Étudier les groupes d’espèces les moins connus
La stratégie déployée par le Parc s’appuie sur la mise en place d’un groupe opérationnel invertébrés composé d’une dizaine d’agents de terrain. Ils développent au fil du temps des compétences spécifiques sur la reconnaissance de certaines espèces comme les papillons de jour, les libellules, les criquets et les sauterelles, des groupes d’étude assez traditionnels pour lesquels de nombreux ouvrages de détermination existent.
Aller au-delà dans l’inventaire des invertébrés nécessite un haut niveau d’expertise tant la diversité des espèces est importante. Malgré ces difficultés, la montée en compétence de certains agents permet de couvrir actuellement des groupes d’espèces peu étudiés comme les mollusques continentaux (escargots et limaces), les punaises et plus récemment, les papillons de nuit. Ces compétences internes dans la connaissance de ces espèces sont précieuses mais ne permettent d’effleurer que la partie émergée de cet immense iceberg. On estime que les invertébrés représentent plus de 90 % des espèces composant le règne animal, un vrai défi auquel sont confrontés l’ensemble des gestionnaires d’espaces naturels !
Des prélèvements aléatoires toute l’année
C’est dans ce contexte bien particulier que le Parc national des Écrins a développé une méthode d’inventaire qui se base sur le contact aléatoire des taxons (ici, les taxons désignent l’ensemble des espèces regroupées sous un même embranchement taxonomique : famille, ordre ou genre). Tous les agents de terrain ont à disposition des kits (pince souple, pilulier et liquide de conservation) pour prélever des individus sur l’ensemble du territoire du parc et cela toute l’année. Ces prélèvements aléatoires (qui dépendent notamment de la présence d’un agent à un moment donné) permettent d’obtenir une résolution spatiale et temporelle très étendue qui est un élément important à prendre en compte dans un objectif d’inventaire des espèces. Certaines espèces ne s’observent ainsi que sur un type de milieu ou sur une période de l’année.
Le choix de ces inventaires par groupe taxonomique est défini en amont et participe de la stratégie d’acquisition des connaissances développée pour les invertébrés. Ainsi, les agents du Parc travaillent à l’amélioration des connaissances sur un groupe taxonomique ciblé durant plusieurs années, et une méthode statistique dénommée « courbe d’accumulation des espèces » ou « courbe de richesse » (Species accumulation curves) permet d’évaluer l’état des connaissances sur l’inventaire des espèces au sein de ce groupe : c’est la complétude de l’inventaire.
Contact aléatoire des taxons : inventaire des tipules
Des inventaires rendus publics
Durant cet inventaire, toutes les espèces présentes dans le parc ne seront pas forcément observées, mais on évalue le ratio entre l’effort de collecte et la découverte d’espèces nouvelles pour le parc.
Lorsque la complétude de l’inventaire est jugée satisfaisante, l’ensemble des résultats est publié et rendu accessible pour le grand public, les spécialistes de la taxonomie (la science qui nomme et décrit les espèces) et la recherche scientifique. Cette stratégie d’inventaire est rendue possible grâce à un travail partenarial noué en amont avec des spécialistes de la taxonomie qui réalisent l’identification des individus récoltés en utilisant généralement des loupes binoculaires.
Inventaire des invertébrés au glacier de Bonne-Pierre
Préserver notre patrimoine commun
Dans un contexte de changement climatique, nos territoires de montagne sont particulièrement exposés aux risques naturels qui affectent de plus en plus les activités humaines. Toutefois, ces événements dramatiques ne doivent pas faire oublier qu’un autre phénomène plus discret est aussi à l’œuvre : l’érosion de la biodiversité. Mieux appréhender notre environnement est un pari sur l’avenir où ces connaissances mettent en lumière la richesse et l’originalité de notre territoire. Il s’agit d’une appropriation du vivant qui nous entoure pour mieux le prendre en compte et développer des modes d’action qui permettent de conserver ce patrimoine commun, héritage de notre humanité.
Exemples d’inventaires réalisés ou en cours
- De 2017 à 2022, renforcement des connaissances sur les isopodes et les diplopodes du parc (cloportes, iules et glomeris) et publication des résultats en 2023.
Inventaire des cloportes par Franck Noël
- De 2017 à 2022, inventaire des fourmis.
Rumsais Blatrix (Antarea) lors d’une session d’inventaire
- Depuis 2023, inventaire des Tipulidae (tipules) du parc.