L'inventaire forestier de la réserve intégrale

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Inventaire forestier ©Denis Fiat PNE ©Julien Guilloux PNE

La forêt du Lauvitel, une forêt à forte naturalité

Les arbres de la forêt du Lauvitel sont surveillés depuis 1993. Hauteur, diamètre, régénération, dégradation... Autant de paramètres suivis à la loupe par les agents du Parc national. Ils observent ainsi l'évolution d'une forêt exempte de tout impact humain dans laquelle le bois mort se décompose naturellement, favorisant une biodiversité qui lui est associée.

Le bois mort synonyme de biodiversité

Champignon saproxylique ©Frédéric Chevaillot

Lorsqu’une forêt évolue librement, sans intervention humaine, les arbres se côtoient dans leurs différentes phases de vie. Ainsi, les gros arbres vivants et les bois morts sont présents en quantité.

Depuis une quinzaine d'années, de nombreuses études ont montré que plus de 25 % de la biodiversité forestière dépend directement de la présence du bois mort. Environ 2 500 espèces de champignons supérieurs ainsi que des plantes, des lichens, des bactéries, algues et myxomycètes n'existeraient pas sans bois mort. Il en est de même pour 20 % de la faune forestière, dont de nombreux insectes.

Certaines de ces espèces étant rares, voire protégées, la conservation du bois mort reste donc une première action pour sauvegarder ces espèces de la disparition.

Au delà des espèces, plus la biodiversité forestière sera importante et plus un boisement aura la capacité de s'adapter aux changements climatiques. Cette capacité d'adaptation, qualifiée de résilience, est devenue un enjeu majeur pour les forêts... Mais aussi pour l'homme : une forêt qui se régénère, malgré les changements climatiques, conservera un potentiel d'exploitation du bois !

Dans certaines forêts exploitées, la sylviculture cherche à produire puis à prélever des arbres avant qu’ils ne vieillissent, minimisant ainsi le volume de bois mort en forêt. Ce type d'exploitation forestière limite ainsi la capacité d'un boisement à se régénérer. C'est pourquoi les gestionnaires forestiers favorisent aujourd'hui le bois mort, améliorant la biodiversité forestière et ses bénéfices pour la nature et pour l'homme.

La forêt de Lauvitel, dont la dernière exploitation de bois a eu lieu en 1922, constitue un modèle de référence idéal d'une forêt non exploitée, dite forêt subnaturelle.

Les connaissances sur l'évolution de la forêt du Lauvitel se poursuivent et sont également comparées avec les données des forêts gérées (voir Observatoire national des forêts). Ainsi, l'évolution de la biodiversité dans les forêts exploitées peut être comparée avec une référence forestière naturelle au Lauvitel.

©Jérôme Foret PNE ©Frédéric Chevaillot  

Un protocole rôdé : le PSDRF

Depuis 1993, le peuplement de la forêt du Lauvitel est régulièrement inventorié. L'inventaire du bois mort a été ajouté en 2006.

Le PSDRF, Protocole de Suivi Dendrométrique des Réserves Forestières (voir détail protocole ici), a été réalisé en 2006 et 2018 sur les 32 placettes permanentes de la forêt. Ce protocole consiste à inventorier le bois vivant, le bois mort au sol et le bois mort sur pied. Ce dernier est un indicateur potentiel d’une biodiversité particulière : oiseaux cavicoles, chiroptères, champignons...

Chaque arbre sur pied dans un rayon de dix mètres, (ainsi que les plus gros arbres plus éloignés*) sont inventoriés. On mesure sa distance au centre de la placette et son diamètre à 1,30m du sol. Ces mesures permettent de calculer la surface terrière, c’est à dire la surface occupée par les arbres. Le volume de bois mort est estimé dans un rayon de 20m au centre de la placette. L'ensemble des bois mort accueille une biodiversité particulière : oiseaux cavernicoles, chiroptères, champignons, insectes... Le protocole PSDRF accorde donc une grande importance aux relevés des bois morts.

On estime également la surface en régénération sur chaque placette, c'est à dire la surface occupée par les jeunes pousses.

Toutes ces données permettent de caractériser le peuplement forestier et d'en déterminer la dynamique. On analyse notamment la cohabitation entre les différentes phases d'évolution de la forêt. Une phase de repousse peut côtoyer des arbres en phase d'écroulement, ou des arbres en pleine mâturité.

Réalisation du PSDRF ©Julien Guilloux PNE

*Au-delà d’une distance de 10 mètres par rapport au centre de la placette, les arbres vivants sont pris en compte si leur diamètre (en cm) est supérieur à 3 fois la distance au centre de la placette (en m). Par exemple, un arbre situé à 15m du centre devra avoir un diamètre d’au moins 45cm pour être comptabilisé.

Une forêt bien caractérisée

Le peuplement forestier de la Réserve est presque exclusivement constitué d'Epicéa commun dans son étage principal. Toutefois la régénération présente une diversité plus grande susceptible de prendre la relève en cas de changement défavorable à l'épicéa. Cette régénération diversifiée est présente un peu partout et fait de cette forêt un peuplement particulièrement résilient.

Régénération de Sorbier sur Epicéa ©Julien Guilloux PNE

Concernant le bois mort, son volume est très variable d'un endroit à l'autre dans la forêt mais n’a pas évolué significativement depuis 2006. Par comparaison aux forêts gérées dans les Alpes, la forêt de la réserve de Lauvitel présente un volume de bois mort trois fois supérieur (82 m3/ha en moyenne). Cette richesse rend la forêt susceptible d’abriter une quantité et une diversité importante de faune et de flore associée au compartiment bois mort. La vitesse de décomposition de ce bois reste cependant à déterminer lors du prochain inventaire.

Par ailleurs, des suivis sont en cours sur diverses espèces, champignons et coléoptères notamment, qui devraient permettre de mieux comprendre le lien entre le volume de bois mort et la diversité des organismes biologiques.

Collembole ©Jérôme Foret PNE

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