Pastoralisme et prédation : des mesures de soutien renforcées

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Troupeau dans les Ecrins © M.Coulon - Parc national des Ecrins
En 2018, le soutien aux activités pastorales se poursuit, porté notamment par un "plan d'action" spécifique voté par le Conseil d'administration du Parc national : cabanes d'alpages, moyens de communication "radio", constats de prédation et démarches de sensibilisation... En lien avec les mesures nationales, des actions sont menées pour une meilleure connaissance de l'installation du loup dans les Écrins, dont les indices de présence sont toujours plus marqués.

Traces loup - 2017 -  © L.Imberdis - Parc national des Ecrins En quatre ans, le retour du loup est devenu une réalité dans l'ensemble du massif. "L'observation d'un loup en n'importe quel point du pourtour du parc national ne constitue plus actuellement un phénomène exceptionnel, y compris dans le cœur du parc, au vu des capacités de déplacements de ces animaux" résume Ludovic Imberdis, chargé de mission "faune" au Parc national des Écrins. Des indices et des constats témoignent aussi d'une colonisation de la vallée du Vénéon.

Loup - image piège photo Parc national des Ecrins - 2017 La cinquantaine de pièges photos actifs dans le massif a permis de faire exploser le nombre d'indices transmis au réseau d'information piloté par l'ONCFS. 

"C'est probablement le facteur de densification qui induit des modifications dans la répartition de l'espèce autour du massif et son impact sur la faune sauvage et sur le cheptel domestique. 
Les indices génétiques transmis au réseau resteront les seuls à même de répondre aux questions (scientifiques) qui en découlent : déplacement des animaux, recomposition de meutes, impact des tirs, ..."

Evolution indices loup et constats de dommages PNE - au 4-09-2018Les données présentées sur ce graphique proviennent du travail des agents, avec la validation et la consolidation des réseaux de recueil : geoloup, base officielle des constats, et le réseau loup-lynx de l'ONCFS pour les indices recueillis. Pour 2018, les données sont brutes et non consolidées.

Présence humaine et équipements : un soutien affirmé au pastoralisme

Alors que le Parc national des Écrins compte 113 alpages ovins dont plus de 90% sont aujourd'hui gardés, chaque action d'accompagnement nécessite d'être déployée à l'échelle d'un vaste territoire, avec de nombreux acteurs concernés.  "Le premier plan d'action -pastoralisme et prédation- a été mis en place en 2014 à la suite d'une recrudescence d'attaques, notamment en cœur de parc" rappelle Isabelle Vidal, responsable du service "aménagement" au Parc national. "Depuis, il est revu chaque année afin de s'adapter à l'évolution des besoins".

On notera aussi que, le 12 mars 2018, le Conseil d'administration du Parc national a voté une motion pour réaffirmer l'importance des mesures prévues par le plan national d'action "Loup" et la nécessité d'afficher des moyens supplémentaires pour les mettre en œuvre.

La présence des agents sur le terrain, notamment pour la réalisation des constats d'attaque, a été renforcée par trois vacataires recrutés chaque été pour ces missions, sur un total de 8 mois. 
"Le rôle des agents lors des constats consiste en un relevé circonstancié des éléments factuels relatifs au dommage. Ce sont ces éléments que la DDT utilise pour indemniser ou pas le dommage constaté, en prenant si besoin l'avis technique des spécialistes de l'ONCFS pour les cas les plus compliqués".

Cabane des Pâles - Valgaudemar © D. Vincent - Parc national des Ecrins Alors que certaines zones manquent encore d'équipements pastoraux permettant un gardiennage correct et "confortable" des troupeaux, le Parc national intervient, à la demande des communes, pour les accompagner sur le plan technique dans leurs projets d'installation de cabanes permanentes. Les fonds européens (FEADER) permettent en effet de co-financer ces démarches et la construction des cabanes (à 75 % dans les Hautes-Alpes et à 70 % en Isère).

