Plusieurs espèces découvertes pour la première fois en France, en Oisans dans les Écrins

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L’inventaire général de la biodiversité lancé en 2013 dans la réserve intégrale du Lauvitel située au cœur du Parc national des Écrins sur la commune du Bourg d’Oisans (38) réserve chaque année son lot de surprises. Pas moins de 16 espèces, inconnues en France, ont été découvertes pour la première fois dans la réserve du Lauvitel. Cette année, la commune d’Ornon vient elle aussi dévoiler une découverte exceptionnelle.

Maurachelia pilosicollis, un très petit coléoptère, a été découvert en août dernier par Estelle Clerc (service civique à la réserve intégrale) et Rémy Saurat (expert indépendant). Ce micro-staphyllin a été détecté dans la litière forestière. Cette année, un test a été réalisé sur 4 placettes dans la réserve intégrale et 2 placettes dans la montée du col d’Ornon. Ce protocole nécessite de tamiser la litière forestière sur des placettes tirées au hasard parmi 2 types d’habitats : les forêts anciennes (datent d’avant 1850) et les forêts récentes (post 1850). Ces placettes mesurent 30 cm de diamètre. Les animaux récoltés dans le tamis sont déterminés par divers spécialistes. Les coléoptères ont été déterminés par Rémy Saurat chargé de la mise en œuvre du test, en partenariat avec Benoît Dodelin, coléoptériste confirmé de Lyon. Ce sont eux qui viennent de nous informer de la détermination de ce tout petit animal.

Maurachelia pilosicollis
Maurachelia pilosicollis © Rémy Saurat

C’est du coté des Tipulidae que les découvertes ont été très importantes en 2020. Les tipulidae sont plus communément appelés « cousins » par le grand public et parfois confondus à tort avec des moustiques. Après la première découverte en France de Tipula glacialis sur les arrêtes de la réserve intégrale à 2800 m en 2016, cette année ce n’est pas une nouvelle espèce qui est découverte mais 4.

La première s’appelle :

  • Tipula tilupa.

Elle est découverte pour la première fois en France, mais surtout il ne s’agit que de la 6ème donnée mondiale. Elle n’était jusqu’alors connue que sur 3 localités en Suisse, une en Italie, et une en Autriche (uniquement dans les Alpes).
En plus de cette espèce de la famille des Tipulidae, 3 autres découvertes viennent compléter la liste du patrimoine naturel français. Il s’agit de :

  • Dicranota candelisequa,
  • Dicranota pallens,
  • Dicranota capillata.

Ce sont des espèces de la sous-famille des pediciidae. Elles ont été déterminées par Pierre Tillier (correspondant du MNHN).

Toujours en 2020, un pré – inventaire de certains groupes de diptères est réalisé les 1 et 2 juillet par Jocelyn Claude, Romain Decoin (Amis de la réserve naturelle des Remoray) et Thomas Lebard (PN Mercantour). Ils détermineront 120 espèces dont 3 nouvelles mentions pour la France :

  • Lyciella laeta (famile des lauxaniidae),
  • Pipunculus omissinervis,
  • Pipunculus violovitshi (famille des Pipunculidae).

De 2017 à 2020, les découvertes ont aussi été importantes du coté des champignons. Bernard Rivoire (mycologue) découvre plusieurs espèces du groupe des basidiomycètes inconnues en France :

  • Dacrymyces ovisporus, sans doute la première citation de France,
  • Acanthophysium lapponicum, première citation française (découvert en bordure de la réserve),
  • Skeletocutis ochroalba, deuxième station de France et moins de 10 connues dans le monde.

Acanthophysium lapponicum
Acanthophysium lapponicum © Bernard Rivoire

En 2016 et 2017, François Armada découvre :

  • Entoloma winterhoffii et
  • Galerina hygrophila,

ainsi qu’un certain nombre d’autres espèces dont la taxonomie doit être précisée par des analyses génétiques.

En 2019 et 2020, Andgelo Mombert et Nicolas Van Vooren découvrent pour la première fois en France : 

  • Alpinaria rhododendri,
  • Cenangiopsis junipericola,
  • Sporormiella subtillis.

Il s’agit de 3 champignons du groupe des ascomycètes dont font également parti les morilles.

