Pas de gypaéton en haute Romanche cette année

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Le doute n’est aujourd’hui plus possible : la reproduction du trio de gypaètes barbus de l’Oisans a échoué. Après l’éclosion de l’œuf, vraisemblablement le 4 mars, les 3 adultes ont abandonné le nid quelques jours plus tard. Quelques éléments d’éclaircissement ci-dessous.

Une accélération des évènements le 5 mars

Pour rappel, le trio de gypaètes a entamé la couvaison de leur œuf le 10 janvier dernier. Début mars, soit 2 mois plus tard, tous les regards étaient dirigés vers les falaises de la haute Romanche pour guetter les premiers signes d’éclosion. Marie-Françoise Aubert, fidèle observatrice de ces rapaces, était présente le vendredi 4 mars. Elle nous raconte : « Vers 10h15, les oiseaux ont commencé à s’agiter. Leur comportement a changé, ils grattaient au fond du nid. » Cette agitation inhabituelle a également été constatée le lendemain par les bénévoles de l’association Envergures alpines, ce qui laisse supposer que l’éclosion a bien eu lieu.

Samedi 5 mars, Marie-Françoise observe même un adulte amener de la nourriture au nid. Puis la situation change rapidement : « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé en fin de journée. Vers 18h15, 2 adultes se sont envolés du nid. L’un est resté à faire des allers-retours jusqu’au lendemain [dimanche 6 mars], puis s’est envolé définitivement vers 16h. Depuis ce moment, il n’y a plus personne dans le nid. » Si la mort du petit est indéniable, on n’en sait guère plus sur la cause. « Peut-être était-il trop fragile ? » suppose Marie-Françoise. Ces échecs de reproduction ne sont pas rares chez les gypaètes barbus, qui compensent la faiblesse de leur reproduction par une espérance de vie élevée (plus de 30 ans parfois).

Les 3 gypaètes en vol le 15/03/2022 © M.F. Aubert Le trio en vol le 15 mars 2022

Un ancien nid en cours de reconstruction

Les 3 oiseaux n’ont pas pour autant quitté les gorges de Malaval, comme le confirme Marie-Françoise suite à ses observations régulières. « Le 15 mars, je les ai vu voler tout l’après-midi dans le secteur. » Notre trio est même en train de recharger une ancienne aire ! « Je les ai vu transporter branches et brindilles au nid où Emparis [le gypaéton de la couvée 2019] est né ».

Les gypaètes à leur ancien nid © M.F. Aubert Les gypaètes à leur ancien nid en cours de rechargement (photo prise à longue distance avec téléobjectif)

Comportement qui peut paraître étonnant, surtout qu’« il est un peu tard pour commencer une nouvelle reproduction » juge Marie-Françoise. Pas si surprenant en réalité, comme l’explique Étienne Marlé, technicien faune au Conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie et spécialiste du gypaète : « Reconstruire une aire après un échec de reproduction est un comportement plutôt classique chez les gypaètes. C’est une interprétation complètement humaine, mais nous supposons que ça peut permettre au couple de se ressouder après un échec. » Il complète : « Cette aire servira peut-être pour une nouvelle reproduction l’automne prochain, parce qu’il est peu probable que la femelle ponde de nouveau maintenant. Lorsqu’il y a une ponte de remplacement, c’est généralement 2 à 3 semaines après le début de la couvaison quand l’œuf n’est pas viable. »

Les gypaètes à leur ancien nid © M.F. Aubert Envol depuis l'ancien nid (photo prise à longue distance avec téléobjectif)

Quoiqu’il en soit, et parce que la nature réserve toujours son lot de surprises, le Parc national et ses partenaires continuent de suivre les agissements du trio. La zone de protection reste également en vigueur, avec notamment une interdiction de survol dans le secteur.