La mise en place de cabanes d'urgence sur les sites non équipés et touchés par la prédation, compte parmi les premières mesures qui ont été organisées en soutien au pastoralisme par le Parc national. Dix cabanes de ce type sont disponibles, mises à disposition pendant l'été et redescendues en fin de saison.

Heliportage cabane temporaire Etançons 2018 © P.Saulay - Parc national des Ecrins  Heliportage cabane temporaire Etançons 2018 © P.Saulay - Parc national des Ecrins

En 2018, 13 alpages ont été concernés par ces abris temporaires dans les Ecrins. Héliportables en une fois, elles permettent, sur demande des éleveurs, de pallier au manque d'hébergement sur certains quartiers d'alpages dans l'attente de solutions pérennes. 

Le canal radio des alpages

Entretien relais radio PNE et canal "bergers" © T.Maillet - Parc national des Ecrins Le réseau radio du Parc national a été entièrement renouvelé en 2016, avec une migration d'un réseau analogique vers un réseau numérique qui permet un gain de couverture radio d'environ 20 %.

"Les nouveaux relais installés permettent pour une même fréquence d'avoir deux canaux numériques distincts : l'un est utilisé par les équipes du  Parc national et le second a été mis à disposition des éleveurs et bergers, appelé « canal alpages »" explique Muriel Della Vedova qui coordonne ce dispositif en lien avec le monde agricole.

Dans un premier temps, 16 radios ont été acquises et mises à disposition des éleveurs ou bergers intéressés afin qu'ils puissent tester le dispositif sur un été.  "Ceux qui le souhaitent en font alors l'acquisition l'année suivante en bénéficiant des commandes centralisées par le Parc national". Vincent Nobili, garde-moniteur chargé du suivi du réseau radio du Parc national, assure les réglages des postes, l'accompagnement des utilisateurs, le suivi des relais et les interventions de réparation en cas de panne...

En 2018, 11 radios ont été achetées par 5 alpages et 16 radios ont été prêtées pour 9 autres alpages : "pour le quotidien des bergers et des éleveurs, c'est un service utile en termes d'échanges d'informations liées à la prédation mais aussi pour tous les autres aspects logistiques, de sécurité et de réseau professionnel et amical".

Chiens de protection et questions de cohabitation

En plus des éleveurs et des bergers, les conséquences de la prédation se sont élargies aux acteurs du tourisme, du fait principalement des enjeux de cohabitation entre les chiens de protection et les randonneurs.

Les dispositifs d'appui actuels sur les chiens de protection concernent uniquement le secteur agricole. Pour autant, les acteurs du tourisme (élus, socio-professionnels, OT, etc.) sont de plus en plus concernés par la présence de ces chiens, souvent démunis et peu organisés pour installer un dialogue avec la profession agricole sur les actions à mettre en œuvre afin de permettre la cohabitation des activités sur les alpages.

Sur son territoire, le Parc national a été sollicité pour former/informer sur le contexte global loup-pastoralisme et les comportements à adopter afin de faciliter la cohabitation.

Valgaudemar - berger - © M.Corail - Parc national des Ecrins chien protection - patou - © JP Telmon - Parc national des Ecrins

Berger d'Anatolie - chiens de protection © F.Thibault - Parc national des EcrinsLe "chien de conduite", c'est le chien du berger. Il travaille avec lui pour l'aider à la conduite du troupeau. Le "chien de protection", lui, reste au troupeau.  Appelé communément « patou », le Montagne des Pyrénées est un des chiens de protection auquel les éleveurs ont le plus recours. Le « Berger d'Anatolie » (à droite) est également présent sur les alpages des Ecrins.

En 2017, une réunion avait été organisée avec la DDT05 à destination des élus pour les informer sur leurs responsabilités en cas de conflits d'usage ou de morsure. Une information générale sur les chiens de protection avait également été proposée aux personnels d'accueil des offices de tourisme et Maisons de parc, avec l'appui de la Maison du berger.

