Le coq Ascension explore le sud-est des Écrins

-A A +A
C’est un périple hors du commun qu’a entamé le mâle tétras lyre surnommé Ascension le 12 mai dernier, un an jour pour jour après avoir été équipé d’une balise GPS par les agents du Parc national. Parti du vallon du Fournel, il a visité en une dizaine de jours les principaux sites de reproduction du Champsaur avant de regagner ses quartiers… et de renouveler le voyage le 1er juin !

Tétras lyre en parade © M. Coulon - PNEUn début d’histoire ordinaire...

Lorsqu’on parle animaux voyageurs dans les Écrins, on pense immédiatement bouquetins ou chamois, infatigables cavaleurs. Ici, c’est pourtant d’un tétras lyre dont il est question : le dénommé Ascension, capturé par les gardes-moniteurs de la Vallouise au printemps 2021 sur la crête de la Seyte et équipé d’une balise GPS.

Thierry Maillet, technicien du patrimoine en Vallouise, nous raconte : « Nous l’avons capturé le 12 mai 2021 dans la zone de protection hivernale au-dessus du vallon du Fournel. Ascension était immature à l’époque. Pendant un an, il a eu un comportement tout à fait habituel : il s’est peu éloigné de la place de chant, maximum 200 mètres aux alentours. Et puis, le 12 mai dernier, pile un an après sa capture, il a entamé un grand voyage vers le Champsaur. »

12 jours de voyage pour Ascension

Et il n’a pas choisi le chemin le plus aisé pour cela… Après avoir fait le tour des places de chants du Fournel, il a remonté le vallon de Chichin, au-dessus de Dormillouse, avant de bifurquer plein sud et de franchir la crête du Grand Pinier à plus de 2 900 mètres d’altitude ! Après cette folle ascension, notre coq est allé se reposer quelques jours à proximité de la station d’Orcières Merlette. Une bonne occasion de reprendre des forces car il a ensuite repris son périple en visitant toutes les places de chant du Champsaur !

12 jours plus tard, une fois son tour achevé, il a pris le chemin du retour le 24 mai aux aurores, en franchissant la crête du Grand Pinier exactement au même endroit qu’à aller.

Points de passage d'Ascension lors de ces 2 voyages

Points de passage d'Ascension lors de ses 2 voyages

Un périple exceptionnel de plus de 52 kilomètres

« C’est la première fois que ça arrive dans les Écrins, nous apprend Thierry Maillet. Il est déjà arrivé qu’un coq de la Seyte traverse la vallée jusqu’à Puy-Saint-Vincent, mais c’était déjà exceptionnel. » Car la distance parcourue par Ascension - 52 kilomètres sans compter ses déplacements à proximité des zones d’étapes, couplée à l’altitude des passages empruntés, sont hors du commun. « Les tétras lyres ne sont normalement pas des grands voyageurs, explique Thierry. Ils peuvent voler mais ce ne sont pas des grands planeurs. Ils font des vols directs, avec des battements rapides des ailes, ce qui est vite fatiguant. » Il est également à noter que le milieu de vie habituel des tétras lyres dans les Alpes est situé entre 1 800 et 2 400 m d’altitude…

Tétras lyres en parade © M. Coulon - PNE

Retour (définitif ?) en Champsaur

L’histoire ne s’arrête pas là : quelques jours après son retour dans le vallon du Fournel, Ascension a visiblement été pris de nostalgie des places de chant champsaurines. « Il est reparti dans le Champsaur le 1er juin, raconte Thierry. Cette fois, il est allé directement à la place de chant au-dessus du Saut du Laïre, en empruntant un autre itinéraire plus direct… mais encore plus haut ! Il s’est posé au sommet du Tuba, à 3 008 mètres. »

Points de passage d'Ascension au Tuba (3 088 m)

Points de passage d'Ascension au sommet du Tuba (3 088 m)

Depuis, notre coq semble se plaire dans le Champsaur (et y trouver les femelles à son goût !) puisqu’il n’a plus quitté la place de chant. Affaire à suivre !

Connaître les tétras pour mieux les protéger

La découverte de ces déplacements exceptionnels pour l’espèce conforte l’intérêt d’équiper les tétras lyres. « Jamais nous ne nous serions doutés de ça si on n’avait pas posé de balise GPS, commente Thierry. Au-delà d’une meilleure connaissance de leur habitat et de leurs déplacements, l’équipement d’oiseaux en Vallouise et dans le Champsaur nous permettra d’évaluer l’impact du ski de randonnée sur leurs déplacements hivernaux et donc le dérangement provoqué. »

Capture d'un tétras lyre au printemps 2021 © R. Papet - PNE

Capture d'un tétras lyre à Orcières au printemps 2021

Un cas pas si isolé ?

Pour conclure temporairement cette histoire, il semble que la mode des grands voyages chez les tétras lyres ne touche pas que le massif des Écrins, comme nous l’explique Thierry. « C’est une coïncidence, mais en Vanoise aussi, un coq est parti faire pour la première fois ce printemps un grand voyage entre Maurienne et Tarentaise... »