Alpinaria rhododendri
Alpinaria rhododendri © Andgelo Mombert

Partons maintenant du côté des araignées. En 2016, Jérôme Forêt récolte dans des pelouses et des éboulis à 2000 m et 2400 m d’altitude 2 araignées nouvelles pour la France qui seront déterminées par Alice Michaud (arachnologue). Il s’agit de :

  • Agyneta alpica,
  • Mugiphantes baebleri.

Mugiphantes baebleri
Mugiphantes baebleri © Pierre Ogier

Ces 2 espèces étaient alors connues en Suisse, Italie et Autriche uniquement pour la première et également du Liechtenstein et de Slovénie pour la seconde. Depuis Agyneta alpica a été retrouvée en Savoie et dans les Pyrénées.

La réserve intégrale
La réserve intégrale © Samy Jendoubi - Parc national des Ecrins

Cette même année Claude Roux et Jean Michel Bertrand de l’association française de lichénologie découvre pour la première fois en France dans la partie nord de la réserve :

  • Thelidium pluvium,
  • Verrucaria umbrinula.

Il s’agit de 2 lichens encore jamais observé en France. Leur répartition était jusque la connue en Scandinavie.

En plus de ces 20 premières « Françaises », 5 autres espèces ont été découvertes pour la première fois au monde. En effet en 2015, Claude Roux et Jean-Michel Bertrand ont découvert pour la première fois un lichen encore non nommé.
En 2016, François Armada découvrait aussi une espèce de champignon non nommé du groupe Cortinarius citrinoamarus ad int. Seul son séquençage génétique permettra de confirmer qu’il s’agit d’une nouvelle espèce pour la science.
En 2019, Andgelo Mombert découvre Pseudocosmospora hypoxylicola, un champignon ascomycète encore jamais découvert sur Terre.
En 2019, Romain Le Divellec du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris récolte également 2 guêpes encore jamais décrites. 
À signaler aussi les travaux de Xavier Cucherat permettant de préciser la taxonomie de mollusques du groupe des limaces.

Enfin, en parallèle des travaux menés dans la réserve et de la découverte de ce petit coléoptère à Ornon, nous mentionnons aussi les travaux de l’association Flavia qui a découvert sur la commune des Deux Alpes Chelis cervini, l’écaille du cervin dont il s’agit à ce jour du seul site de présence connu en France et situé à proximité de la réserve intégrale.

L’ensemble des travaux conduits dans le cadre de l’inventaire général de la biodiversité de la réserve intégrale du Lauvitel conjugué aux relevés des agents du parc depuis sa création en 1995 a permis la découverte de près de 3000 espèces dans ce petit espace d’à peine 700 ha de haute montagne.

La haute montagne accueille elle aussi une faune riche et variée qu’il est important de préserver, car l’érosion de la biodiversité est grande dans de nombreuses parties du globe. Il s’agit essentiellement d’invertébrés dont plus de 1000 insectes, aussi de champignons, bryophytes ou encore lichens. C’est l’occasion de mettre en lumière cette biodiversité cachée. Chamois et bouquetins, aigles et marmottes, lys orangés ou edelweiss plus connus et prisés par les touristes ne sont qu’une infime partie de la biodiversité alpine. C’est en continuant ce travail de recherche comme les inventaires généraux de la biodiversité ou les missions « La planète revisitée » conduits par le muséum national que l’ont fait progresser la connaissance de notre patrimoine naturel. 

Chercheur dans la réserve intégraleÀ la recherche de la biodiversité cachée dans la réserve intégrale du Lauvitel © Fred Chevaillot

L’Oisans est bien sûr une terre d’alpinisme, de randonnée, de ski, mais c’est aussi un haut lieu de la recherche scientifique. Glaciologues, géographes, géologues, sociologues, écologues trouvent de nombreux sujets d’études sur ce territoire. La station alpine Joseph Fourrier du Col du Lautaret dirigée par l’université Grenoble-Alpes et le CNRS en est un bel exemple, la réserve intégrale du Lauvitel figure désormais parmi ces haut lieux de la recherche. Elle a fêté cette année ces 25 bougies.

J. FORET, 28 décembre 2020.

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