Parcourir la galerie des animaux de l’écomusée de Saint-Léger à la bougie et à la lampe torche : c’est l’expérience que les visiteurs du « refuge des animaux » ont vécu le 13 février dernier, sous la conduite de Marc Corail, garde-moniteur du Parc national des Écrins.
Une occasion d'échanger des récits et des anecdotes sur les rapaces nocturnes, chauves-souris, blaireaux, martres, râles des genêts, crapauds, sauterelles et autres papillons de nuit... mais aussi de parler de l'importance de préserver la nuit … pour la nature, pour notre imaginaire et aussi comme moment privilégié de ressourcement.
Le Refuge des animaux bénéficie de la marque « Esprit parc national » et représente un remarquable outil de sensibilisation à la nature notamment à destination des enfants des classes de découverte.
« J'ai un grand plaisir à chaque fois à travailler avec ce musée » reconnaît Marc Corail qui a animé cette visite nocturne du musée, « même si, honnêtement, côtoyer des animaux empaillés est plutôt loin des mes aspirations naturalistes quotidiennes car je préfère bien sûr les rencontrer vivants même de loin, souvent de nuit, trop furtivement... »
Passé le bestiaire, la véritable richesse du refuge repose aussi sur ses animateurs qui, à travers une multitude de jeux, ateliers, quiz, balades contées en nature, font véritablement revivre toute cette faune locale. « Ce musée raconte aussi l'évolution de nos rapports à la nature » analyse Marc. « Des collections de serpents dans le formol, agneaux à deux têtes dignes du musée des horreurs et renards au rictus agressif, on en est venu à présenter aujourd'hui les animaux dans leurs milieux. C’est l’occasion aussi de parler des liens écologiques entre espèces. La vipère est sortie de son bocal et pend dans les serres du circaète Jean-Le-Blanc. Peut-être que demain on la mettra aussi en scène en train de capturer un campagnol terrestre, de même que le renard mulotant, histoire de valoriser tous les services qu'ils nous rendent au quotidien, à notre insu ».
Le crépuscule des animaux
Pour le naturaliste, le crépuscule est un moment privilégié. La lisière entre le jour et la nuit, quand tout un monde s'active : silhouette furtive de la sérotine commune en chasse sur les émergences de hannetons, rase-motte du hibou moyen-duc au-dessus des prairies fraîchement fauchées, concerts de calamites et stridulations des grillons ou de l'antaxie marbrée. Même les odeurs se transforment. Ou bien nos sens s'aiguisent-ils ?
L'antaxie marbrée : cette sauterelle très mimétique se détecte par contre très bien la nuit grâce à ses stridulations ultrasonores.
Malheureusement le mot crépuscule a aussi ce double sens de déclin.
''Le crépuscule des animaux nous renvoie aussi déclin de la biodiversité que les grands médias nous relaient en boucle maintenant. On a perdu en 30 ans la moitié de nos effectifs d'oiseaux et peut-être près de 80% des effectifs d'insectes. Pourtant, force est de constater que bien trop peu est encore fait pour inverser la tendance. Je fais un métier formidable, tous les jours au contact de la nature, et qui en fait rêver beaucoup. Cependant une partie non négligeable de mon travail consiste de plus en plus à faire le constat local de ce déclin … même sur nos territoires de parcs nationaux que l'on pourrait considérer a priori comme préservés''.
A contre courant, quelques retours d'espèces peuvent nous réjouir comme le retour du gypaète, du castor ou tout récemment de la loutre sur la Durance après 50 années d'absence.
Exhumée en dernière minute des réserves du Refuge des animaux, une loutre piégée et naturalisée en 1953 dans le Valgaudemar a été l'occasion d'illustrer ce retour du sauvage nocturne.
Dans la nuit, au-delà de nos peurs
Pour Marc Corail, "aborder la découverte de la nature par le thème de la nuit m'a toujours plu. Sans doute parce que cela bouleverse nos repères, nos habitudes et nous renvoie assez vite à nos affects et nos peurs de la nature… à dépasser bien sûr !" Sur ce point l'ouvrage de François Terrasson « La Peur de la Nature » (1) a été pour lui, déterminant.
"Sensibiliser à la nature par une approche plus sensitive et affective est un moyen complémentaire à tous nos rapports, tableaux, histogrammes et autres pourcentages que je ne dénigre pas pour autant, je pratique les deux. Espérons que j'ai au moins donné l'envie aux participants à cette soirée de tenter de temps en temps une petite sortie de nuit, même dans une nature qu'on pourrait considérer comme ''ordinaire'', dans les prairies ou les premiers bois, juste derrière la maison, pour se replonger dans le sauvage... ou mieux encore un beau bivouac estival sous les étoiles''.
En 2009, le Réseau Éducation Environnement 05 et Ecrins et son pôle pédagogique sur la nuit avaient fait intervenir Louis Espinassous, conteur pyrénéen et formidable formateur nature :Lire aussi : La magie de la nuit... contée par Louis Espinassous
(1) François Terrasson*: La Peur de la Nature – Au plus profond de notre inconscient les vraies causes de la destruction de la nature. Éditions Sang de la Terre 1991.)
L'Atlas de la Biodiversité Communal
La commune de Saint-Léger est actuellement investie dans une démarche d'Atlas de la Biodiversité Communal (ABC). Dans ce cadre, en 2019, plusieurs spécialistes sont venus inventorier les insectes, les escargots, les lichens … afin de compléter les plus de 40 années d'observations naturalistes réalisées par les agents du Parc national sur le territoire de la commune. Dans ce cadre, plusieurs sorties de découverte à destination d'un public curieux se sont déroulées durant l'été. Cette dernière animation hivernale en était un prolongement et d'autres suivront encore en 2020 dont une restitution aux habitants de Saint-Léger des connaissances acquises durant l'inventaire.
Si Saint-Léger partage avec sa voisine Saint-Jean Saint-Nicolas ce même travail d'inventaire de la biodiversité, les deux communes partagent aussi la même volonté de préserver leur patrimoine nocturne puisque les deux se sont engagées à réduire leur éclairage public et même l'éteindre totalement au cœur de la nuit. Des initiatives qui peuvent permettre de rejoindre le réseau des villages étoilés... Pour le plus grand bonheur des astronomes amateurs et pour la préservation des papillons, des chauves-souris et autres espèces dépendantes de la nuit.