Gypaètes : une année en demi teinte

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Prometteuse au départ, avec quatre éclosions avérées (un record pour les Écrins), la saison 2025 n’aura finalement pas été à la hauteur des espoirs. Trois des quatre gypaétons nés entre la mi février et le début du mois de mars n’ont pas survécu. Pour le trio de Malaval toutefois, c’est une nouvelle réussite : le jeune a quitté le nid le 10 juin dernier.

Gypaète du trio reproducteur du Chambon © Thierry Maillet - PNE

Trois échecs successifs

C’est du Vénéon qu’est arrivée la première mauvaise nouvelle, comme nous l’écrivions le 20 mars dernier : le gypaéton du couple de Plan du lac est mort moins d’une semaine après son éclosion.

Peu de temps plus tard, l’aventure s’est également arrêtée pour le couple du Valgaudemar, avec la mort du jeune estimée tout début avril. Les observations régulières des agents du Parc et des bénévoles d’Envergures alpines ont permis d’attester que les deux adultes étaient constamment harcelés par des faucons pèlerins dont le nid était situé juste en dessous du leur. L’hypothèse la plus probable est que ce dérangement durable aurait conduit à l’abandon du nid. Mais l’inexpérience du couple, dont c’était seulement la deuxième reproduction, peut également être incriminée. Dans le courant de l’été, une visite de l’aire pourra peut-être nous fournir des indices supplémentaires...

Gypaète barbu autour du refuge de Chalance © Olivier Sabatier - PNE Quoiqu’il en soit, le couple du Valgaudemar a déjà reconstruit une aire à proximité du nid abandonné. Comme l’explique Yoann Bunz, chargé de mission faune au Parc national, « quand la reproduction échoue, on observe souvent des comportements de cohésion du couple, qui se traduisent notamment par la construction d’une nouvelle aire ou le rechargement d’une ancienne. On suppose que cela a pour objectif de renforcer les liens entre les membres du couple. »

Du côté de la haute Romanche, on a longtemps cru que les deux reproductions en cours arriveraient à terme : celle du trio de Malaval, au-dessus du lac du Chambon, et celle du couple du Grand Clot, fraîchement installé au-dessus de La Grave. Pour ce dernier, tout s’est malheureusement arrêté aux alentours du 9 mai ; le gypaéton avait deux mois. Aucun indice ne permettant de privilégier une hypothèse, toutes les causes habituelles d’échec sont possibles : inexpérience (il s’agissait de la première reproduction du couple), maladie, prédation…

Petite consolation, Simay, le mâle du couple, vole toujours dans les environs, preuve que le secteur reste favorable. Une réinstallation l’année prochaine est donc possible, affaire à suivre !

Un 6e gypaéton à l’envol pour le trio de Malaval

Sans surprise, ce sont les gypaètes les plus expérimentés du massif qui ont mené à bien leur reproduction : le trio de Malaval a ainsi amené un jeune à l’envol pour la troisième année consécutive. Après Meije en 2023 et Malaval en 2024, nous souhaitons la bienvenue à Ubac, éclos le 13 février, équipé d’une balise GPS le 13 mai, et envolé du nid le 10 juin vers 14 heures. À ce jour, tout va bien ; le gypaéton reste dans les environs à proximité de ses trois parents et est en cours d’émancipation. En plus d’une balise GPS, il a été équipé de deux bagues de couleur pour faciliter son identification : une violette sur la patte droite, une bleue sur la patte gauche, avec le code OJ sur chacune. N’hésitez pas à ouvrir l’œil et à nous faire part de vos observations !

Gypaète barbu © Mireille Coulon - PNE L’équipement en balise GPS et le marquage des jeunes est prévu dans le cadre du plan national d’actions en faveur du gypaète barbu. Yoann Bunz explique : « Ça permet de mieux comprendre les déplacements des gypaètes, leurs comportements et aussi d’alimenter des études, par exemple sur les risques de percussion. La règle veut qu’on équipe tous les gypaétons nés en nature dans une aire accessible, avec une restriction : on n’équipe pas le petit d’un couple dont c’est la première reproduction. » L’équipement d’Ubac a été réalisé par les agents du Parc national avec le concours des bénévoles d’Envergures alpines et d’Asters, le conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie. Le Puy du Fou ayant financé la balise GPS, le nom complet du gypaéton est Ubac Puy du Fou. L’équipement d’un gypaéton est une opération sensible, comme le confirme Yoann : « Ce sont des milieux très difficiles d’accès, en milieu de falaise. Ces opérations ne sont pas anodines, ni pour nous, ni pour le gypaéton. Elles nécessitent des compétences techniques particulières, et nous n’avons qu’une fenêtre de quelques jours pour intervenir afin de minimiser le dérangement. »

Le 13 juin dernier, ce sont les enfants de l’école du Freney d'Oisans qui ont eu l’honneur de baptiser le petit. Après trois ateliers animés par deux agents du Parc et deux bénévoles d’Envergures alpines, ils ont procédé au tirage au sort parmi des propositions faites par eux-mêmes et par les représentants du Puy du Fou.

Baptème du gypaéton de Malaval © Cathy Hustache Baptème du gypaéton de Malaval © Cathy Hustache

Un bilan pas si négatif

C’est donc une année en demi teinte pour le gypaète barbu dans les Écrins. Mais comme nuance Yoann Bunz, « ces résultats restent dans les standards de reproduction de l’espèce, avec un peu moins d’une chance sur deux de réussite. Et il y a de bonnes nouvelles : le massif compte quatre couples reproducteurs, avec un jeune supplémentaire amené à l’envol, et tous les couples apparus récemment restent sur le territoire. » Parmi eux, on sait grâce aux balises GPS que les deux mâles de Molines en Champsaur détectés en 2023 sont toujours dans les parages. Ne manque plus désormais qu’une femelle...