Les bouquetins ont la bougeotte

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Dans les hautes vallées des Écrins, le suivi du déplacement des bouquetins marqués confirme les échanges entre les populations du massif et sans doute des rapprochements avec celles de Belledone. Il n'y a que les montagnes qui ne se rapprochent pas !

Rut bouquetins Cerces - nov 2015 © H-Quellier Parc national des Ecrins Avec le rut, les mâles bouquetins sont « aux affaires ».

Après quelques semaines où le choc des cornes a résonné dans les montagnes, où les affrontements ont été particulièrement fréquents et spectaculaires, la hiérarchie étant bien comprise par tous, les mâles se consacrent maintenant à la recherche et à la séduction de femelles.

Pour quelques boucs, ce sera l'occasion de faire de grands déplacements rapides, souvent en aller retour qui passeraient complètement inaperçus si certains d'entre eux n'étaient pas marqués, soit à l'aide de colliers GPS ou plus simplement à l'aide de boucles auriculaires de couleur.

C'est le cas de Titin, un mâle de 6 ans, capturé et équipé le 1er août 2014 dans le vallon des Sources sur la commune de Villard Notre-Dame près du Bourg d'Oisans en Isère. Au début de l'hiver 2014, il était venu s'installer en amont du Désert en Valjouffrey au nord du pic des Souffles. Malheureusement, son collier devait tomber en panne et il a été possible de récupérer ce dernier au mois de mai 2015, sur son site de capture où Titin a passé l'été.

Carte déplacements Titin © Parc national des Ecrins - dec 2015

Le 7 décembre, les gardes-moniteurs du secteur du Champsaur-Valgaudemar ont eu la surprise de l'observer près du refuge du Pigeonnier sur la commune de la Chapelle-en-Valgaudemar, à 24 km à vol d'oiseau de son lieu de capture.

Titin, le 7 décembre 2015 au Pigeonnier - © Parc national des Ecrins
En l'absence de collier, nous ne disposons pas de son trajet mais, en supposant qu'il ait conservé son comportement de 2014, il y a fort à parier qu'il a franchi les crêtes près de l'Olan pour profiter des versants ensoleillés du Valgaudemar.

Lors de la première réintroduction dans le Champsaur, un animal marqué (Petit Tambour) avait été observé dans le vallon de Font Turba, en provenance de Champoléon,
La performance de Titin confirme qu'il existe des échanges (et certainement des échanges génétiques vu la période de rut) entre les populations de l'Oisans-Valbonnais et du Champsaur-Valgaudemar" et cette information est capitale pour la conservation de l'espèce souligne Michel Bouche, technicien patrimoines du Parc national.

Quelques jours après Titin, c'est au tour d'Oxymore, un autre bouquetin capturé en 2013 dans le Valbonnais et qui a passé l'été 2015 dans l'Oisans d'être observé à proximité du refuge du Pigeonnier, dans le Valgaudemar.

 oxymore, bouquetin marqué © C.Albert - Parc national des Ecrins
itinéraire Oxymore,  bouquetin marqué © Parc national des Ecrins

C'est aussi le cas de Dimanche qui nous avait déjà gratifiés cet été d'un long pèlerinage chez les populations italiennes de bouquetins, jusqu'en Maurienne, à 36 km à vol d'oiseau de son lieu de capture.

Dimanche, bouquetin marqué © Michael ROBERT.

Dimanche, bouquetin marqué © Parc national des Ecrins

Cette fois, Dimanche est parti à l'ouest, marquant un arrêt à proximité du tunnel du Chambon, avant de rejoindre des barres rocheuses à 1 km environ au sud du village de Clavans-le-Bas, en rive gauche du Ferrand, à 25 km de son lieu de capture, le 1er et le 2 décembre 2015.

"Dans le même temps, des bouquetins étaient observés dans le même vallon sur l'échine de Praouat au nord de Clavans et sous la croix de Cassini au sud de Clavans-le-Bas en rive droite du Ferrand : bouquetins des Cerces ou bouquetins de Belledone ?" relève Michel Bouche. "La question reste posée mais jamais on n'avait observé une proximité telle entre les deux populations. Il n'y a que les montagnes qui ne se rapprochent pas !"

Mais Dimanche n'en a pas terminé et, de Clavans, il va rejoindre Rochemolle dans le Val de Suse, parcourant ainsi plus de 70 km en à peine plus d'une semaine. Il y passe depuis un agréable hiver...

itinéraire Dimanche du 2 au 9 dec 2015

Cette carte des migrations de l'automne 2015 donne également une idée des mouvements et kilomètres parcourus par 7 bouquetins équipés d'un collier GPS pour retrouver les zones d'hivernage.
Migration d'automne 2015 vers les zones d'hivernage © Parc national des Ecrins
Le phénomène migratoire se caractérise par le fait d'utiliser une zone d'hivernage distincte d'une zone d'estive. Ces migrations se font sur des distances plus ou moins importantes, jusqu'à 15 km dans notre cas. Elles ne concernent pas forcément tous les individus d'une population et cette proportion est variable.
Par exemple, dans la colonie dite « Vieux Chaillol Sirac » la majorité des individus sont migrateurs, qu'il s'agisse de mâles ou de femelles.

Les données accumulées grâce aux colliers GPS depuis 2013, permettent de préciser toutes ces questions concernant notre massif. Ainsi, pour rejoindre les zones d'hivernage en fin d'automne, les migrations durent entre 1 et 19 jours et ont lieu entre octobre et novembre. En revanche, les migrations pour rejoindre les quartiers d'été, sont bien plus rapides puisqu'elles durent entre 1 et 5 jours et se déroulent entre le 9 mai et le 15 juin. Dans ce cas de figure, ces déplacements se font d'une seule traite.

Suivez les bouquetins à distance

Ecouter aussi Les chroniques nature "Le suivi du bouquetin" et "Les migrations des bouquetins"

 

Les déplacements des bouquetins capturés et équipés de colliers GPS avec transmission satellitaire peuvent être consultés quasiment en temps réel grâce à un site internet : bouquetins.ecrins-parcnational.fr

L'Europe (FEDER), le ministère de l'Ecologie et les régions Rhône-Alpes et PACA soutiennent cette action du Parc national des Écrins.