Mustélidés... où êtes vous cachés ?

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Hormis l'hermine qui, dans sa virginité hivernale, recueille l'affection des montagnards, les petits carnivores de cette famille ne sont généralement pas très populaires...

Rencontre avec les six espèces encore présentes dans les Écrins.

Méconnus voire méprisés, les mustélidés forment une famille difficile à caractériser. Qu'ont-il en commun ? Un corps allongé, des pattes courtes et des glandes qui peuvent dégager une forte odeur. Ce sont tous des carnivores, plutôt petits mais de tailles variées avec des régimes alimentaires divers et un milieu de vie sans grande spécificité.

Leur discrétion est sans doute leur principale particularité. Elle est liée à leurs mœurs souvent nocturnes. C'est essentiellement pour cette raison que « leur répartition, souvent discontinue, reste mal connue » souligne Sandrine Ruette. Ingénieure de recherche à l'Office national de chasse et de la faune sauvage (ONCFS), elle fait partie de l'équipe chargée d'en savoir un peu plus sur les petits carnivores et l'évolution de leurs effectifs. "Un système de « carnets de bords » a été mis en place pour récolter toutes les observations faites par les agents l'ONCFS . Que ce soit pour des animaux vivants, observés de façon fortuite, ou morts lors de collisions routières, ce sont au moins des indices de présence qui sont ainsi recueillis".

Au fil des années, ces informations cartographiées donnent une tendance de l'évolution des espèces les plus contactées même si on ne peut pas vraiment en déduire leur répartition précise.

"Au Parc national des Écrins, nous enregistrons également ce type d'information dans notre base de données" indique Gilles Farny, chargé du suivi de la faune. C'est ainsi que l'on peut confirmer la présence de six espèces de mustélidés dans les Écrins : le blaireau, la martre, la fouine, l'hermine, la belette et le putois.

Pour certaine espèces spécialistes, on peut relier leur présence à l'évolution de leurs proies : la belette et le campagnol des champs ou l'hermine et le campagnol terrestre. Les observations pourront être plus fréquentes en cas de pullulation de ces rongeurs... et diminuer fortement lorsque les populations de leurs proies s'effondrent. Les autres mustélidés, généralistes voire opportunistes, s'adaptent...

Ce dossier a été publié dans l'Écho des Écrins n°34, le journal du Parc national du printemps 2011. Télécharger ce numéro.

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Les illustrations ont été réalisées par Jean Chevallier pour le tome 1 de l'Atlas des vertébrés "Faune sauvage des Alpes et du Dauphiné" co-édité par le Parc national des Écrins et le CRAVE (Centre de recherche alpin sur les vertébrés).

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Le Blaireau

2011-11-blaireau-J-ChevallierLe blaireau est le plus grand des mustélidés de France. Les mâles, à l'orée de l'hiver, peuvent peser jusqu'à 20 kg. Le maquillage noir et blanc de sa tête le rend facilement reconnaissable, encore faut-il le rencontrer ! Son mode de vie nocturne le rend discret à nos yeux. Il passe une grande partie de sa vie dans des terriers, faits de galeries profondes et complexes, qu'il creuse avec ses griffes. Ses sorties nocturnes sont dévolues à la recherche de nourriture. C'est un opportuniste : il se nourrit d'invertébrés (insectes, vers de terre...), de batraciens, de petits mammifères et de beaucoup de végétaux (fruits, céréales, légumes). Le blaireau peut vivre seul ou en groupe et accepte de partager ses galeries avec des renards ou des lapins. Certains terriers pourraient être habités depuis plusieurs dizaines d'années...

Le blaireau a connu des périodes difficiles notamment lorsque les terriers étaient gazés pour lutter contre la propagation de la rage. Il semble que les populations se soient aujourd'hui reconstituées. En France, il n'est plus classé parmi les espèces nuisibles depuis 1988 mais reste chassable. Dans les Ecrins, on peut l'observer en fond de vallée jusqu'à 1600 m d'altitude bien qu'il ait été observé plus haut et parfois en alpage.

L'hermine et la belette

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Deux espèces assez proches, bien que l'hermine (à gauche) soit 2 à 3 fois plus grande que la belette (à droite) qui est le plus petit des mammifères carnassiers d'Europe.

Toutes deux sont partiellement diurnes et particulièrement vives et agiles. Semblables à des anguilles, elles ondulent en souplesse, explorant leur univers à la recherche de petits rongeurs. La belette a une queue plus courte que l'hermine. Sa (toute) petite taille lui permet de se faufiler dans les passages de moins de 3 cm de diamètre...

En été, leur pelage à toutes deux est fauve dessus - blanc dessous, mais les choses sont bien différentes en hiver... L'hermine change de livrée et devient toute blanche, à l'exception d'un plumeau noir au bout de sa queue, assorti aux 3 boutons noirs formés de ses yeux et de sa truffe. C'est par ce critère qu'elle est facile à différencier de la belette. A noter pourtant, que la belette devient blanche en hiver, uniquement dans le nord de l'Europe. D'où son nom latin Mustela nivalis (neige en latin).

D'autre part, la belette ne fréquente guère les altitudes supérieures à 2 300 m, préférant les milieux boisés. Au contraire, l'hermine n'a pas été observée à moins de 800 m d'altitude, mais jusqu'à 3 222 m, au col de la Temple. Elle affectionne les landes, pierriers et éboulis et n'est pas présente dans les secteurs soumis à l'influence méditerranéenne.

Ces deux espèces sont classées parmi les gibiers que l'on peut chasser... mais ne le sont que très rarement. La belette fait également partie des espèces susceptibles d'être classées nuisibles.

La martre et la fouine

Ces deux espèces sont difficiles à différencier tant elles se ressemblent. Même mode de vie nocturne, même type d'alimentation, morphologies proches.

2011-11-fouineLa fouine (ci-contre à gauche) vit cependant le plus souvent à proximité des villages et s'attaque plus fréquemment aux poulaillers. C'est pour cette prédation domestique et pour les dégâts qu'elle peut causer notamment dans l'isolation des maisons qu'elle est classée nuisible dans certains départements dont les Hautes-Alpes (à moins de 250 m des habitations) et l'Isère (totalité du département).

Bien que carnivores, martre et fouine adaptent leur régime alimentaire aux disponibilités du moment. En été et en automne, leurs crottes pleines de graines et de restes d'insectes laissées au beau milieu des sentiers trahissent leur goût pour les fruits sauvages et les insectes. L'hiver, le poil des rongeurs consommés en grand nombre les remplace.

Toutes deux sont fines et allongées, couvertes de pelage brun, plus clair sur la tête. La différenciation entre les deux espèces se fait sur la forme et la couleur du plastron, celui de la fouine descend sur les pattes avant alors que la bavette se temine en pointe au milieu du poitrail chez la martre et présente en général une couleur orangée.

2011-11-martreLa robe de la martre (à droite), d'aspect soyeux et dense, est brun chocolat, celle de la fouine d'un brun grisâtre ; le dessous des pattes de la martre est couvert de poils, contrairement à celui de la fouine... Ce dernier caractère est bien difficile à voir lors d'une observation furtive.

Par ailleurs, la martre est plutôt forestière alors que la fouine fréquente volontiers les vergers, les parcs et jardins, les villages et même les villes.

Le putois

2011-11-putoisEn voilà un qui a bien mauvaise réputation... Ce mustélidé voisin du vison d'Europe (de 0,5 à 1,5 kg), surnommé « puant », la doit aux glandes qu'il possède sous la queue qui libère une odeur désagréable en cas de douleur ou de peur intense, notamment lorsqu'il est capturé. Son pelage brun roux est plus foncé sur les pattes et la queue. Sa tête arrondie porte un masque noir et blanc contrasté.

Originaire des steppes, il vit dans les milieux ouverts, les cultures et les prés bordés de haies, non loin de l'eau : rivières, marais, étangs,... C'est un excellent nageur. Le putois est un carnivore costaud qui s'attaque aux lapins, aux rats noirs, aux surmulots et aux rats musqués. C'est également un mangeur de grenouilles, de fruits, d'oeufs et d'oiseaux.

Ses effectifs semblent en baisse, notamment du fait de la destruction des zones humides.

Cet animal nocturne et très discret, peu abondant dans la région, a été observé sur les rives du Drac et de la Durance, et n'a que très rarement été vu à plus de 1000 m d'altitude.

Le furet, version domestique du putois, était déjà un animal de compagnie dans la Grèce antique (bien avant le chat !). On l'élevait aussi pour la chasse au lapin. Bien qu'incapable de retrouver son chemin tout seul à l'extérieur, il conserve les caractères d'un animal sauvage et reste difficile à éduquer.

Et la loutre... reviendra t-elle ?

2011-11-loutreCorps fuselé, souple et musclé, poil hydrofuge, oreilles courtes, pattes palmées... L'adaptation de la loutre à la vie aquatique est idéale. Ce prédateur nocturne et discret ne trahit souvent sa présence qu'à travers quelques indices de repas ou de passage. La loutre pèse de 6 à 12 kg, est couverte d'une fourrure isolante à double épaisseur, brune sur le dos, blanche sous la gorge et grise sous le ventre.

Elle se plait dans toutes sortes de milieux aquatiques : rivières, lacs, marais, bords de mer... Cette championne de plongée peut obturer ses oreilles et ses narines sous l'eau. Sa nourriture favorite, le poisson, fut la raison de sa destruction. Le « loutrier », métier aujourd'hui disparu, se chargeait de la besogne. Au début du 20e siècle, une prime fort attractive fut même accordée à qui rapportait des peaux de loutres aux autorités.

Autrefois très commune partout, elle subsiste dans la partie Ouest de la France et tend à reconquérir ses anciens territoires, remontant les cours d'eau. Elle a été capturée en 1950 dans le Valgaudemar, jusque dans les années 1940 dans le Guillestrois, et encore observée avant l'édification du barrage de Serre-Ponçon. Elle est totalement protégée depuis 1981.

De fait, mais aussi grâce à l'interdiction du PCB, elle a fait son retour dans certaines parties de l'arc alpin. En France, le plan national d'actions pour la loutre 2011-2014 vise à améliorer sa conservation. "La dynamique de population est plutôt positive" résume Sandrine Ruette (ONCFS). "Elle est présente dans l'Isère et l'Ain mais elle n'a jamais été très abondante en montagne en raison de l'altitude. Son retour dans les Écrins n'est pas impossible, on ne sait jamais, mais ce sera sans doute limité".