
La réserve intégrale du Lauvitel, véritable laboratoire à ciel ouvert, a fait l'objet de deux campagnes d'investigation... pour déterminer la faisabilité d'un inventaire généralisé de cet espace particulier.
Si le terme « biodiversité » fait maintenant aussi facilement parti du langage courant, c'est qu'il a l'immense mérite de synthétiser tout ce que nous ne comprenons pas mais qui est essentiel en terme d'environnement : relations entre espèces, fonctionnements des écosystèmes, équilibres des interactions...
Nous ne connaissons en effet qu'une toute petite partie de ce qui nous entoure : la plupart des mammifères, oiseaux, reptiles. Or, plus les groupes biologiques sont diversifiés et complexes à étudier, moins il y a de spécialistes, et moins nous disposons d'information les concernant !
Il en est ainsi des insectes ou des champignons. Or ces mêmes groupes occupent souvent une place prépondérante dans le fonctionnement des écosystèmes : les insectes pour la pollinisation ou la dissémination des plantes ; les champignons pour la dégradation de la matière organique ou la croissance de nombreuses espèces végétales (orchidées, arbres, etc).
Grand inventaire...
Ainsi, et pour aller plus loin que ce simple constat d'ignorance, un chercheur en écologie - Daniel Janzen - a initié en 1993 la coordination d'un inventaire généralisé des espèces dans le parc national de Guanacaste, au Costa-Rica.
En 1997, et de manière plus formelle, un inventaire généralisé est lancé dans le parc national nord américain des Great Smoky Moutains. Le terme ATBI (pour « all taxa biodiversity inventory » ou « inventaire généralisé de la biodiversité ») est né.
En 2008, et devant le succès de l'ATBI du parc national des Great Smoky Moutains (plus de 100 000 espèces inventoriées), le parc national du Mercantour lance la même démarche.
En 2013, le parc national des Ecrins initie à son tour un pré-projet d'ATBI sur un territoire restreint mais essentiel : la réserve intégrale du Lauvitel. L'objectif est à la fois de voir si un inventaire généralisé est possible dans un site aussi escarpé et peu accessible, et d'évaluer la faisabilité d'un suivi de la biodiversité sur du long terme.
... à tous les étages
Pour ce faire, deux campagnes d'inventaire ont eu lieu cet été et en début d'automne, avec des spécialistes de champignons saproxyliques (qui se nourrissent de bois mort et participent ainsi grandement à sa décomposition), de papillons de jour comme de nuit, de coléoptères, de punaises, de criquets et sauterelles, etc. En somme, une première expédition avec des spécialistes de groupes encore largement méconnus ! On citera ainsi la participation enthousiaste de Bernard Rivoire, Benoît Dodelin, François Dusoulier, Yoan Brau, Michel Boutin et Frédéric Chevaillot.
L'idée étant aussi de « décloisonner » les disciplines, le célèbre explorateur et alpiniste Lionel Daudet s'est amicalement joint aux naturalistes pour explorer plus avant les parties verticales de la réserve. L'écologie en falaise relève de l'expédition !
En compagnie du chef de secteur de l'Oisans, Jérôme Forêt, plus spécialement chargé des prélèvements et investigations en paroi, ils ont repéré des itinéraires qui pourraient permettre un suivi à long terme de ces milieux particuliers.
Ce groupe bigarré, coordonné par les agents du parc national, a ainsi permis à cette première expédition de la connaissance de se solder par un bilan très positif !
De nouvelles espèces ont été découvertes pour le territoire et les alpes du sud, et des zones verticales encore totalement méconnues ont été explorées.
Si la faisabilité d'un tel inventaire est confirmée, le lancement d'un ATBI sur la réserve intégrale du Lauvitel permettrait, à terme, d'avoir une connaissance très fine de la biodiversité de ce territoire. C'est cette connaissance acquise qui aidera à orienter au mieux les actions en faveur de la biodiversité.