Réserve intégrale du Lauvitel : pré-inventaire en cours...

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En juin, les mousses, les escargots, les papillons et les poissons ont reçu « leurs » spécialistes, chargés des inventaires dans la réserve intégrale. Pendant l'été, les parties verticales de cet espace particulier feront l'objet de prospections.

Un pré-inventaire généralisé de la biodiversité est en cours depuis 2013 dans la réserve intégrale du Lauvitel. Dans ce cadre, une fois la saison d’hiver passée, plusieurs scientifiques et naturalistes se retrouvent afin d’inventorier la biodiversité de la réserve.

Ainsi après s’être penchée sur les coléoptères, les oiseaux, les champignons saproxyliques, les punaises, orthoptères et bien d’autres groupes, une première équipe est venue cette année du 15 au 17 juin, afin d'inventorier les bryophytes (les mousses !) et la malaco-faune. Tous ces groupes qui constituent une grande partie de la biodiversité sont encore peu connus dans les Écrins.

Sous la conduite d’Arne Saatkamp, chercheur au laboratoire IMBE de l’université de Provence, assisté de Cédric Dentant, botaniste du Parc national des Écrins, environ 100 espèces de bryophytes ont été découvertes uniquement dans la partie la plus basse de la réserve.

Inventaire ATBI  Lauvitel - © D Combrisson - Parc national des Ecrins

La détermination de certaines espèces est toujours en cours. La partie plus haute de la réserve sera parcourue en juillet et en août, ainsi la connaissance de ces hautes montagnes va s’améliorer. Ce site semble riche en bryophytes d’après les chercheurs. Un inventaire plus complet devrait permettre d’améliorer très fortement la connaissance de ce groupe jusque-là très peu étudié au sein du parc national.

L’analyse de ces premiers résultats qui sera réalisée à la fin de la période de terrain permettra de mieux comprendre les enjeux pour ce groupe au sein de la réserve.

malucaria sylvatica -laothoe-populi -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins La malaco-faune comprend les mollusques. Parmi ceux-ci, 18 espèces d’escargots ont été découvertes par Damien Combrisson, garde-moniteur du Parc national avec l’aide de ses collègues présents.

Ces résultats viennent compléter le premier travail réalisé en 2014 par Olivier Gargominy du MNHN (Muséum national d'histoire naturelle) avec la découverte de 7 nouvelles espèces, sans compter les limaces qui ont été récoltées et qui seront déterminées ultérieurement par des spécialistes. Cela porte à 22 le nombre d'espèces de mollusques continentaux actuellement connues dans la réserve intégrale...

La réserve étant principalement composée de roches granitiques, la diversité de ce groupe s'avère assez modeste car les escargots ont besoin de calcaire pour former leur coquille.

Inventaire malaco - Inventaire ATBI  Lauvitel - ©  J-Forêt - Parc national des Ecrins

En revanche, des prospections futures, sur les parties ouvertes de l'étage alpin jusqu’au glacier, doivent permettre d'enrichir l'inventaire des mollusques.

Discus ruderatus - réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins  Vitrea diaphana - réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins

L'échelle d'appréhension de la répartition des mollusques sur une unité paysagère donnée, telle que la pelouse alpine par exemple, se fait au niveau des micros-habitats présents sur cet ensemble. Ainsi la recherche de source, de suintement ou de micro-sagnes permettrait d'enrichir la biodiversité sur ce groupe, les habitats les plus froids de la réserve pourraient abriter des populations de vitrinidae telle que l'Eucobresia glacialis (Forbes, 1837) trouvée en 2014 au pied des glaciers.

Flavia -Inventaire ATBI  Lauvitel -Parc national des Ecrins Puis, du 20 au 22 juin, Yann Baillet et Philippe Francoz, de l’association lépidoptériste Flavia, assistés de Nicolas Bertrand, garde-moniteur du Parc national, ont conduit un inventaire des papillons de nuit.

Après un premier travail en 2014 et 2015, ces spécialistes auront l’autorisation de venir à trois reprises  d'ici la fin août afin de mieux couvrir l’ensemble de la période estivale et conduire un inventaire plus complet. Leur travail consiste essentiellement à dénombrer les espèces de papillons de nuit sur 3 milieux différents de la réserve (plage en bordure du lac, pessière et prairies d’altitude) afin d’avoir une bonne vision de la diversité du site.

Prospection papillons -  -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins

Piége papillons de nuit  -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins Piége papillons de nuit  -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins

Ces papillons de nuit sont attirés par la lumière. Le travail des spécialistes consiste à observer et déterminer les papillons venant autour « d’un piège dit lumineux ». Une lumière intense attire les papillons de nuit (les rhopalocères...). Durant cette première session de 2 nuits, près de 80 espèces ont été découvertes dont 30 nouvelles par rapport aux années précédentes d’où l’intérêt de bien répartir les inventaires tout au long de leur cycle.

laothoe-populi -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins laothoe-populi -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins

Pêche électrique au bord du lac

Pêche électrique   -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins Enfin, les 23 et 24 juin, le secteur de l’Oisans a aussi accueilli les agents de l'ONEMA, Jean-Claude Raymond (Unité Spécialisée Milieux Lacustres) et le service départemental de l’Isère afin d’étudier la qualité des habitats des rives du lac Lauvitel et tenter de détecter 2 espèces particulièrement ciblées, le chabot et la loche franche. Il s’agit d’espèces très discrètes car elles sont de petite taille et vivent essentiellement sous les rochers dans les eaux vives, froides et oxygénées. Elles affectionnent tout particulièrement les fonds pierreux. Ces espèces ont peu d'intérêt pour les pêcheurs et sont donc rarement citées.

