
Départ à la fraîche...
Station d’Orcières, lundi 18 janvier, 10h30, - 6°C, grand ciel bleu : les conditions sont parfaites ce matin pour le sondage hebdomadaire (ce n’est pas toujours le cas !). Après avoir chargé le matériel dans le sac à dos (10 kilos supplémentaires…), les gardes moniteurs prennent le chemin de la zone de sondage. En ski de randonnée, fermeture des pistes oblige. 2 440 mètres d’altitude, à l’aplomb du lac des Sirènes, la zone n’est plus très loin, on aperçoit les piquets qui la délimitent. À chaque début d’hiver, elle est soigneusement matérialisée afin d’éviter les passages des skieurs qui pourraient modifier les caractéristiques de la neige.
Il existe deux points de sondage dans le Champsaur-Valgaudemar, un à Orcières et l’autre à Laye. Les données recueillies sont précieuses : transmises à Météo France dans la foulée du sondage, elles permettent d’établir le BRA (bulletin d’estimation du risque d’avalanche), en les combinant avec les conditions météo (vent par exemple) et les résultats d’autres sondages.
Objectif : déterminer la cohésion du manteau neigeux
Pour comprendre l’utilité du sondage par battage, il faut connaître une base de la nivologie : à chaque précipitation, la neige s'empile en couches successives qui restent plus ou moins distinctes à l'intérieur du manteau neigeux. Chacune de ces couches a des caractéristiques propres qui continuent d’évoluer en fonction des conditions météo jusqu’à la fonte finale.
Le but du sondage par battage est de déceler les couches fragiles (celles où les cristaux de neige ont peu de cohésion entre eux), ou un empilement instable de couches à la cohésion différente.
Le sondage par battage en 5 étapes
Étape 1
On sonde la neige pour mesurer l’épaisseur de la neige.
>> 60 centimètres ici.
Étape 2
On teste la résistance de la neige grâce à une sonde spéciale équipée d’un poids mobile.
>> Ici, la neige a commencé par résister en surface puis a lâché d’un coup jusqu’au sol. Un premier indice de la présence d’une plaque à vent posée sur un manteau à faible cohésion !
Étape 3
On dégage la neige devant la sonde avec une pelle pour mesurer la température tous les 10 centimètres. On cherche à établir le gradient de température, c’est-à-dire la différence de température entre deux niveaux. En fonction de ce gradient, l’assemblage des cristaux de neige entre eux et leur évolution future vont être caractéristiques.
>> Ici, la température de la neige en surface est de – 8°. Après une petite baisse dans les 10 premiers centimètres, elle augmente progressivement jusqu’à atteindre 0° au niveau du sol.
Étape 4
On délimite et on mesure les différentes couches. Au toucher, on estime la dureté de chaque couche.
>> Ici, la neige est très dure en surface (seul un couteau peut être inséré) et de type sucre en poudre en-dessous (neige qui coule entre les doigts) : on est bien dans une situation caractéristique de plaque à vent.
Étape 5
À l’aide d’une loupe et d’une mire (une plaquette graduée), on observe les cristaux de chaque couche pour établir leur forme et leur diamètre. Puis on pèse un échantillon de chaque couche pour établir la masse volumique (poids au mètre cube de neige).
>> Ici, la couche de surface fait exception : elle est constituée de grains fins, cohérents, qui se soudent facilement les uns aux autres. En dessous, on note une alternance de fines couches de regel, dures, et d’épaisses couches de grains à faces planes, des cristaux qui ont très peu de cohésion entre eux (d’où la consistance sucre en poudre de la neige).
En conclusion
Le sondage effectué le 18 janvier met donc en évidence une plaque à vent de 5 cm, qui repose sur 60 cm de neige constituée de cristaux sans cohésion, les grains à faces planes. Typiques de forts gradients de température, ils apparaissent dans un manteau neigeux de faible épaisseur, lors d’épisodes de grands froids.
Le profil de neige déterminé ce jour peut s’avérer dangereux dans des pentes supérieures à 30°.
Pour en savoir plus, consulter le site de l'ANÉNA (Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches)