
500 papillons, 380 coléoptères, 11 punaises, 11 orthoptères (criquets, sauterelles), 14 fourmis... des cicadelles, cloportes et autres mouches ont été inventoriés, etc.. "Pour être précis, 1069 insectes ont été recensés à ce jour dans la réserve intégrale du Lauvitel" résume Jérome Forêt, technicien patrimoine en Oisans, chargé de l'accueil des scientifiques et de la coordination des suivis réalisés dans cet espace particulier.
Les experts considèrent que ce groupe d'espèces, très majoritaire dans la réserve et ailleurs, n'est pour l'instant connu qu'a 50 % de la réalité qu'il occupe dans la biodiversité du site.
Au total, 2628 espèces de faune, flore, champignons, mousses et lichens ont été repérées à ce jour dans cet espace de 700 hectares de haute montagne, soustraite depuis 25 ans à l'activité humaine... hormis celle nécessitée par l'étude scientifique.
Souvent considérés comme des déserts de « Neige, roc et glace », si l'on fait référence à l’ouvrage du célèbre alpiniste Gaston Rébuffat, les espaces de haute montagne accueillent pourtant une myriade d’espèces. La biodiversité y est cachée. Sous les cailloux, des espèces déploient des trésors d’adaptation à ce milieu souvent extrême.
Pour permettre de découvrir cette biodiversité qui nous entoure, l'inventaire général de la biodiversité (ATBI), réalisé dans réserve intégrale, est un outil essentiel. Ce travail de longue haleine permet de « mieux connaître la diversité des espèces et ainsi d'améliorer la compréhension du fonctionnement de ces écosystèmes » ajoute Jérome Forêt.
Autant d'informations qui complètent l’inventaire national du patrimoine naturel piloté par le Muséum national d’histoire naturelle et l'atlas de la biodiversité du Parc national, Biodiv'Ecrins
> Télécharger le document - ATBI - Etat des connaissances au 1er mai 2020
Pour parvenir à identifier ces espèces, le Parc national s’appuie sur ses agents mais aussi sur un vaste réseau d’experts. C’est ainsi que 38 spécialistes et une dizaine d’agents du parcs sont mobilisés depuis 2013, date du début de l’inventaire. Il s’agit à la fois de chercheurs, de naturalistes, de gardes-moniteurs mais aussi de guides de haute montagne.
Pièges, détection et interception !
La diversité des espèces inventoriées et la diversité des modes de vies qu’elles déploient obligent à adapter les techniques de détection. « Certaines espèces, comme des araignées, vivent toutes leur vie sous une seule pierre et ne se dévoilent jamais à l’air libre. Il est donc impossible de les découvrir en marchant. C’est ainsi, qu’au delà de ce que l’on appelle la "chasse à vue" qui consiste à marcher et repérer à l’œil les espèces qui se déplacent devant nous, de nombreux autres dispositifs sont déployés.»
Pour les détecter, un réseau de pièges dits Barber a été installé en 2016 entre 1500 et 2000 m d’altitude et en 2019 entre 1500 et 2870 m. Il s’agit de pots enterrés juste à fleur du sol, dans lesquels la faune du sol peut alors tomber.
En complément, des pièges dits « à interception » ont été installés en 2009 et 2019. Des dispositifs lumineux pour attirer les espèces qui ne s’activent que la nuit sont déployés également ponctuellement.
Des enregistreurs de sons ont aussi été installés en 2019 par des agents du laboratoire Imbe de l’université Aix-Marseille. Idéale car sans impact pour la réserve, cette technique évite de capturer des individus. "En appliquant certaines de ces méthodes, selon des pas de temps définis, nous pourrons à terme observer les évolutions à la fois numérique et spatiale."
Des nouveautés parfaitement nouvelles
Parmi ces espèces, toutes jouent un rôle.