Léger (1936) cite le chabot comme présent au lac Lauvitel mais pas la loche. Ces populations participent pourtant au fonctionnement des peuplements piscicoles des lacs. De plus, en cas de présence, le marnage annuel atypique du Lauvitel permettrait de confirmer la capacité d'adaptation de cette faune à des fluctuations naturelles importantes du niveau d'eau.

Pêche électrique   -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins Pêche électrique   -réserve intégrale du Lauvitel - Parc national des Ecrins

Après avoir caractérisé les habitats, les agents de l’ONEMA ont réalisé une pêche électrique à pied sur l'ensemble des habitats du périmètre lacustre. Cette pêche a confirmé la présence du chabot et de la loche franche. Le chabot avait déjà été détecté par les agents du secteur et les pêcheurs locaux mais pas la loche dont environ une dizaine d'individus a pu être capturé.

Fin juillet et début août, de nouvelles équipes viendront continuer ces premiers inventaires dans les parties hautes de la réserve. Ces parties difficiles d’accès qui peuvent nécessiter des techniques d’alpinisme et qui demandent de longues heures de marche d’approche sont globalement moins bien connues que les parties les plus basses. On comprend aisément pourquoi. Actuellement, sur les 13 milliers de données enregistrées dans la réserve du Lauvitel depuis 1990, seulement 25 % environ le sont au-dessus de l’altitude médiane de celle-ci qui se trouve à 2200 m d’altitude. Ainsi 3 cordées composées de gardes-moniteurs et techniciens du Parc devraient parcourir les faces ouest et sud de la Muraillette ainsi qu’une forêt suspendue située sur la face est de la Tête de Ferrand. Une quatrième équipe parcourra la face nord de la réserve depuis la brèche du Lauvitel. Comme partout dans le monde, ces parties « hautes et verticales » sont assez peu connues, elles feront donc l’objet d’un effort de prospection cet été.

Préinventaire, méthodes et chaine de travail

Station climatique Campbell - © - Parc national des Ecrins Cet inventaire généralisé de la biodiversité est actuellement en phase de préparation. Il est réalisé dans le même esprit que l’ATBI (all taxons biodiversity inventories) réalisé par le Parc national du Mercantour.

« C'est une opportunité pour améliorer considérablement la connaissance sur de nombreuses espèces jusque-là très peu étudiées, comme de nombreux invertébrés » souligne Jérôme Forêt, technicien patrimoine, qui coordonne les suivis. Chaque spécialiste dispose d’une autorisation d'entrer dans la réserve pour 48 h au cours desquelles il doit réaliser les premiers relevés mais aussi aider le Parc national à construire la meilleure méthode d’inventaire complet de la réserve en étudiant la pertinence et les modalités d’un éventuel suivi à long terme, ceci pour respecter l’objectif de cette réserve qui est d’étudier l’évolution des milieux naturels sans intervention humaine directe. « Enfin, c’est l’occasion de mettre en place la meilleure chaîne de travail permettrant d'analyser et de traiter les données collectées".

Au cours des trois dernières années, avec seulement une vingtaine de journées d’inventaire, plus de 350 espèces jusque-là inconnues au sein du parc, ont pu être découvertes. Ces espèces n’avaient pas été étudiées ici. Certaines sont assez rares, d’autres simplement très rarement étudiées dans ces milieux de haute montagne. On peut aussi signaler que deux espèces de champignons jusque-là inconnues en France ont été détectées par Bernard Rivoire en 2014 ».

Lauvitel - Atbi © Marc Corail - Parc national des Ecrins Toutes ces missions sont coordonnées par Jérôme Forêt, technicien patrimoine du secteur de l’Oisans, affecté à mi-temps à la réserve, et dont le rôle est de préparer chaque mission puis d’accueillir et d’accompagner les équipes sur le terrain permettant ainsi de conduire au mieux les travaux.

 Atbi Lauvitel - © L.Imberdis - Parc national des Ecrins Son travail consiste aussi à assurer la restauration et l'hébergement au chalet des Selles (sans eau chaude ni électricité !) des équipes dans ce site isolé tout au long de l’année tel un gardien de refuge. On devrait atteindre les 150 nuitées cette année. Ensuite, il faut s’assurer de la bonne collecte des données afin que le pôle "système d’information" du Parc national, puisse intégrer tous ces résultats dans les bases de données. Des données qui sont ensuite diffusées aux partenaires tel que le MNHN (Musée national d'histoire naturelle) ou le CNRS par exemple. Elles servent aussi à réaliser des atlas de répartition.

Durant ces inventaires, les équipes de chercheurs et de naturalistes s’appuient sur le chalet des Selles que le Parc national a acquis en 2013 ainsi que sur l’ensemble des matériels présents sur place tels que barques, groupe électrogène, appareils de mesure ainsi que la station météorologique qui fournit des informations essentielles. Les gros travaux d’entretien sont assurés en régie par l’équipe du secteur. C’est donc toute une chaîne de travail qui est mise en oeuvre au sein du Parc national, en matière scientifique mais aussi d'administration et de budget, en lien avec les équipes de chercheurs et de naturalistes.

L'ensemble du travail scientifique mené dans la réserve intégrale ainsi que sa restitution au public, notamment pour les personnes en situation de handicap, est soutenu par GMF assurances dans le cadre d'un partenariat avec les parcs nationaux de France.

Pour en savoir un plus voir aussi les vidéos

La réserve intégrale du Lauvitel à la loupe par Parc-national-des-Ecrins

Et au milieu se tient un lac... par Parc-national-des-Ecrins

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