En 2018, quatre réunions d'informations/échanges ont été organisées pour rappeler le rôle des chiens de protection des troupeaux, les caractéristiques de ces animaux et de leurs comportements, l'importance de l'éducation des chiens, les bons gestes ainsi que les comportements à éviter lors des rencontres.

Deux types de publics étaient visés :
- les éleveurs, avec un accent mis sur l'importance du choix du chiot et de l'éducation des chiens, notamment sur la sociabilisation pour faciliter les interactions avec les pratiquants de la montagne,
- les acteurs du tourisme et le grand public, avec un accent mis sur les bons gestes et comportements à éviter.

Les interventions de Jean-Marc Landry (IPRA), la Maison du Berger, l'IDELE, les DDT05 et 38 ont été très appréciées et ont donné lieu à plusieurs articles de presse (Dauphiné Libéré, Espace alpin, Alpes1,….). Plus d'une centaine de personnes s'est déplacée pour assister à ces réunions, contribuant à des échanges riches et constructifs.

Patou au troupeau - © R.Papet - Parc national des Ecrins > lire aussi : Echanges et information sur les chiens de protection
> Dossier : Chiens de protection : un contexte et des gestes à adopter

Pour répondre à la demande de nombreux partenaires, le Parc national pourrait s'impliquer dans un projet de vidéo courte (3-4 mn) sur les comportements à adopter face aux chiens de protection pour des diffusions multiples, à l'occasion de présentations, manifestations, animations et sur les réseaux sociaux…

Dés lors que l'IPRA  a travaillé sur un projet de deux films sur cette thématique (version de 10 mn et de 3-4 mn), avec le soutien de la DREAL AURA dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Loup, les Parcs nationaux des Ecrins, du Mercantour et l'AFB ont proposé de participer également financièrement à ce projet.

"Par ailleurs, le Parc national emploie chaque année des services civiques qui font du maraudage l'été sur les sentiers (information générale des randonneurs). Ces personnes relaient également les messages transmis dans les réunions d'information sur les chiens de protection, complète Isabelle Vidal. Une réflexion a aussi été engagée pour le cœur du parc, sur la signalétique d'information concernant la présence des chiens de protection au départ et sur les chemins de randonnée".

Plan national d'actions (PNA) sur le loup et les activités d'élevage : qui fait quoi ?

Les missions du préfet coordonnateur au niveau national :  C'est le préfet de la région AURA qui est chargé d’accompagner les préfets de département pour la mise en œuvre des actions du PNA Loup. Il veille en particulier à ce que les destructions autorisées de loups soient en adéquation avec les différentes pressions de prédation constatées sur les territoires, et au respect du plafond annuel de loups pouvant être détruits.

Les missions de l’échelon régional : Les préfets de région et les présidents de conseils régionaux mettent conjointement en place une politique de soutien des éleveurs confrontés à la prédation du loup, en cohérence avec le PNA, en utilisant les leviers d’action dont ils disposent.
Les conseils régionaux ont notamment une autorité de gestion pour la mise en place des fonds européens FEADER qui cofinancent notamment les actions d’aides à la protection des troupeaux, équipements pastoraux…

Les missions des préfets de département : Ils doivent veiller à créer les conditions d’un dialogue constructif entre les acteurs départementaux concernés. Ils pilotent les comités départementaux Loup qui regroupent l’ensemble des organisations concernées, des élus, des experts. Ils s’appuient sur les services des DDT et de l’ONCFS.

Le rôle du Parc national des Ecrins : Ses agents, formés à cet effet, sont responsables de la réalisation des constats sur le territoire du parc national.
L’établissement accompagne les acteurs du territoire en mettant en place des actions qui s’inscrivent dans le PNA Loup, en complémentarité de celles portées par l’Etat. Il participe également au protocole de suivi biologique du loup, coordonné par l’ONCFS (relevé d’indices de présence…).

Sources : Plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage - chapitre gouvernance