Certaines dans la formation du sol comme les champignons ou les vers de terre qui dégradent la litière, soit en servant d’abris à d’autres pour pondre leur œufs ou pour fournir du nectar aux insectes pollinisateurs. Beaucoup sont à la fois des proies et des prédateurs.
Si aucune espèce n’est plus importante qu’une autre, certains résultats de cet inventaire ont un retentissement plus grand que d’autres, notamment pour les spécialistes.
De fait, plusieurs espèces observées dans la réserve constituent des premières découvertes pour la science. Deux espèces de guêpes dont Tachysphex schmideggeri (Le Divelec, publication à paraître), le champignon Pseudocosmospora hypoxylicola (Lechat et Fournier, 2020) ou encore un nouveau lichen ont été décrits…
D’autres sont mentionnés pour la première fois en France comme ces deux espèces d’araignées Agyneta alpica et Mugiphantes Baebleri (Michaud et Forêt 2018) connues jusqu’alors de Suisse et d’Italie. Autres « stars» parmi les nouveautés, le champignon Galerina hygrophila f. paucicystidiata (Armada 2018) ou encore le lichen Thelidium pluvium (Roux et Bertrand, 2017) connu uniquement de Scandinavie.
Sans oublier cette tipule (sorte de mouche) Tipula glacialis dont la première découverte en France a été publiée dans l’article de la revue « L’entomologiste » en avril dernier !
Dryocotes alni n’avait pas été revu en France depuis 40 ans avant d’être retrouvé dans la réserve. Autre coléoptère étonnant, Baranowskiella ehnstromi, le plus petit coléoptère d’Europe, 4,6mm de de longueur a été repéré aussi sur le parcours d’accès à la réserve (Dodelin 2019). Aussi fin qu'un cheveu, il vit dans un champignon du bois mort (Phellinopsis conchata) et n’existerait peut être pas sans ce dernier.
Et des champignons rares...
Dans le dernier rapport des mycologues, on compte une espèce nouvelle pour la science : Pseudocosmospora hypoxylicola et 3 espèces nouvelles pour la France : Alpinaria rhododendri, Cenangiopsis junipericola1, Sporormiella subtilis.
Ajoutez à cela, 17 espèces nouvelles pour la région Auvergne-Rhône-Alpes et 46 espèces nouvelles pour le département de l’Isère !
=>Pour les passionnés, retrouvez le rapport complet de l'inventaire des ascomycètes en téléchargement en pied de page
Ainsi, avec plus de 3000 espèces recensées, Bourg d'Oisans est sans doute la commune dont la diversité des espèces est la mieux connue dans le Parc national, du fait des études menées dans la réserve intégrale, cumulées à celles réalisés dans l’espace naturel sensible de Vieille morte et dans le reste de la commune.
Et ce n'est pas terminé !
Des mycologues, spécialistes des lépidoptères ou encore des invertébrés aquatiques viennent continuer l’inventaire.
Cette année la canopée est investie pour la première fois...
Lire aussi : Prospections dans la canopée de la réserve intégrale - juillet 2020
Ce programme est actuellement soutenu par l’Union Européenne via son programme transfrontalier Alcotra France-Italie Cobiodiv.
Retrouverez la liste complète des espèces inventoriées et des informations sur les suivis réalisés dans la rubrique « Réserve intégrale » du site internet du parc national :
Réserve intégrale de Lauvitel : un outil scientifique
Voir aussi : La réserve intégrale du Lauvitel sur Brut nature
Les sons de la biodiversité dans la réserve intégrale - juillet 2019
Le plus petit coléoptère d'Europe, trouvé au Lauvitel - mai 2019
Des prospections pour des petits champignons
Réserve intégrale du Lauvitel : pré-inventaire en cours... juillet 2016
ATBI du Lauvitel, vers un Inventaire Généralisé de la Biodiversité
Explorations pour la connaissance - octobre 2013
Label international pour la réserve intégrale - octobre 2012