. Une opération réalisée sur plusieurs années en vue de l'éradication progressive de la plante sur ce site. Résistante, la renouée avait tendance à vouloir ressortir par les côtés de la bâche ! La dernière étape, très efficace, a été de planter du trèfle pour finir d'étouffer la plante. Une action réussie mais qui ne peut être que très localisée.

Une opération de ce type est en cours au Guillard (commune d’Ornon) : ce chantier d’élimination d’une station isolée de renouée (natura 2000 et contrat de rivière) a pour objectif d'éviter la contamination du bassin versant de la Lignarre.

renouée du Japon © Lucille de lacour © Natura 2000 Pose de la bache - elimination renouée du Japon - Ornon - © L.Vuinée - Parc national des Écrins
Pour en savoir plus : Chantier d'élimination d'une plante invasive à Ornon

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